Élections : mettre la vertu au programme des candidats

La vertu en politique est peu commune, voire, au premier abord, inexistante. D’ailleurs, dans le cadre d’élections, peu s’en soucient et l’attention de l’électeur se borne à l’évaluation technique des différents programmes proposés. Le profil d’un présidentiable s’assimile aujourd’hui à celui d’un bon Premier ministre. La technicité l’emporte désormais sur l’orientation générale que le candidat souhaiterait donner au mandat qu’il brigue. Pour beaucoup, c’est la conséquence même de la mondialisation, des maillons tissés à l’international qui se resserrent et complexifient d’autant les mécanismes à l’œuvre, des avancées technologiques que l’homme peine à suivre, ou plus simplement, de la rationalisation croissante exigée en amont de chaque acte de gouvernance quel qu’il soit. Pour beaucoup donc, le présidentiable aujourd’hui se doit d’apporter une maîtrise totale des sujets les plus pointus jusqu’au cœur de son discours politique. Sans cela, il ne pourrait d’ailleurs faire face à la bordée de questions-réponses précise et incisive des journalistes fascinés de statistiques, d’où qu’elles viennent.

En réalité, l’hypertrophie du technique en politique n’est pas seulement le produit d’une nécessité historique mais surtout celui d’un arbitrage électoral devenu nombriliste et figé. En cela, il est assez révélateur de voir aujourd’hui que toutes les propositions des programmes sont retenues par les électeurs, voire même par les candidats, comme autant de promesses à tenir. On attend du candidat la résolution de tous nos problèmes comme un dû, sans accorder aucune attention à la vision politique qu’il se prépare à incarner. Par cette approche sclérosée de la politique on oublie la scission analytique qu’il convient de faire entre l’instantanéité de l’élection et la temporalité du mandat. L’important n’est pas tant ce que le candidat propose actuellement comme solutions aux problèmes rencontrés mais bien plutôt ce qu’il fera face à la nouveauté, l’inattendu, l’imprévisible qui constitueront la plus grande part de son mandat.

En effet, se borner à l’étude superficielle du programme équivaut à choisir un candidat sur la seule base de ses velléités affichées et éphémères, deux épithètes qui rappellent à notre bon souvenir 1) les risques souvent avérés de démagogie et de calcul politique dans le choix des propositions, et 2) l’horizon temporel nécessairement insuffisant – parce qu’ignorant de l’avenir – de la réflexion socio-économique qui a amené à ce choix. En un mot, non seulement on ne peut être sûr, sur la base du seul programme, de l’intégrité du candidat, mais surtout, son programme conçu dans une situation socio-économique particulière ne peut prétendre à l’immuabilité et ne saurait résister aux aléas du temps. Ces deux biais font que le programme ne présage que très vaguement du mandat à venir. Il est donc, en tous points, irresponsable d’aborder le choix de candidat de ce seul point de vue.

“Le profil d’un présidentiable s’assimile aujourd’hui à celui d’un bon Premier ministre. La technicité l’emporte désormais sur l’orientation générale que le candidat souhaiterait donner au mandat qu’il brigue.”

Intervient alors le critère de la vertu, depuis trop longtemps occulté par le technique et le rationnel. Entendons ici la vertu comme l’habitude de faire le bien. Si un programme ne nous laisse, comme nous l’avons vu, qu’un avant-goût fort imparfait du mandat à venir, il convient en effet de trouver le critère idoine qui puisse pallier les deux inconnues identifiées précédemment : l’intégrité et la capacité d’adaptation du programme et du candidat. Or, dans cette optique, quoi de mieux que la vertu ? Avoir l’habitude de faire le bien supprime de fait le problème de l’intégrité et est la meilleure garantie qui soit face à celui de la capacité d’adaptation aux situations nouvelles. Bien entendu, nous concevons tout à fait que le mieux intentionné des hommes puisse être piètre gouverneur pour peu que ne lui soient présentées que de mauvaises options. La vertu seule du candidat n’est donc en rien suffisante. L’homme politique vertueux se doit de se doter d’une fine équipe de conseillers capable de le seconder en toute décision. Mais une fois le travail de recherche et de conseil effectué par son équipe, le politique vertueux saura choisir le plus court chemin vers le bien. Remarquons que nous répondons ici implicitement au manque ambiant de vision politique que nous avions soulevé plus haut. En choisissant, du fait de sa vertu, le plus court chemin vers le bien, le politique adapte systématiquement la situation nouvelle à son habitude du bien, ce qui prend naturellement la forme d’une trame d’actions continue et univoque, soit, l’incarnation même d’une vision.

Choisir un candidat pour ses prouesses techniques au grand oral du deuxième tour est une attitude quasi-systématique aujourd’hui, y compris chez les chrétiens. Qu’ils sachent qu’ils se trompent aussi bien sur le plan rationnel que sur le plan spirituel. Nous n’abordons ici que le premier plan, mais qui suffit amplement à notre cause. Seule la vertu permet véritablement de fonder le choix de candidat. L’habileté technique ne garantît rien et ne permet absolument pas de présager du comportement prochain de l’élu. Faisons mention, ici, des nombreuses autres qualités souvent plébiscitées – avec raison – par les électeurs tels que le charisme ou l’éloquence. Aussi fédératrices soient-elles, n’étant le gage d’aucun bien en elles-mêmes, elles ne sont pas essentielles à la manière de la vertu et sont à ranger aux côtés de l’habileté technique comme qualités désirables sans être pour autant nécessaires dans le choix responsable de candidat. Dans cet article, nous avons tenu à insister tout particulièrement sur le caractère secondaire de l’habileté technique qui n’a pas lieu de peser autant sur le choix de candidat. Le caractère secondaire des autres qualités tels que le charisme ou l’éloquence cités plus haut semblant, quant à lui, être déjà bien – sinon trop bien – assimilé par les français, à en juger par le profil du président en place.

Lire aussi :
> Le candidat, par Malo Louarn

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11 Comments

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  • Observateur , 19 janvier 2014 @ 15 h 51 min

    Attendre du politique de la vertu revient à attendre d’un banquier à ce qu’il vous conseille dans votre seul intérêt : c’est inepte parce que naïf.

    Montesquieu ne disait-il pas que quiconque détient une parcelle de pouvoir tend à en abuser ?

    Ce qu’il faudrait c’est au contraire fragiliser voire précariser le politique de manière à pouvoir en changer aussi démocratiquement et rapidement que possible dans les cas manifestes d’incompatibilité avec la fonction, casier judiciaire y compris et surtout pour les “délits” en col blanc qui font d’avantage de mal à notre société que les petits larcins de bijouterie.

    Il y a moyen d’y parvenir sans revenir à l’instabilité de la IVème, le tout est de le vouloir et que le peuple se réveille et sévisse, quitte à entrer dans un chaos salutaire quelque temps. Toutes les révolutions sont violentes, toujours.

  • ranguin , 19 janvier 2014 @ 17 h 13 min

    Une façon comme une autre de réduire le nombre de députés, de sénateurs, de ministres, de conseillers généraux, régionaux et j’en passe. Avec cette obligation, il y aurait peut de monde.

  • Gisèle , 19 janvier 2014 @ 23 h 46 min

    Vertus nécessaires , pour regagner la dignité perdue depuis longtemps sans doute ?

  • zézé , 20 janvier 2014 @ 11 h 25 min

    Peut-on être vertueux en politique ? j’en doute !!! mais on peut toujours rêver ! Mais déjà peut-on élire un gouvernant par rapport à sa vie personnelle ? car c’est un reflet quand même dans sa façon d’être au quotidien.. un homme marié, sans histoire, ayant des enfants et non pas des comptes cachés, chrétien, hum… peu de chance…d’être élu l car trop bien…. Mais il y en a eu. Et il s’est avéré que la politique corrompt.

  • passim , 20 janvier 2014 @ 14 h 43 min

    La morale peut ne pas être absente du politique, mais le politique ne peut certainement pas se fonder sur elle.
    La première vertu du politique est de faire son travail le mieux possible, avec accrocs a la morale individuelle si besoin est.
    La seule injonction morale a laquelle l’homme politique doit se soumettre, c’est de viser le bien de sa patrie.
    Mais nous en voyons trop qui n’ont qu’une idée très vague de ce qu’est leur patrie…

  • ljean59 , 20 janvier 2014 @ 17 h 14 min

    Toute personne désirant se présenter à une élection quelconqe, devrait présenter un extrait de casier judiciaire vierge comme il était éxigé pour certains emplois. Je me permets de rêver,
    avant que cela ne soit interdit par une loi de mr vals.

    .

  • Charles , 20 janvier 2014 @ 18 h 29 min

    La transparence numérique est en train de changer la donne sous nos yeux.
    Elle est comme une lumière au bout du tunnel.

    De plus,les grands médias n’ont pas encore compris l’impact des images
    archivées qui sont ressorties plusieurs mois ou années plus tard pour démontrer
    les manipulations successives des zelites mediatisables.

    Les choses qui étaient invisibles deviennent visibles.
    Lucifer a toujours craint la lumière.Cette lumière est devenue numérique.

    Celle ci est mortelle pour tous les manipulateurs pris la main dans le sac.
    On peut dire que jour après jour,une prise de conscience se coagule en Fronce.

    Exemple;Les vidéos des violences des miliciens UMPS sont sidérantes.
    Les captures d’écrans,les captures de séquences vidéo et leur diffusion
    sont autant de jalons vers notre retour à la liberté.
    Sans compter l’aggravation de la crise économique en 2014
    qui inquiète sérieusement les milieux politiques allemands.
    Voir la page google du journal “Das Bild” qui place le sujet en tête de gondole google.
    (fréquentation de lecture de l’article depuis plusieurs semaines)

    La seule question qui est en suspens ,c’est de savoir si une formule élective
    de Résistance pourra apparaître en Fronce le 23 Mars 2014 ,sous 2 mois.

    Un exemple;A lui seul,Dieudonné peut “déplacer” 6 Millions de voix.
    Ses vidéos de 10 à 15 mn déclenchent 3 Millions de vues en 72 heures.
    On peut considérer les visiteurs comme étant majeurs à 90%
    et ayant au moins un proche réagissant de la même manière dans les urnes de Mars.

    Un réveil le 23 Mars déclenchera un chamboulement le 30 Mars
    qui ensuite déboulera le 25 mai (Européennes) en Europe
    puis à nouveau en France en septembre (Sénatoriales).

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