Rien de plus incertain, rien de plus vain le plus souvent, que les pronostics. On en formulera un malgré tout, sans trop de risque : le règne de Mme Twitter durera moins longtemps que celui de la Reine Elizabeth. Son kilt ne vaut pas celui du Duc d’Edimbourg. Quelle veine, une fois de plus, que celle des Maudits-Zainglais.
Un surprenant vacarme s’est en effet développé dans le microcosme parisien, en cette semaine décisive pour l’Europe.
Certes, on ne nous aura pas alarmés pour le sort de la majorité gouvernementale.
Dormez bonnes gens nous disent les gardiens médiatiques, vos nouveaux maîtres veillent sur votre sécurité sociale.
Issue d’un plébiscite mitigé, au bénéfice des votes blancs (1), la légitimité du Prince ne pose cependant, jusqu’ici, aucun problème. À peine le sentiment de sa compétence commence-t-il à s’éroder, avec celle de ses chambellans et ministres intègres, au rythme d’une bévue par jour. Les malcontents, eux-mêmes, ne manquent pas, pour leur part, de concourir à la continuation de leur propre discrédit.
La princesse en revanche demeure un objet constitutionnel non identifié. Personne ne l’a élue, sinon son chevalier servant.
Dans un tel contexte, son gazouillis virtuel (2), comportant 137 signes typographiques, ne devrait importer à personne. Son message, insignifiant en lui-même, ne saurait du reste en principe importuner quiconque : “Courage à X qui n’a pas démérité”. Si l’exercice pouvait comporter une ligne supplémentaire, elle eût certainement sous-entendu : “Que le meilleur gagne”. En fait on nous assure qu’il s’agit seulement d’un épisode du feuilleton abyssal opposant deux enquiquineuses.
Que toute une nation ait pu se sentir déstabilisée par un tel événement en dit malheureusement long sur sur sa légèreté et sa fragilité actuelles.
Au XIVe siècle, la conquérante Angleterre tenait pour particulièrement immorale la cour des Valois au royaume des Lys. Le règne de Charles VI le Fol vit d’ailleurs pour la première fois s’officialiser l’existence de celle qu’on appela dès lors la Petite Reine. Cette Odette de Champdivers aurait introduit le jeu de cartes pour égayer l’existence du malheureux roi.
On est souvent tenté, observant le passé et l’actualité, de formuler deux conclusions extrêmes et contradictoires. Rien ne fonctionnera comme avant, pensent la gauche et les esprits émotionnels, au lendemain de chaque péripétie. Tout recommencera toujours à l’identique, aiment à imaginer, de leur côté, les gens de droite.
Pour le malheur de ce pays, on a pu déplorer, tout au long de l’histoire une grande accoutumance vis à vis des licences que s’accordaient nos prétendues élites. Incapables de faire montre d’un comportement moral, elles bénéficiaient, sur ce point, de l’assentiment général. Cette attitude tranche, se félicite-t-on un peu facilement, avec la pruderie puritaine affichée outre-Atlantique. Nous oublions toujours trop vite que l’hypocrisie se présente comme un hommage nécessaire du vice à la vertu.
Considérons tout cela sous l’angle de l’affaiblissement d’un pays et nous cesserons d’en sourire.
À cet égard tel ancien ministre de Fillon pouvait constater (3), non sans une pointe de jubilation politicienne : “François Hollande a envoyé tous les mauvais signaux et est en train de faire le pire possible. En tant que citoyen, plus qu’en tant que responsable politique, je tiens à faire remarquer que cette campagne pour les législatives est une farce, organisée par le pouvoir, qui s’est rigoureusement appliqué à ne jamais aborder les sujets cruciaux. Tout a été fait pour parler du fait que François Hollande prend le train plutôt que l’avion, pour évoquer le pétard de Cécile Duflot ou même du tweet de Valérie Trierweiler. Des sujets futiles qui illustrent la frivolité inquiétante de la France.”
Or, ajoute-t-il : “Cette image nous colle à la peau. Souvenez-vous de la Une de The Economist, pendant l’élection présidentielle, qui se riait de François Hollande et Nicolas Sarkozy assis sur l’herbe avec comme gros titre : La France dans le déni”.
D’un tel point de vue, du reste, on remarquera que droite et gauche étaient logées par l’hebdomadaire britannique à la même enseigne.
Certains imaginent déjà le jour où l’affrontement ne se situera plus au sein de la classe politique mais entre cette fraction superficielle du peuple et l’ensemble de la nation.
Ceux qui nourrissent le pays de leur travail et de leurs activités ont cessé depuis longtemps de prendre au sérieux cette écume : il n’en redoutent guère que les retombées fiscales. Et ceci m’autorise à penser que la libération se situera sur d’abord ce terrain (4).
Reste préoccupant que Le Journal du Dimanche (5) puisse présenter le chef de l’État comme “sous le choc” devant cette situation du théâtre de boulevard. Der Spiegel y voit le premier scandale de cette nouvelle présidence (6). On l’envisage comme s’il nous ramenait aux temps oubliés de Frédégonde et Brunehaut. C’est dire combien ces épaules restent étroites.
Il va donc falloir s’habituer à être représentés à l’international par un petit homme gris. Certes, il ne nous fatiguera guère dans son pédalo à deux places où l’on ne montera jamais à trois. Certes, on le présume encore capable de concurrencer l’éclat d’un Barroso ou d’un Van Rompuy, peut-être même celui de notre glorieux Barnier. Mais guère au-delà.
Cet article a été publié en partenariat avec L’Insolent.
1. à la suite d’une consigne précise donnée, à demi-mot, — par l’indication de son chef “à titre personnel” —, par un parti de droite le nombre des votes blancs s’est accru de 1,4 million de voix entre le 22 avril, 701 000, au 6 mai, 2 155 000. Or la différence entre les résultats respectifs des deux candidats se chiffre à seulement 1,1 million de suffrages.
2. en anglais “tweet”.
3. Dans un entretien publié par Atlantico le 15 juin
4. cf. Pour une Libération fiscale. On peut commander ce livre
– directement sur le site des Éditions du Trident
– ou par correspondance en adressant un chèque de 20 euros à L’Insolent 39 rue du Cherche-Midi 75006 Paris
– votre libraire peut le commander par fax au 01 47 63 32 04.
5. du 17 juin.
6. cf. l’article de Mathieu von Rohr en date du 13 juin.
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