Pendant que la France regimbe à bon droit devant les impôts et que le Premier ministre prétend l’amuser avec une remise à plat de la fiscalité, il est nécessaire de s’interroger sur les perspectives pour 2014 en France, en Europe et dans le monde.
D’emblée, que l’on ne se berce pas d’illusions, 2014 ne sera pas le terme de la crise. La fin apparente de la crise de l’euro avec l’arrivée de Mario Draghi à la BCE a provoqué un apaisement de court terme. Quand on pense qu’après 14 ans d’existence, l’euro devait créer de la convergence et constituer une zone monétaire dite optimale. Il s’est passé exactement le contraire, l’Allemagne vogue au large, le Sud s’échoue sur les rives de la Méditerranée. Pire encore, l’Allemagne n’est plus le premier partenaire économique de la zone euro, les pays hors de cette zone constituent 43% de ses exportations contre 36% pour ladite zone euro.
Tous les moyens traditionnels de politique économique sont désormais inopérants. L’arme budgétaire ? Impensable. La politique monétaire ? Inefficace. Le crédit ? Insuffisant. Et l’emploi ? En chute libre. La zone euro est donnée à une croissance de 0,8%, autant dire l’anémie. Le secteur privé continue de faire défaut, surtout en France. Le modèle de croissance qui devra émerger ne pourra être fondé sur l’endettement public. La France, dans cette analyse, est devenue l’homme malade de l’Europe, elle ne redémarre pas : à 0,4% de croissance sur bientôt trois ans, elle est le seul pays à conserver les déficits (jumeaux) de l’État et de la balance commerciale alors qu’un pays comme l’Espagne, qui souffre pourtant, retrouve néanmoins le chemin des excédents du commerce extérieur au prix d’une déflation humaine dramatique. Ainsi, vu l’état actuel de son économie, notre pays ne peut rien attendre de nos partenaires s’il n’accepte pas de se réformer. Car si la France est souvent isolée diplomatiquement, elle l’est aussi économiquement. Un signe qui ne trompe pas : malgré les apparences, l’inflation en France est devenue faible, très faible. L’indice n’a progressé que de 0,7%, on observe même des baisses de 0,5% sur certains produits manufacturés. Une inflation si faible n’est pas bon signe, n’en déplaise à mon excellent collègue Jean-Yves Naudet, elle traduit une anémie profonde de l’économie, et la pression sur les salaires va s’exercer à la baisse, sauf pour les loyers où l’inflation résiste (1,5% de hausse). Un tiers à 40% d’un revenu qui baisse pour se loger, c’est aussi une conséquence de la crise et de la politique que l’on a prétendu mener contre.
Pourquoi cette hausse des loyers ? Parce qu’en matière immobilière, il y a une bulle et que celle-ci est vouée au sort des bulles : l’éclatement. Il faut aujourd’hui dépenser deux fois plus qu’il y a 10 ans pour se loger en France ! La cause de cet effet de bulle tient dans les moyens eux-mêmes mis en œuvre à l’échelle mondiale, pour lutter contre la crise qui dure depuis maintenant 6 ans. Pour contrer les effets déflationnistes, on a augmenté la masse monétaire, ce que les Anglo-saxons appellent quantitative easing, pratique désormais acceptée même par la BCE – elle est dite d’assouplissement monétaire, son taux directeur est à 0,25% depuis le 7 novembre, en totale contradiction avec ses principes fondateurs. Ces liquidités faciles n’ont pas créé de croissance. Si elles ont peut-être amorti l’effet déflation, elles ont eu pour effet de regonfler artificiellement les économies. On y a injecté du vent sans véritable création de richesse. Qu’on en juge : le PIB mondial c’est 70 000 milliards de dollars, les produits dérivés 700 000 milliards, les dettes des grands États l’équivalent de leur PIB (France : 2 000 milliards d’euros). Désormais, la FED, qui achetait l’essentiel de la dette américaine, dit non : fini les facilités monétaires ! Et voilà que l’exécutif américain risque un nouveau shutdown (refus du dépassement du déficit public par le congrès). Bref, nous voici revenus à la case départ (2008) non par effet seulement spéculatif, mais par effet cumulatif des facilités monétaires ou, comble de malheur, au coup d’arrêt qui pourrait leur être porté.
Le pire étant que l’inflation ne s’amorce pas, qui aurait pu alléger les dettes, même si l’on n’en sous-estime pas les méfaits, mais la mondialisation, par l’exacerbation des phénomènes de concurrence, ne permet pas la montée des prix et des salaires, elle est désinflationiste en elle-même et, en Europe, le taux de change fort de l’euro évapore toute inflation importée (déflation d’approvisionnement). Tout ceci démontre que l’on ne saurait relancer l’économie par la seule aide de la monnaie et donne raison au grand auteur libéral français Jean-Baptiste Say pour qui la monnaie est neutre et n’est qu’un voile sur l’économie. La vraie cause de nos malheurs résidant dans les déséquilibres liés à la mondialisation et à la contradiction qu’elle apporte au modèle français, depuis un quart de siècle, nous avons voulu le beurre et l’argent du beurre. Mais si, d’aventure, explosaient les bulles en 2014, nous n’aurons pas non plus le sourire de la crémière ! La bulle immobilière en France peut éclater, notre pays se trouverait alors en situation de particulière fragilité, n’ayant pas fait les réformes structurelles nécessaires, une nouvelle calamité s’ajoutant au reste. Mais, à toute chose malheur est bon, cela pourrait nous débarrasser de l’équipe de bras cassés qui nous dirige et commencer le chemin des reformes, solution préférable au chaos que ces messieurs risquent de nous offrir pour 2014.
6 Comments
Comments are closed.