Entretien avec Marc Crapez, chercheur en science politique, sur l’actualité politique de la semaine écoulée.
Marc Crapez, l’utilisation du 49-3 entraîne-t-elle un réel suspens ?
Certains se font des frayeurs au sujet du 49-3. Qu’on se rassure, il ne va rien se passer. Même si les députés font semblant de se battre et les journalistes semblant de compter les points. Un peu comme dans l’album de Lucky Luke « Le 20ème de cavalerie » où, dans un fort assiégé par les apaches, les soldats font semblant d’éplucher des patates, en faisant semblant de faire des épluchures fines, que le colonel fait semblant de vérifier.
La gauche du parti socialiste prend la posture du « retenez-moi où je fais un malheur ». A droite, il n’est qu’à voir la mine réjouie d’un Jacques Myard : le 49-3 est une bonne farce que les parlementaires font à Marianne, mais pour de faux et « sans être cap’ ». En mai 2008, Manuel Valls, Bruno Le Roux et une dizaine de députés PS firent une proposition d’abrogation de l’article 49-3, sauf pour les textes budgétaires. Simple manœuvre, là encore, qui ne portait pas à conséquence.
Peut-on parler, comme certains, d’abus de pouvoir ?
Le 49-3 est un débloqueur de situations. Il est la quintessence de la Ve République. Il vise à responsabiliser les groupes parlementaires. Il évite la paralysie en offrant une possibilité dérogatoire de passer par-dessus les représentants du peuple. Avec ce procédé, une loi considérée comme vitale par le gouvernement passe (telle quelle, en première lecture, sans vote, avec le soutien d’une majorité relative)… excepté si une motion de censure était adoptée (à la majorité absolue) lui coupant ainsi l’herbe sous le pied.
Dans la pratique, ça n’arrive jamais. C’est d’ailleurs conçu pour ne jamais arriver. C’est étudié pour. En effet, le jeu n’en vaut pas la chandelle. On ne va tout de même pas faire tomber un gouvernement pour une seule loi. Une méchante petite loi pèse moins, dans la balance, qu’une majorité au parlement engrangée dans la foulée d’une élection présidentielle gagnée. L’enjeu n’était pas le même sous la IVe République. Aujourd’hui, les députés frondeurs du PS seraient, eux-mêmes, les premiers à être emportés dans la tourmente d’une dissolution de l’Assemblée.
Que va-t-il se passer, selon vous ?
Il manque une voix au groupe PS pour être majoritaire. Mais il restera probablement au complet à l’écart de la motion de censure, car sa discipline de parti prohibe de « voter avec la droite ». Et surtout, le PS sait qu’il peut compter sur une force supplétive, celle des radicaux de gauche, qui lui sont tout dévoués, car ils doivent leur propre survie électorale à cette alliance. En outre, il y aura toujours deux-trois députés de droite qui ne voteront pas avec la droite. C’est ainsi. C’est dû à l’individualisme de la droite et à la culpabilisation insufflée par la gauche à ses adversaires.
La seule drôlerie qui pourrait advenir serait un score assez serré, où l’UMP se morde les doigts d’avoir donné un coup de pouce au député PS du Doubs fraîchement élu contre un candidat FN.
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