Tribune libre de Robert Ménard*
Le spectre de la gauche, sa mauvaise conscience, son échec le plus cuisant, sa rigidité, son dogmatisme aussi : Lionel Jospin est de retour. Il présidera donc la future Commission sur la moralisation et la rénovation de la vie politique que nous a promis François Hollande. Disons-le, c’est une bonne idée. L’intégrité sourcilleuse de l’ancien Premier ministre ne peut être mise en cause. Il a pour lui d’incarner une pratique presque janséniste du pouvoir. Même s’il a su nous cacher, des années durant, son passé lambertiste, la plus sectaire des sectes trotskistes…
Tout cela serait de bon augure si l’on n’apprenait, quasiment au même moment, que la Commission des finances de l’Assemblée nationale venait de repousser à une très large majorité – seulement trois votes favorables sur une vingtaine de députés présents – un amendement obligeant nos élus à justifier les frais qui leur sont remboursés au titre de l’Indemnité représentative des frais de mandat. Des frais professionnels s’entend, ce qui, au vu de plusieurs enquêtes parues dans la presse ces dernières semaines, ne semble pas toujours le cas. « Quand on est élu de la République, il doit y avoir des règles qui s’imposent » a pourtant expliqué le chef de l’État lors de son intervention télévisée. La transparence attendra…
“Que voulez-vous, dans cette monarchie républicaine qu’est la France, on a bien du mal à ne pas récompenser ses amis.”
Autre coup de canif à cette « moralisation » que notre Président appelle de ses vœux… mais sans se l’appliquer : la nomination de son grand pote, de son condisciple de la promotion Voltaire de l’ENA, Jean-Pierre Jouyet, à la tête de ce qui est la plus puissante de nos institutions financières, la Caisse des dépôts et consignations. C’est « le meilleur à cet endroit-là » a expliqué François Hollande lors de son interview du 14 juillet. Peut-être. Reste un problème de déontologie. Jean-Pierre Jouyet a supervisé, à la tête de l’Autorité des marchés financiers (AMF), des sociétés… filiales de la Caisse des dépôts. Ce qui pourrait bien être contraire aux règles du Code pénal, qui encadre le « pantouflage ». Mais que voulez-vous, dans cette monarchie républicaine qu’est la France, on a bien du mal à ne pas récompenser ses amis…
PS : République des copains, épisode 2. Audrey Pulvar va donc prendre, avec Arnaud Aubrun, la direction des Inrockuptibles. Elle va s’asseoir dans le fauteuil de David Kessler… parti à l’Elysée. La compagne d’un ministre qui succède à un conseiller du Président de la République… Et à qui appartient Les Inrocks ? À Matthieu Pigasse, l’un des propriétaires du Monde.
*Robert Ménard est journaliste et fondateur de l’association Reporters sans frontières.
> Son blog : robertmenard.fr
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