Si on a du mal à percevoir la cohérence et l’efficacité de la stratégie mondiale des Etats-Unis, on comprend encore moins la logique qui conduit le Royaume-Uni et la République française à persévérer dans leur soutien à cette politique erratique. Le retour sur les ondes et dans les librairies du grotesque et pitoyable va-t-en guerre de salon, qui s’était heureusement fait plus discret depuis le désastre libyen, devrait inquiéter tout citoyen un peu responsable sur la politique menée par les « Occidentaux ». Plus ce personnage dénué de la moindre légitimité parle de paix et de démocratie, plus celles-ci reculent. Le monde a besoin d’hommes politiques réalistes et qui ne se déguisent pas en philosophes moralistes pour cacher leurs autres motivations moins nobles, que ce soit le service d’intérêts étrangers ou la consolidation de leur pouvoir menacé. Sur ce plan, on pourrait déceler une synergie entre Macron et BHL, qui devrait éveiller bien des soupçons chez les électeurs de droite que le premier cherche à séduire. Les trois pays qui ont fait claquer leurs pétards mouillés sur la Syrie en évitant toute perte humaine et toute destruction matérielle irréversible cherchaient peut-être à revenir dans le jeu. C’est un peu tard alors que la partie est jouée et qu’ils l’ont perdue. La paix la plus proche est celle qui verra le pouvoir légitime en Syrie retrouver sa pleine souveraineté sur l’ensemble de son territoire. Tout retard, avec les morts qu’il provoquera, sera imputable aux pays occidentaux qui fustigent un Etat qui ne leur fait pas la guerre alors qu’ils ont été étonnamment lents et circonspects, et parfois complices, envers les islamistes qui les désignent pourtant clairement comme les ennemis et les traitent comme tels, en France à travers les attentats ou encore aujourd’hui même au Mali où 7 soldats français ont été blessés.
On voit bien l’intérêt de Donald Trump de passer à l’offensive. Il fait ce qu’Obama n’avait pas osé faire. Du même coup, son bras-de-fer avec Moscou le dégage des accusations d’être l’élu des Russes. Enfin, en se hissant sur le pavois du Chef de guerre américain, il ne peut que renforcer son image auprès d’un électorat patriote, fier de son armée, de sa puissance et de son efficacité. De même, on comprend le souci du Premier Ministre britannique, empêtré dans le brexit, de clamer « Rule Britannia » afin de mobiliser la fierté anglaise comme Margaret Thatcher avait su le faire lors de la guerre des Malouines. Sauf que dans ce cas, les Argentins avaient bien envahi un territoire britannique. Les deux motifs « gazeux » qui irritent Londres restent en revanche douteux. L’espion russe au service de l’Angleterre et sa fille se rétablissent. La frappe occidentale a précédé l’enquête de l’OIAC. La précipitation de la riposte a laissé entrevoir le désir de ne pas interrompre un scénario qu’il était très opportun de mettre en oeuvre. Enfin, M. Macron avait, lui-aussi, des raisons d’agir sans rapport avec l’intérêt supérieur de la France. C’était, comme pour Trump, l’affichage d’une différence avec son prédécesseur, et la volonté de montrer qu’il tient ses promesses : un leit-motiv qui est censé décourager ceux qui manifestent contre lui, soit pour le faire renoncer à les tenir, soit pour lui rappeler que les conditions de son élection ne lui donnent pas une légitimité absolue. Le Président français trouve dans la politique internationale le terrain idéal de sa mégalomanie, et l’occasion de survoler la marée des mécontentements. Pour peu, il voudrait nous faire croire que c’est lui qui a décidé des frappes, de la manière de les réaliser et des objectifs poursuivis. On observera les applaudissements d’Erdogan, et la non participation de l’Allemagne, plus soucieuse de nous vendre des voitures grâce à son Mark bon marché qu’on appelle l’Euro que de participer à un quelconque effort de guerre en commun.
M. Macron a accusé nommément la Russie et son Président de complicité dans l’utilisation des gaz. Ce faisant, il s’est maintenu dans le camp qu’avaient déjà choisi ses prédécesseurs, qui allie curieusement les monarchies sunnites et les réseaux qu’ils financent, et Israël qui craint l’Iran par dessus tout. Toutefois, en disant ne pas faire la guerre à Assad, mais seulement à la chimie, en maintenant son rendez-vous de Saint-Petersbourg avec Vladimir Poutine et en annonçant une initiative diplomatique pour proposer une solution politique pour la Syrie, le Président Français tente de faire croire aux Français qu’à défaut d’être le sauveur de l’Europe, il est le maître du monde. Il fut un temps où la France se permettait une politique internationale indépendante. Aujourd’hui, elle se contente de vendre des armes à l’Arabie saoudite pour que celle-ci écrase les chiites du Yémen où s’est déclenchée une catastrophe humanitaire dont on parle moins que du bombardement supposé d’un quartier de Douma, cette ville désormais libérée des islamistes que nous soutenons. Cette gesticulation guerrière en Syrie, au mépris du droit international, peut être au mieux un baroud destiné à ne pas perdre la face malgré la défaite, au pis un encouragement à la relance de la guerre. Bravo à nos soldats pour l’efficacité de leur action, non à nos politiques qui leur assignent des missions aussi douteuses. (fin)
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