Le candidat Sarkozy planchait devant les militants de « Sens Commun », le sas entre la « Manif pour Tous » et l’UMP. Au milieu des trois candidats qui briguent la présidence du parti, dont l’un s’est opposé au mariage gay , que l’autre a accepté, il était habile de choisir une position médiane. Il proposa donc de réécrire la loi Taubira. Sous les cris de la salle qui scandait « abrogation, abrogation », il a fini par dire : « si ça vous fait plaisir, c’est la même chose », « ça ne coûte pas très cher » d’employer le terme. On peut difficilement faire un aveu plus transparent de démagogie et accessoirement de mépris de ceux qui vous écoutent qu’avec cette formule. « Vous voulez un mot ? Comme pour moi, ils n’ont aucune valeur, je vous en fais volontiers cadeau. » On a cru entendre Chirac et « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent », formule d’un autre corrézien, plutôt de gauche, quintessence de la médiocrité politicienne de notre pays, Henri Queuille, devenue la constante non-exclusive de la « droite » française, qui consiste à se faire élire sur des promesses pour ne pas les tenir.
On peut tirer trois conclusions de la proposition du candidat à la présidence de… l’UMP. C’est un bon batteur d’estrade qui « sent » son public. Sur le fond, il se moque éperdument du sujet, qui ne l’intéresse que pour les bénéfices politiques qu’il peut en tirer. Le milieu du Fouquet’s et du show-bizz qu’il a rêvé de séduire et de fréquenter est pour le mariage gay. Une partie de l’UMP et de ses futurs électeurs est contre. Il doit donc ménager la chèvre et le chou. D’où dans le passé, la proposition d’un super-pacs avec le contrat d’union civile, pour éviter de parler de mariage. Il y revient en fait, en proposant deux mariages, l’un pour les hétérosexuels, l’autre pour les homosexuels. Et il y a eu des naïfs parmi les opposants pour croire à cette idée farfelue.
En fait, et c’est le troisième enseignement, Sarkozy a une approche politicienne du sujet qui ignore tout des bases anthropologiques de la question, et qui feint d’oublier les difficultés juridiques de la solution qu’il préconise. Il sait, de toute façon, que cette abrogation ne se fera pas, soit, parce qu’à son habitude, il gommera les aspérités du Projet pour vider celui-ci de sa substance, soit parce que les circonstances ou les obstacles des avis du Conseil d’Etat ou des décisions du Conseil Constitutionnel, voire les pressions européennes se dresseront sur sa route.
Tout ce débat devrait reposer sur une cohérence anthropologique que l’idéologie homosexualiste a annulée. Le sexe est une identité. L’orientation sexuelle, acquise, bien évidemment, définie de façon diverse, parfois comme « bi-sexuelle », parfois passagère dans une vie, ne l’est pas. Le mariage est donc sur le plan anthropologique, et quelque soit sa forme, l’acte par lequel une communauté reconnaît une union entre des individus de sexes complémentaires qui vont former des familles, dont la structure est également diverse, mais dont la finalité est la procréation, à coup sûr, et l’éducation des enfants le plus souvent. Marginalement, on peut concevoir des unions qui établissent plutôt une solidarité, par exemple entre personnes qui ont passé l’âge de procréer. A ce titre, certaines sociétés reconnaissent des unions entre personnes de même sexe afin de soutenir la solitude des fins de vie, mais elle ne confondent jamais celles-ci avec des unions matrimoniales. Quant au sentiment que le mariage serait censé « reconnaître », il est loin d’être toujours présent, et voué souvent à être éphémère. Le vrai sujet du mariage, c’est qu’il constitue la trame de la société parce qu’il fonde, ou refonde, la famille, qui en est la chaîne, assure ainsi la continuité des générations, et constitue des alliances entre des groupes différents. Si notre société n’était pas conduite par les groupes de pression qui la mènent par le bout du nez, elle se préoccuperait davantage des difficultés d’union entre Français de souche et immigrés qui préfèrent se marier entre eux pour instaurer des communautés séparées de la nation et parfois hostiles à celle-ci. Le danger pour l’avenir réside dans ce renoncement à l’assimilation, non dans une question quantitativement marginale qui a pour tort de nier la valeur anthropologique du mariage.
Mais comme les adversaires de la loi ont accepté l’existence d’une identité, et intégré la notion « piège-à-cons » d’homophobie pour tous ceux qui la contestent, même sans le moindre rejet des personnes, ils se battent sur le terrain de l’adversaire. Si le mariage est l’union de deux êtres qui s’aiment, pourquoi le refuser aux uns quand on l’accepte pour les autres ? Si l’humanité ne se compose pas d’hommes et de femmes, mais de personnes de diverses orientations sexuelles, de « genres », pourquoi refuser aux uns ce qu’on donne aux autres ? L’idée de deux mariages en fonction de la différence de « genre » ne résistera pas à la suspicion de discrimination. L’impossibilité pour les uns d’être parents quand les autres le seraient ne subsistera ni au droit, ni aux faits, aux adoptions et aux possibilités qu’offre la médecine à l’étranger, qui ne manqueront pas de multiplier l’intervention des tribunaux, et la pression croisée des juges et des médias sur le législateur.
Dans notre apparente démocratie, il n’y aura pas de référendum à l’issue d’un vrai débat sur le sujet. La pression médiatique fait évoluer les sondages y compris « à droite » en faveur du « mariage », et fait taire les opposants comme moi. La majorité future sera donc prudente, et ses velléités vite réduites par l’ensemble des mécanismes qui concourent à ôter les pouvoirs au peuple et à ses représentants : avis du Conseil d’Etat, des Autorités indépendantes, des instances européennes, censure du Conseil Constitutionnel, jurisprudence des tribunaux. La loi ne peut pas tout. Elle ne pourra pas défaire les mariages contractés. Elle aura du mal à créer deux situations différentes pour des personnes revendiquant les mêmes droits, les mariés avant, et les non mariables après. De plus, une loi non-écrite de notre chère République implique que les lois sociétales de gauche soient définitivement inscrites dans le marbre comme des avancées salutaires, et les lois de droite révisées comme de scandaleux dénis au progrès de l’Humanité. Je crains qu’un jour ceux qui ont applaudi notre ancien Président se sentent très bêtes.
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