Libye : le but de la guerre était-il d’assassiner le colonel Kadhafi ?

Mardi 16 décembre 2014, à Dakar, lors de la clôture du Forum sur la paix et la sécurité en Afrique, acclamé par les participants, le président tchadien Idriss Déby a lâché une véritable bombe quand, en présence du ministre français de la Défense, il déclara qu’en entrant en guerre en Libye : “l’objectif de l’OTAN était d’assassiner Kadhafi. Cet objectif a été atteint”.

Cette accusation est gravissime car, si ce qu’a dit cet intime connaisseur du dossier est fondé, c’est en effet toute l’histoire d’une guerre insensée et aux conséquences dévastatrices qui doit être ré-écrite. Sans parler d’une possible saisine de la Cour pénale internationale. D’autant plus que ce conflit rationnellement inexplicable fut déclenché au moment où, paradoxalement, le régime libyen était devenu notre allié à la fois contre le jihadisme et contre les filières d’immigration.

Revenons donc en arrière: l’intervention décidée par Nicolas Sarkozy influencé par BHL ne prévoyait originellement qu’une zone d’exclusion aérienne destinée à protéger les populations de Benghazi d’une prétendue “extermination”. Il n’était alors pas question d’une implication directe dans la guerre civile libyenne. Mais, de fil en aiguille, violant avec arrogance la résolution 1973 du 17 mars 2011 du Conseil de sécurité des Nations Unies, la France et l’Otan menèrent une vraie guerre tout en ciblant directement et à plusieurs reprises le colonel Kadhafi.

L’attaque la plus sanglante eut lieu le 1er mai 2011 quand des avions de l’Otan bombardèrent la villa de son fils Saif al-Arab alors que s’y tenait une réunion de famille à laquelle le colonel assistait ainsi que son épouse. Des décombres de la maison furent retirés les cadavres de Saif al-Arab et de trois de ses jeunes enfants.

Réagissant à ce qu’il qualifia d’assassinat, Mgr Martinelli, l’évêque de Tripoli, déclara : “Je demande, s’il vous plaît, un geste d’humanité envers le colonel Kadhafi qui a protégé les chrétiens de Libye. C’est un grand ami.” Telle n’était semble t-il pas l’opinion de ceux qui avaient ordonné ce bombardement clairement destiné à en finir avec le chef de l’État libyen sans tenir compte des “dégâts collatéraux”… La guerre “juste” permet bien des “libertés”.

Les chefs d’État africains qui s’étaient quasi unanimement opposés à cette guerre et qui avaient, en vain, tenté de dissuader le président Sarkozy de la mener, pensèrent ensuite avoir trouvé une issue acceptable: le colonel Kadhafi se retirerait et l’intérim du pouvoir serait assuré par son fils Seif al-Islam et cela, afin d’éviter une vacance propice au chaos. Cette sage option fut refusée, notamment par la France, et le colonel Kadhafi se retrouva assiégé dans la ville de Syrte soumise aux bombardements incessants et intensifs de l’Otan.

Une opération d’exfiltration vers le Niger fut alors préparée. Or, les miliciens de Misrata, amis de BHL, alliés de la Turquie et du Qatar, se disposèrent en demi cercle sur l’axe conduisant de Syrte au Niger. L’histoire dira comment et par qui ils furent prévenus de la manœuvre en cours.

Le 20 octobre 2011, le convoi du colonel Kadhafi composé de plusieurs véhicules civils réussit à sortir de la ville. Bien que ne constituant pas un objectif militaire, il fut immédiatement pris pour cible par des avions de l’Otan et en partie détruit. Pour échapper aux avions, le colonel s’abrita dans une buse de béton. Capturé, il fut sauvagement mis à mort après avoir été sodomisé avec une baïonnette. Les gentils démocrates de Misrata ne s’en tinrent pas là puisqu’ils crevèrent les yeux de son fils Moutassim avant de lui couper les mains et les pieds. L’Otan n’avait laissé aucune chance à Mouammar Kadhafi et à son fils. Leurs dépouilles sanglantes furent ensuite exposées comme des trophées dans la morgue de Misrata.

Ces faits étant rappelés, les accusations du président Deby prennent donc toute leur valeur. Rétrospectivement, le déroulé des événements peut en effet s’apparenter à un “contrat” mis sur la tête du colonel, aucune issue diplomatique honorable ne lui ayant été proposée.

Alors que le résultat de cette guerre insensée est d’avoir offert aux islamistes, au Qatar et à la Turquie la possibilité de prendre le contrôle de la Libye, donc d’une partie des approvisionnements gaziers et pétroliers de l’Europe, le président du Niger, Mamadou Issoufou vient de lancer un cri désespéré :

“Il faut une intervention militaire pour réparer les dégâts liés à la chute de Kadhafi, sinon nous aurons Daesh à nos portes” (Jeune Afrique 28 décembre 2014).

Mamadou Issoufou est d’autant plus fondé à exiger cette intervention que, lors du sommet du G8 de Deauville au mois de mai 2011, il avait fortement demandé au président Sarkozy de renoncer à sa guerre. Il ne fut, hélas, pas davantage écouté que les présidents Déby, Zuma et tous les autres responsables africains…

Conséquence : à l’heure où ces lignes sont écrites, soutenus par la Turquie et le Qatar, les islamistes sont en passe de conquérir la Tripolitaine. Ils sont déjà sur la frontière tunisienne cependant qu’au sud, dans la région de Mourzouk, ils ont pris le contrôle du champ pétrolier d’El-Sharara avec l’aide de certaines fractions touareg.

> Bernard Lugan anime la revue L’Afrique Réelle n°61 (janvier 2015). S’abonner.

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46 Comments

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  • V_Parlier , 20 janvier 2015 @ 14 h 01 min

    Honnêtement, après la Syrie et tout le reste, Hollande a réussi à faire encore pire (ce qui n’est pas peu dire, je l’admets), tout en jouant son rôle de bisounours pacificateur et moralisateur. En ce sens il est encore plus répugnant.

  • V_Parlier , 20 janvier 2015 @ 14 h 03 min

    Bien voter? Quand je vois qu’il aura suffi d’un attentat, conséquence d’une politique irresponsable, pour faire remonter de 20% notre olibrius dans les sondages, je désespère !

  • Alainpsy , 20 janvier 2015 @ 16 h 16 min

    ça ne me semble pas suffisant, les intérêts de tels agissements sont bien plus importants.

  • Alex , 20 janvier 2015 @ 16 h 20 min

    @Irope34 :

    Je ne cautionne pas les actions de Sarkozy, Sarkozy n’a plus sa place au pouvoir, il doit quitter le pouvoir définitivement.

    Je ne soutenais absolument pas Sarkozy.

    Sarkozy est aussi médiocre et dangereux que la plupart de toutes nos élites mondiales, partout dans le monde.

    Il y a une obsolescence totale des régimes féodaux et Sarkozy ne peut pas survivre à la révolution de la société de la connaissance.

    Sarkozy n’a même pas le droit de revenir en politique.

    Les centrales atomiques, la constitution européenne, la politique de planche à billets avec l’euro et la politique d’endettement, le soutien à l’islamo-nazisme etc.

    Non, le peuple ne permettra pas le retour au pouvoir de Sarkozy et je pense qu’il est certainement le seul à ne pas avoir compris, que sa vie ne tient qu’à un fil, pour que les choses soient dites concrètement.

    Dans une certaine mesure, seule la gauche peut mettre en place les réformes libérales qui vont s’imposer, tout comme, seul la gauche peut mettre fin au multiculturalisme… et seul la gauche, peut provoquer un arrêt immédiat des centrales atomiques.

    Par stratégie politique, la gauche au pouvoir est certainement ce qu’il y a de moins pire actuellement, avant bien entendu l’Assemblée Constituante qui est inéluctable désormais et partout dans le monde, dans le cadre de cette révolution de la société de la connaissance.

    Mais rendons simplement à César ce qui appartient à César.

    Car la Lybie ou la Syrie, c’est peut-être plus compliqué que tout ce qu’on peut croire… ou pas.

    Je ne suis pas dans le secret des Dieux, mais la démocratie est difficile à faire vivre dans le secret ou dans la guerre.

  • Tonio , 20 janvier 2015 @ 17 h 26 min

    C’est la tare de Hollande: même en ne faisant rien il réussi à faire pire que tous les autres!
    Sous quelle triste étoile est-il né ce gars-là ?
    Il faut donc 17 morts, il faut rameuter toute la canaille journalistique de gôche, il faut le tam-tam des médias de gôche, il faut le concours de ses copains de l’UE, il faut que les Blacks-block soient tenus en laisse par l’extrême-gôche: il en faut des conditions introuvables pour que cet ectoplasme fasse parler de lui autrement qu’en mauvaise part dans ce monde.
    Eencore que certaines critiques ne lui sont pas épargnées pour avoir affirmé l’universalité de “la liberté d’expression à la française…à tous les temps, à tous les peuples”. Il oublie ce que disait pascal:”Vérité en-deçà, erreur au-delà des Pyrénées.”
    Avec son prétentieux “Nous n’avons insulté personne” il se met le doigt dans l’œil et si ce type croit encore ce qu’il dit, il vaudrait mieux qu’il consultât, c’est urgent!

  • Parole , 20 janvier 2015 @ 17 h 40 min

    Tribunal pénal international pour le Rwanda

    En novembre 2003, Bernard Lugan témoigne en tant qu’expert appelé par les avocats de la défense des génocidaires présumés au Tribunal pénal international pour le Rwanda siégeant à Arusha (Tanzanie)16. Il est cité par la défense de plusieurs accusés Hutus : le colonel Théoneste Bagosora (ex-directeur de cabinet au ministère de la Défense et considéré par l’accusation comme le cerveau du génocide), le colonel Tharcisse Renzaho (ex-préfet de Kigali) ou encore Emmanuel Ndindabahizi (ex-ministre des finances

    Sensibilité politique et influence

    Bernard Lugan se dit de sensibilité monarchiste mais a appartenu brièvement au Parti républicain, ancêtre de Démocratie libérale. Devant le TPIR, accusé par le procureur d’être un anarchiste de droite, il a admis cette qualification en y ajoutant une « tendance mousquetaire »17.

    Bernard Lugan est président de l’Association pour le rétablissement du duel en matière de presse comme alternative aux procès en diffamation qui comptait parmi ses membres Vladimir Volkoff.

    Des auteurs se sont inspirés des ouvrages de Bernard Lugan : Jean Sévillia dans son livre à succès Historiquement correct. Pour en finir avec le passé unique (2003)18, Pierre Péan pour son enquête sur le génocide rwandais19, ou encore l’ancien ministre de la Coopération Bernard Debré20.

    En octobre 2014 dans la revue L’Afrique réelle, il critique fortement la politique africaine de Nicolas Sarkozy de 2007 à 201221.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Lugan

    Le beau gosse Lugan

    Un monarchiste !!!!!! les génocidaires sont toujours excusés et oui ;)

  • claude34 , 20 janvier 2015 @ 19 h 45 min

    Vous êtes un doux rêveur.

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