D’une certaine façon, je me suis marié deux fois… le même jour avec la même femme. En fait, nous avons eu deux cérémonies. Le matin, c’était à l’église et quelques heures plus tard, nous étions mariés à la mairie selon la loi. À première vue, cela m’a semblé une duplication inutile puisque l’essentiel de la cérémonie à la mairie n’aura été qu’un reprise de ce qui se déroula à l’église. À dire vrai, il m’a fallu quelques années pour me rendre compte que ces deux cérémonies étaient plutôt différente l’une de l’autre et en particulier, que le mariage à l’église ne servait pas juste à embellir l’occasion pour maintenir la tradition. En tant que non-croyant, je ne vis pas l’utilité d’une cérémonie à l’église mais mon future beau-père insista, et Paris valant bien une messe…
Finalement, le mariage à l’église, dans toute sa simplicité avec juste un petit nombre d’amis dans cette belle petite église nichée dans une forêt, s’avéra bien plus significatif que la cérémonie dans cette mairie pourtant si richement décorée en style et d’époque Renaissance de ma ville natale.
Ma réflexion sur les significations respectives de mes deux mariages, a été provoquée par le fait que le législateur n’aura de cesse de bricoler aux règles définissant le mariage ainsi que toutes celles liées d’une façon ou d’une autre au fait d’être marié selon la loi. Les règles fiscales, les règles de sécurité sociale, le statut et la garde des enfants, l’héritage, le divorce et bien d’autres choses encore, tout cela a changé fondamentalement, et parfois de façon répétée, depuis mon mariage.
“Je me suis brutalement rendu compte qu’en me mariant civilement, j’avais signé ce jour-là un chèque en blanc et l’avait remis à une bande de politiciens, y compris à ceux d’entre eux qui n’étaient même pas encore né à l’époque, leur permettant en fait d’interférer ad-libitum avec mon mariage.”
Je me suis alors brutalement rendu compte que j’avais signé ce jour-là un chèque en blanc et l’avait remis à une bande de politiciens, y compris à ceux d’entre eux qui n’étaient même pas encore né à l’époque, leur permettant en fait d’interférer ad-libitum avec mon mariage.
Ce qui rendit cette prise de conscience encore plus odieuse était le fait que j’étais entré comme aveuglé dans la trappe, et pourtant avec les yeux bien ouverts. En effet, même si mon consentement ne fut que bien médiocrement fondé sur les répercussions légales que cet acte représentait, n’avais-je pas librement consenti d’épouser légalement ma femme ?
Le fait est que me soumettant à la cérémonie qui eût lieu à la mairie, j’étais en réalité présumé avoir dit oui non pas seulement à ma femme, mais aussi à l’État. De plus, dans cet apparent “ménage à trois”, l’État était clairement le partenaire dominant.
En effet, c’est lui qui établissait les règles, qui plus est sans nous consulter ni l’un ni l’autre. Mais ce n’était pas tout. Au fil des années, il a rendu plus facile de divorcer de ma femme et pour elle de divorcer de moi sans pour autant me faciliter le divorce d’avec l’État. Pour le dire crûment, je me suis involontairement marié avec l’État alors que, selon la loi civile, la liaison avec ma femme n’était finalement rien de plus qu’un contrat de cohabitation révocable.
Donc, en ce qui concerne ma femme et moi, notre mariage légal n’était formellement rien d’autre qu’un rappel permanent de notre soumission aux pouvoirs de l’État.
Tout compte fait, j’aurais tout aussi bien pu me marier avec un homme. Dans ce sens, il ne fait pas de doute qu’un jour peut-être, l’un ou l’autre génie de la politique avancera l’hypothèse que l’interdiction de la bigamie, la polygamie et la polyandrie ne sont que manifestations d’indiscutables discriminations et un peu plus tard encore, il n’est pas exclu que les véritables illuminés ne découvrent que les droits des animaux ne seront respectés que s’ils peuvent se marier avec leurs animaux de compagnies. Peut-être tout cela ne se produira pas de mon vivant, mais qui est prêt à faire le pari ?
“En ce qui concerne ma femme et moi, notre mariage légal n’était formellement rien d’autre qu’un rappel permanent de notre soumission aux pouvoirs de l’État.”
Heureusement pour nous, la substance de notre mariage n’allait pas dépendre de la cérémonie à la mairie mais plutôt de celui de notre autre mariage : celui à l’église. Voilà la cérémonie de mariage pendant laquelle ma femme et moi échangèrent nos promesses de nous soutenir, dans les bons et les mauvais moments, pour le reste de notre vie, et d’élever au mieux de nos capacités les enfants que nous envisagions d’avoir. Nous avons échangés ces vœux créant une obligation en présence d’un prêtre qui en fût le témoin, qui les aura déclarés valides, et qui nous a bénis.
Donc, nous nous sommes mariés à l’église mais non pas avec l’Église. Jusqu’à aujourd’hui, je constate que celle-ci n’a rien changé à la définition du mariage ni aux responsabilités et obligations qui en découlent. C’est ce moment-là qui fût véritablement lourd de signification. La gravité et la détermination la plus absolue étaient à la mesure de l’objectif, et non pas seulement le désir d’enregistrer publiquement un amour, une affection, ou encore un quelconque engouement ou autre sentiment ou intérêt, même furtif ou éphémère.
Oui, ce moment-là impliqua un engagement et un dévouement inconditionnel dans la mesure ou un défaut ou encore une lacune d’un conjoint ne libérera pas eo ipso l’autre conjoint de ses obligations. Contrairement au mariage civil, le mariage religieux n’est pas assorti d’une série de clauses dérogatoires qui anéantirait la signification de l’engagement pris, et que nous étions prêts à confirmer. En un mot, le mariage religieux est le vrai point de départ du mariage : c’est une relation fondée sur l’intention de fonder une famille, un lien qui n’a pas pour finalité d’être rompu, quelque soit ce que l’avenir nous réserve.
Traduction : Emmanuel d’Hoop de Synghem. Tribune initialement publiée en anglais sur le site de Lew Rockwell, un économiste libertarien catholique traditionnaliste.
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