Vendredi, le fils a convoqué son père pour le sermonner, le dresser puis le punir. Ce sera dans les ors de l’Élysée. Pour un limogeage en bonne et due forme, mais en même temps, pour rassurer celles et ceux de la centaine de milliers de militaires dont il est le père. Dont les Français, en minorité électorale, en ont fait le chef, le grand chef, le grand manitou à qui toutes et tous doivent obéissance absolue.
Si par malheur, un jour, il appuyait sur le bouton qui déclencherait le feu nucléaire, personne l’en empêcherait, et il le sait, et vient de le faire savoir. « C’est moi le chef ! ». Nulle autre part que dans les armées une telle obéissance est indispensable. Sinon, c ‘est toute la hiérarchie qui s’effondre, et en cascade. Le bidasse n’obéit pas à son caporal qui refuse les ordres de son adjudant lequel ne réagit pas aux ordres du sous-lieutenant qui reste coi devant son Lieutenant qui ne comprendra jamais pourquoi son capitaine est resté muet aux injonctions de son commandant alors que le Lieutenant-Colonel a jeté dans la corbeille les ordres de son Colonel qui lui-même a refusé de s’exécuter devant son général.
« Oui, Pierre, a dit d’un ton presque paternel et à peine audible, c’est ainsi. Moi, Président de la République, je ne peux pas admettre que quelque soit votre haute-autorité, vous puissiez émettre une quelconque critique à ce que j’ai décidé. Et ce que j’ai décidé, personne, même pas Dieu , ne pourra me faire revenir en arrière. J’ai choisi de réduire cette année le budget des Armées de 850 millions d’euros. Point final. Vos soldats rouleront avec du vieux matériel. D’ailleurs, mon Général, reprenant son air sévère, le regard perçant, la figure glaciale, dès l’instant où vous sortirez de mon Palais, ce ne seront plus vos soldats. Ce seront les miens, et je suis bien résolu à les mettre le doigt sur la couture de leur tenue ! Que cela soit bien clair, Général ! »
Pierre de Villiers le fixe droit dans les yeux. Yeux bleus contre yeux bleus. Le général qui venait quelques jours auparavant d’être prolongé d’une année ne sourcille pas. Pas plus qu’il n’avait réagi au salut très froid avant le défilé du 14 juillet. Une longue carrière militaire et une culture à toute épreuve ne sont-il pas l’antithèse de celle de son chef tout puissant.
De son limogeage qui, il le savait, allait provoquer des remous parmi les troupes et les 5000 généraux d’active de son armée, il n’en avait que faire. La punition infligée par celui qu’il considérait comme un blanc-bec sûrement très intelligent mais d’une inexpérience désolante due à son jeune âge passerait largement au dessus des 5 étoiles de son képi.
« Monsieur le Président de la République, malgré tout le respect que je vous dois, je ne retirerais pas un seul mot de mon audition devant la Commission de la Défense Nationale et des forces armées. Je devais aux membres éminents de cette commission la vérité des chiffres et leur décrire l’avenir bien sombre auquel vous promettez nos Forces Armées si vous ne respectez pas vos engagements budgétaires de campagne. Si vous estimez que ce débat ne devait pas être porté sur la place publique, et il l’a été en direct devant les caméras, c’est votre droit de le penser, comme il est non seulement de mon droit mais aussi et surtout de mon devoir, d’alerter le danger que représente pour la Nation, cette coupe budgétaire. »
« Monsieur le Président, et très respectueusement, puis je me permettre de vous donner une piste toute simple et la plus démocratique possible pour économiser 4 milliards et demi et la verser aux Armées. Arrêtez de subventionner radios et chaînes de télévision comme vient de le recommander Gabrielle Cluze sur un blog dont je vous recommande chaleureusement la lecture quotidienne. La liberté de la presse qui vous est assurément très chère, et notre belle démocratie y gagnerait ses galons. »
Et le général 5 étoiles, Pierre de Villiers de se lever, de claquer ses talons de cuir et de sortir, lumineux, du Palais de l’Élysée pour aller retrouver son frère au Puy du Fou…
Floris de Bonneville
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