Les réfugiés affluent en Europe, les autorités syriennes chancellent sous la pression des divers groupes islamistes, l’Europe reste muette d’impuissance et de compassion mielleuse comme à son habitude, et la cacophonie gagne une classe politique incapable de sortir de la réaction permanente aux évènements pour proposer une vision d’ensemble et de long terme.
L’image, devenue banale, d’un président de la république en conférence semestriel, a officialisé le bruissement des interrogations qui agitaient le landerneau politique : faut-il frapper en Syrie, et faut-il aller jusqu’à s’engager au sol ? Questions qui eussent été pertinentes, si l’armée française avait les moyens de ses ambitions, d’une part, et si la France avait un vrai cap pour sa politique étrangère d’autre part. Savoureuses contradictions jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. Le président déclare solennellement l’envoi de « vol de reconnaissance au dessus de la Syrie. Territoire déjà « reconnu » depuis des mois par les autres membres de la coalition, mais qu’importe. Il faut bien faire semblant de faire quelque chose. Hallucinante déclaration du premier ministre ensuite, qui demande devant l’assemblée nationale une « intervention au sol de pays de la région ». On se demande lesquels. Des puissances sunnites complaisantes envers le « califat », guère compatissantes avec leurs coreligionnaires fuyant le pays, et bien plus pressées de démolir, qui l’arc chiite, qui la rébellion kurde ? Israël qui regarde d’un œil amusé les puissances voisines l’oublier un peu dans le marasme régional, tout en gardant un œil vigilant sur l’Iran ? Ou bien cette même Iran qui est déjà engagé officieusement en Irak et aide ses alliés chiites un peu partout ? Rien que d’imaginer les uns et les autres travailler ensemble sur des objectifs communs en Syrie relève de la farce géopolitique. Ce qui ne semble pas effrayer notre premier ministre qui a cru pouvoir recycler au moyen orient les bonnes vieilles recettes de la gestion des crises africaines. Le coq gaulois, sans tête, court partout et ne va nulle part.
“Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes, en tendant l’oreille, c’est un grand éclat de rire funeste qui résonne au dessus du continent européen entier.”
Les révélations s’enchaînent, toutes plus pathétiques et consternantes les unes que les autres : refus d’un plan de paix de la Russie par les occidentaux en 2012 car le régime n’en « avait que pour quelques semaines », fiasco du plan de formation des « gentils » rebelles, disparition quasi-totale de l’ASL (Armée Syrienne Libre) des écrans radars, mais, la stratégie des « occidentaux » reste la même. Frapper l’EI sans aider Assad. L’Entêtement à ce point confine à la bêtise.
En attendant une illumination au Quai d’Orsay et à l’Elysée, l’Europe est aux abonnés absente du règlement du problème à la source en Syrie, comme elle fut absente lors des accords de Minsk, mais pus grave, elle est aussi absente lors de la gestion des flux humains ininterrompus qui se déversent par « la route des Balkans », mais aussi, et on l’oublie, par la Méditerranée. Il y quelques mois, Lampedusa servait de catalyseur à la compassion et la culpabilisation de masse, aujourd’hui ce sont les fils humaines s’étendant de l’île de Lesbos jusqu’à la frontière hongroise. Le fiasco des « frontières extérieures », de FRONTEX, du COPS, de l’opération EUMEDFOR et autres comités Théodule de l’UE est flagrant. Dans une construction démocratique saine et stable, le peuple aurait pu être consulté sur l’incurie de ces superstructures moribondes, montrant leur impuissance. Des régimes sont tombés pour moins que ça. La bonne vieille machine médiatique et politique bat le rappel. On sort la une du journal de Béziers, on pointe du doigt ces maires récalcitrants, et ceux qui veulent trier les réfugiés, bref on lance la chasse aux sorcières pour mieux faire oublier l’impuissance de l’Etat et de l’OPNI européen. Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes, en tendant l’oreille, c’est un grand éclat de rire funeste qui résonne au dessus du continent européen entier.
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