Les émeutes urbaines dans leur version 2023 doivent susciter la réflexion, l’analyse et faire naître des propositions. Mais, ce qui est infiniment plus inquiétant que les émeutes elles-mêmes, c’est l’aveuglement volontaire, le déni qui se déploient dans les commentaires de beaucoup de politiciens et dans de nombreux médias, c’est la rapidité de la page tournée, et c’est l’incapacité de tirer des leçons de l’expérience. Comme si la France suivait un destin inexorable, subissait une décadence inévitable, et que le même discours creux devait être répété devant la spirale d’évènements rejoués, avec une gravité sans cesse accentuée.
En 2013, en une dizaine de jours, depuis le 27 juin, 23 878 feux de voie publique ont été recensés, a détaillé le ministre de l’Intérieur. Il y a eu 12 031 véhicules brûlés, 2 508 bâtiments dont 105 mairies incendiés ou dégradés et 273 appartenant aux forces de l’ordre. 168 écoles ont fait l’objet d’attaques. Pour la seule région Île-de-France, une centaine de bâtiments publics ont été dégradés voire détruits et 140 communes, plus d’une sur dix, ont été touchées, selon la Présidente de région. Le coût des dégâts pour les émeutes de 2023 est évalué pour les assureurs à “au moins 280 millions” d’euros, a indiqué la présidente de la fédération professionnelle France Assureurs, précisant que “plein” de sinistres n’ont pas encore été déclarés. Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a estimé de son côté que la facture finale pour les entreprises pourrait s’élever à un milliard d’euros. Si le scénario est similaire à celui de l’épisode de 2005, la mort de jeunes imputée à la police étant l’élément déclencheur, en fait le prétexte de l’explosion, l’ampleur de la crise est bien plus grande, par son étendue sur le pays, par le nombre des exactions commises, par leurs cibles, commissariats, mairies, qui constituent une provocation envers l’Etat en même temps qu’une vaste razzia s’opérait sur les centres commerciaux. L’affichage d’une volonté de justice cachait mal le désir de revanche politique et sociale contre la France et contre sa prospérité, toute relative, d’ailleurs.
A l’automne 2005, en trois semaines, 10.346 véhicules de toutes sortes, dont des autobus urbains, avaient été brûlés, tandis que 233 bâtiments publics et 74 autres relevant du domaine privé avaient été détruits ou endommagés. Les violences de 2005 avaient coûté au total 160 millions d’euros aux assureurs (204 millions à euros constants). Devant l’intensité du phénomène, cette fois, la réponse policière et judiciaire a été contrainte à plus de fermeté et de rapidité. En 2005, 4.728 interpellations avaient été réalisées pendant les trois semaines et demi de violences et 1.328 après les événements: sur ce total, 5.643 personnes avaient été placées en garde à vue, d’après un bilan de la direction générale de la police nationale. En une semaine d’émeutes en 2023, le nombre d’interpellations est pratiquement aussi élevé qu’en trois semaines et demi de violences urbaines en 2005 : 3.486 personnes ont été interpellées en sept jours. Un total de 374 personnes ont été jugées en comparution immédiate depuis vendredi, selon le ministère de la Justice. Parmi les interpellés, 1124 mineurs ont été placés en garde à vue depuis le 30 juin, soit un tiers, et 10% d’étrangers, ce qui est un comble. 990 personnes ont été déférées devant un tribunal, dont 480 en comparution immédiate pour les adultes. Pour obtenir ces résultats, une mobilisation exceptionnelle des forces de l’ordre a été nécessaire : En 2005, jusqu’à 11.700 policiers et gendarmes avaient été engagés au plus fort des violences, et 224 d’entre eux, ainsi que des sapeurs-pompiers, avaient été blessés. A partir de la nuit du vendredi 30 juin au samedi 1er juillet, 45.000 policiers et gendarmes ont été mobilisés (après 7.000 engagés la première nuit, 10.000 la deuxième et 40.000 la troisième). 808 membres des forces de sécurité ont été blessés tandis que 269 locaux de police ou de gendarmerie ont été attaqués, selon le ministère de l’Intérieur.
Une cause identique a donc provoqué une sédition à la fois minoritaire mais puissante dans de nombreux quartiers sensibles, comme si la bombe n’attendait que l’occasion d’éclater. Manifestement, la police a été saturée et débordée dans certains endroits où elle a dû reculer sans pouvoir protéger les biens privés et les équipements publics alors que c’est sa mission. Une fois de plus, le pouvoir se félicite qu’il n’y ait pas eu de morts. Mais on peut se demander si c’est la mobilisation policière et la fermeté judiciaire, exceptionnelle hélas, qui ont mis fin à l’incendie. Certains avancent l’idée que ces troubles et la présence policière sont peu compatibles avec les trafics si importants pour “l’économie” des quartiers perdus de la République, d’autres avancent le rôle des mosquées. Dans les deux cas, c’est reconnaître que deux pouvoirs se sont substitués à celui de la loi républicaine. Le fait que les armes de guerre présentes évidemment dans les “banlieues” n’aient pas été utilisées alors qu’elles le sont dans les règlements de comptes accrédite la première hypothèse. Quant au poids de l’islam, il suffit de voir la multiplication des vêtements religieux pour en être convaincu. Ce glissement de pouvoir est évidemment lié au changement de peuple, une population immigrée africaine et musulmane se substituant aux Européens en devenant nettement majoritaire dans un nombre grandissant de quartiers et de communes.
Aussi doit-on s’inquiéter des évitements pratiqués autour du sujet de l’immigration, chacun y allant de sa petite musique pour pointer d’autres causes, alors que celle-là crève les yeux. A gauche, l’abandon de la police de proximité est cité, alors que jamais la délinquance quotidienne n’avait autant augmenté que sous Jospin qui l’avait instaurée. Plus généralement, on va cibler le délaissement social des zones urbaines sensibles, en oubliant les plans multiples établis pour la “politique de la ville” depuis Barrot sous Giscard jusqu’à Borloo sous Sarkozy, en passant par Tapie, Delbarre et Simone Veil, visant tour à tour les personnes, les associations, les écoles et les collèges, les entreprises, les murs et l’urbanisme, sans régler le moins du monde le problème de la délinquance, endémique autour de la drogue, et accompagnée d’une montée de l’ensauvagement que 90 Milliards d’Euros sur 25 ans n’ont pas atténué. Sans cesse plus de quartiers “prioritaires” et sans cesse plus de violences sur un territoire plus vaste. Il faut vraiment se boucher les yeux pour ne pas voir que l’évolution suit la courbe d’une immigration galopante et de moins en moins intégrée puisque la démographie la rendant majoritaire, c’est la désintégration qui l’emporte quand elle n’entraîne pas une intégration inversée d’Européens d’ascendance chrétienne fêtant les Aïds sans se souvenir de Pâques. Il y a aujourd’hui 1505 quartiers prioritaires et 5,5 millions de personnes y vivent. Autour du noyau de la délinquance, se développe ce que Durkheim appelait l’anomie, le fait d’un détachement de plus en plus répandu par rapport à la loi qui explique l’explosion récente avec les incendies de bâtiments publics et les pillages.
En aval, une fois encore, la macronie tourne la page d’une de ces catastrophes sociales qu’elle n’a ni prévue, ni évitée, mais la complaisance et la connivence d’une partie importante des médias, et la stupidité grossière de l’extrême-gauche, facilitent ce qui devient une habitude. En amont, comment ne pas être sidéré par l’irresponsabilité d’une majorité des politiciens, des journalistes , et de personnalités du spectacle culturel ou sportif, qui ont surjoué l’émotion et la compassion envers une victime qui n’était pas un ange, mais un récidiviste du refus d’obtempérer, et qui ont, jusqu’au Président oubliant les devoirs de sa charge, jugé et condamné le policier, auteur du tir, avant la Justice ? Seul un changement radical de politique, voire de régime, permettrait de redresser une situation irrémédiablement compromise si les Français continuent à offrir le pouvoir à des politiciens qui, sans vergogne et dominés par la peur, trahissent le pays et font tout pour en diluer l’identité et en effacer l’existence.