Extraits de « La guerre d’Algérie – chronique de sang et d’or »

Oran, le 18 mars 1962
Soirée

Le soir descend. Encore une journée de tirs indéterminés et d’explosions diverses. Intense montée vers un paroxysme sans date. Le temps couvert et sombre dément l’imminence du printemps.

En France la forfaiture est devenue un mode de vie.

A peine ce « peuple » des bords de Seine a-t-il eu quelques morts, par lui-même piétinés, au métro Charonne, qu’il a envahi les boulevards en désignant un assassin : l’OAS. Quand, ici, les morts qu’un revolver a visé sont relevés en grand nombre chaque jour, les Parisiens ne demeurent-ils pas insensibles, pire, ne prient-ils pas pour qu’on retire leurs fils de ces villes maudites, pour qu’on y laisse se débrouiller ces « européens »,  racistes et fascistes, avec la majorité musulmane ? Et, si d’aventure il leurs arrivait malheur, sûr qu’ils l’auraient attiré sur eux en habitant dans un pays qui ne leur appartient pas, en pensant mal, en ne se mêlant pas à cette majorité dont ils auraient du adopter les mœurs, la langue et la religion. Désespérante trahison des « frères » de civilisation et de race, qui se retirent dans leurs coquilles, en croyant que ces « principes » les sauvegarderont d’une invasion en retour.

A la radio, en même temps que retentissent les klaxons en cinq notes, une annonce : le cessez le feu et des accords avec le FLN sont signés à Evian.

Illico, les drapeaux du 14 mai sont raccrochés aux balcons et la rue proteste.

La place des Victoires est soudain noire de monde, les tracts de l’OAS se distribuent en masse, qui appellent à la journée de deuil du lendemain, 19 mars. Des hauts parleurs, installés en hâte, grésillent et annoncent une déclaration de Salan et une allocution de Jouhaud dans l’heure qui suit.

Soudain, les crachotements reprennent, la Marseillaise, entonnée par la masse humaine, une voix, réclamant le silence…Sa majesté le silence qui étale ce clapot de sens et de sentiments…On entend Salan donner « l’ordre aux combattants de harceler toutes les positions ennemis dans les grandes villes d’Algérie ». Puis c’est la voix du général Jouhaud :

« Mes chers compatriotes d’Algérie »

«  Le général d’Armée Salan, qui a pris en main les destinées de notre province, vient, à l’occasion du « cessez le feu » – huées stridentes – chut, chut – silence – de vous donner l’ordre de poursuivre et d’intensifier le combat que nous menons contre la trahison »

«  Cet ordre est clair. Il s’adresse à la population civile. Il s’adresse aux éléments de l’Armée qui ont conservé le sens de l’honneur. »

«  Pour nous, il n’y a plus d’hésitation : c’est la victoire ou la mort ! »

«  L’équivoque, si équivoque il y avait, est levée. Le gouvernement s’est finalement plié aux exigences du G.P.R.A. Mais de Gaulle ne peut disposer d’un peuple, mais de Gaulle ne peut imposer sa volonté à des millions d’hommes. Oui à des millions d’hommes, Européens et musulmans. »

L’allocution se poursuit et nul ne frissonne à l’idée que le combat final commence.

« Ecoutant la voix d’un homme qui, entre temps, a trahi pour la livrée de premier valet, mais qui, à un moment donné, avait le sentiment de la grandeur du pays, nous considérons que l’abandon de la souveraineté française en Algérie est un acte illégitime, que ceux qui s’en rendent complice se mettent hors la loi et que ceux qui s’y opposent, quelque soient les moyens, sont en état de légitime défense. »

« La page est tournée. Entre les traîtres et nous, c’est une question de force. »

« Citoyens ! Suivez les instructions de l’OAS – gardez votre sang froid, mais restez toujours aussi résolus. »

« Quant aux traîtres, ceux qui  comptent briser notre volonté, ceux qui acceptent d’exécuter les ordres du gouvernement, qu’ils sachent bien que notre mémoire sera fidèle. »

« Hauts les cœurs et courage ! »

 « Vive la France ! »

La Marseillaise de nouveau, dans l’incandescence de la nuit tombante

La foule demeure, pour bien marquer que le couvre feu n’a pas cours. On ne voit aucun casque, aucune automitrailleuse, et il faut calmer l’ardeur des milliers d’oranais que l’annonce du vol d’armes du matin a exalté. L’OAS doit leur demander de rentrer chez eux.

Quelques rafales accompagnent cette retraite, qui visent les nuages, comme pour les faire éclater, et en effet la pluie se met à tomber.

Alger, le 18 mars 1962

Le pouvoir vient de franchir une étape considérable dans leur mise au ban de la nation : l’institution des cours martiales à Alger et Oran. Elles pourront juger immédiatement tout prévenu à elle déféré, sans instruction préalable, sans appel et sans recours en cassation.

Les perquisitions ont augmenté, en nombre et brutalités ; c’est comme un obscurcissement progressif, la montée inexorable d’un phénomène météorologique inconnu, l’avènement du premier orage pour la première conscience.

Et la nouvelle tombe !

La France et le FLN ont signé un cessez le feu à Evian.

Les rues deviennent la proie d’un frisson gigantesque. Comme une bête aux abois, Alger est le siège de spasmes ; les klaxons et les voix crient leurs refus, des tracts sont immédiatement dans les mains avides des Algérois.

« Aveugle et sourd à la volonté d’un peuple, de Gaulle a signé avec les assassins. Notre guerre continue, notre drapeau est et restera le drapeau tricolore. »

« En conséquence »

« Dés le lever du jour suivant l’annonce officielle du cessez le feu, une grève générale de vingt quatre heures marquera :

«  1 La trahison honteuse d’un chef indigne. »

«  2 Notre détermination farouche de rester à jamais Français. »

« Les rues seront désertées par la population, de manière à éviter tout incident. Portes, fenêtres et volets seront clos. »

Le deuil

Algérie le 19 mars 1962

Il pleut. C’est comme un sanglot du ciel. Peut-être un baptême du feu, en tous cas la fin de la sécheresse. Les drapeaux pendent aux fenêtres et balcons ; leurs teintes, fanées sous l’averse, égayent les rues vides.

Là-haut, l’oiseau des dieux n’en revient pas. La grande ville est déserte, les rues mouillées sans voitures ni passants. De-ci de-là, aux carrefours, des camions ou des automitrailleuses, surveillent un vol de pigeon ou la vacuité d’une esplanade.

Le plus extraordinaire est en mer : plate et déserte, l’eau se confond avec le ciel. Sur les quais, les dockers absents, les grues inertes, les bateaux sans remorqueurs, le temps arrêté, laissent la jetée solitaire s’exclamer : Ici la France.

Oran a fermé ses volets. Quatre cents mille personnes derrière les murs, se recueillent, concentrent leurs énergies.

Il pleut aussi sur Alger. La capitale, recroquevillée, aligne ses artères sans vie le long de sa baie. Un rayon de soleil eut rendu la scène radieuse, mais il refuse son aide, et le premier jour de « la paix » ressemble à un deuil.

Ce seront trente deux heures de mortes eaux, le flux reprendra avec le retour de l’électricité, le 20 mars à 6 heures.

Dès lors, la scène s’anime et le bateau vogue…

Source : « La guerre d’Algérie – chronique de sang et d’or », Academiae édition, 2012.

Oran, le 19 mars 1962

Une cellule de moine notre appartement. Je lis, Jean-Paul lit, Maman fait le ménage, puis la cuisine, et ce temps de l’attente ressemble à une veillée d’armes.

J’imagine la ville, sous ce couvert, comme une cité des Andes abandonnée depuis des siècle, les artères désertes, leur silence absolu, et la traînée kaki des forces d’occupation.

Le bac approche. Qui y songe ? Toute cette connaissance livresque paraît dérisoire, sauf l’Histoire, sauf cette matière reine du sens. Pas d’électricité, pas de radio, aucun écho du monde. Que dit-on de nous ? Ne sont-ils pas émus, en face, en métropole ? A travers les lattes du volet roulant, la lumière est tamisée, l’œil prisonnier d’un champ de vision minuscule : une grisaille de rue, un soupçon du balcon des Lubrano et point d’autre information…

Je rêve d’être un oiseau, de planer au dessus d’Oran sans contrevenir à l’OAS. Ma gare si blanche sous mon aile, sa solitude marquée par l’esplanade vide, et la cathédrale, et Jeanne sur son destrier, et le Front de mer désert offrant ses palmiers au large en toute tranquilité. Et puis, dans son écrin de quais, d’eaux sombres et de ravins, mon quartier de naissance, mes pauvres maisons d’histoire, mon Espagne ignorée dormant dans un silence …de mort.

Nous n’avons pas souffert de l’inaction, nous avons combattu par l’abstention. L’Aventin est une ascèse aussi éloquente que bien des parades ou des défis. La nuit tombe sur notre deuil. Le noir s’installe, hors de tout éclairage public. Maman allume et dispose des bougies ; dehors il pleut. Le premier plastic annonce le réveil de l’Histoire. Avoir sommeil est impossible dans cette veille, pourtant les yeux se ferment et l’heure tourne.

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35 Comments

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  • 0 / 10
  • Pascal , 20 mars 2016 @ 15 h 46 min

    A lui seul, sûrement pas.
    Et puis trouvez-vous un gaulliste pour lui faire part de votre ressentiment, je n’en suis pas un.

    Les gaullistes qui écrivent des articles et qui commentent sur ce site ne manquent pas !

  • marie-france , 20 mars 2016 @ 16 h 54 min

    @ péripathos ,j’ ai toujours défendu ,sur ce site J-M le Pen ,je ne me suis jamais “caché” pour le dire haut et fort ,je le préfère à sa fille et sa “troupe ” je vote à contre coeur pour la nouvelle génération face à l’umps

  • Marino , 20 mars 2016 @ 17 h 45 min

    «BFM Politique» : posez vos questions à Marion Maréchal-Le Pen

    Tous les dimanches, de 18h à 20h, dans « BFM Politique », Apolline de Malherbe accueille une personnalité politique qu’elle interroge en compagnie, en alternance, d’Henri Vernet et de Nathalie Schuck du « Parisien » – «Aujourd’hui en France».

    Ce dimanche 20 mars, c’est la députée FN Marion Maréchal-Le Pen qui sera sur le plateau de « BFM Politique ».

    Nouvelle stratégie électorale du FN, élection présidentielle, loi Travail et mobilisation des jeunes : posez vos questions à Marion Maréchal-Le Pen

    * Courage Marion …les Merdias vont vous démolir, mais nous serons présent devant la Télé pour une audience record !

  • André , 20 mars 2016 @ 19 h 12 min

    Chevalier-de-Moncaire 20 mar 2016 à 14:32 at 14 h 32 min l==> la video est en effet vérouillée. c’est domage.l==> Je suis désolé, mais celui qui comprends que le soleil se lève sur les bons comme sur les méchants a tout compris. Nous arrivons dans la période où l’explosion sera imminente. Je suis donc obligé de réserver mes infos à un public restreint. La population française est dans le bain, elle ne se rend pas compte de ce qui se trame. Les français sont N fois plus malades que lors de ma découverte en 2008 et ils ne s’en rendent pas compte. Je m’en suis encore endurci lorsqu’en 2013 j’avais décrit l’attentat du Bataclan sur mes blogs, alors que j’ignorais le lieu et la date. Dans un avenir très proche la France va connaître un gigantesque attentat, votre gouvernement le sait et les français s’en foutent. Je peux voir parce que je ne suis pas bans le bain, je suis extérieur à votre monde. Certaines infos, je ne pourrais plus les révéler au tout public, mais sous verrou, afin de prévenir ceux qui sont de bonne volonté. Un rappel pour les vrais chrétiens. Nous sommes le dimanche des rameaux, lorsque Jésus entra dans Jérusalem sur son âne perché, la foule l’acclamait: Hosanna, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Cinq jours plus tard, cette même foule hurlait, mettez-le mort. Aujourd’hui il en est encore de même. Des millions de français se disent chrétiens alors qu’ils sont antichrists. Quand on voit de tels blasphèmes, la France ne peut plus se relever avant la purification qui arrive, purification par le feu.
    ……………………………
    marie-france 20 mar 2016 à 17:16 at 17 h 16 min
    @ ça ne m’étonne pas que tu sois descendant d ‘assassins palestinien » finalement tu es quoi ,??juif ou arabe ,je pencherais pour le second ,vu, comme tu les défends ,mon pauvre ,arrête de te raconter des histoires ,va te faire soigner ……………….pour le andré
    …………………………………………….
    Je peux communiquer le lien de la vidéo que je viens de mettre en ligne. Apprenez à lire les signes du temps:

    http://www.dailymotion.com/video/x3yz90r_signes-des-temps-fevrier-2016_news

  • Johnny Wendigo , 21 mars 2016 @ 1 h 23 min

    Voilà une chanson qui s’applique aux petits français…être si stupide fait mériter la mort.
    https://www.youtube.com/watch?v=OtNZm9KXm8w

    Il me semble que seuls les militaires français sont au courant des évènements d’Algérie.
    Le français moyen ignore tout…TOUT!!! Incroyable! Comment peut-on avoir le cerveau si bien lavé? Le Camp des Saints est tout ce qu’ils méritent!

    Jusque la version française qui a été effacée!
    http://www.algerie-francaise.org/english/index.shtml

  • Johnny Wendigo , 21 mars 2016 @ 1 h 28 min

    Charles Péguy:
    “Le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles.”

  • Pascal , 22 mars 2016 @ 3 h 16 min

    La certitude on pourra ne l’avoir que lorsque les archives seront ouvertes. En attendant il y a le travail d’enquête d’un journaliste du Figaro (Henri-Christian Giraud) qui aurait eu accès à des archives russes. Il a écrit un livre : « L’accord secret de Baden-Baden ».

    Point de contrepartie nécessaire, l’URSS estimait que le maintien de CdG lui était plus favorable que son départ. Plus tard en 1981, les militants du PCF auront pour consigne de voter Giscard considéré moins atlantiste que Mitterrand par Moscou.

    Et puis la géopolitique de l’Europe fait que la Russie a besoin à l’extrémité du continent d’une France qui tienne son rang. La Russie nous a à plusieurs reprises tirés d’un mauvais pas. En 1815 elle s’oppose au partage de la France en quatre royaumes et en 1914, alors que son armée n’était pas prête, elle ouvre un front à l’Est pour nous soulager, ce qui nous permettra de remporter la bataille de la Marne. Probablement qu’elle ne nous aurait pas laissés seuls face aux Prussiens en 1870 si Napoléon le petit n’avait pas commis la faute de la honteuse guerre de Crimée.

    Je n’ai rien de vraiment factuel concernant le choix de Debré plutôt que de Soustelle en dehors de ce que tout le monde sait, que CdG et Debré étaient des hommes de droite et Soustelle un homme de gauche.

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