La délinquance explose. Si on compare les trois premiers mois de 2019 à ceux de 2018, les règlements de compte et les homicides ont augmenté de 12%, les coups et blessures volontaires de 7%. Depuis Novembre 2018, il y a plus de cambriolages (+9%), plus de vols avec violences (+7%). Comme le pouvoir l’avait déjà fait à propos des accidents de la route, il est de nouveau tentant d’accuser les galeux d’où vient tout le mal : les gilets jaunes, coupables du crime abominable de manifester tous les samedis que dieu fait contre sa Seigneurie. Un syndicat de policiers n’hésite pas à expliquer que cette recrudescence est la conséquence de la surcharge de travail et de la mobilisation des CRS, des BAC, et des policiers chargés des procédures. Quand le chat n’est pas là, les souris dansent. On comprend bien sûr que cet argument ne peut qu’étayer une demande de recrutement et d’augmentation des effectifs. Pour l’Observatoire National de la délinquance, l’explication n’est pas aussi simple : en 2017, les cambriolages ont connu la plus forte hausse depuis 10 ans, sans que les gilets jaunes y soient pour quoi que ce soit.
On pourrait évoquer beaucoup d’autres causes. On se souvient de l’assassinat de deux jeunes femmes commis le 1er Octobre 2017 à Marseille par un étranger en situation irrégulière interpellé deux jours auparavant pour un vol à Lyon. Cet événement tragique était une synthèse : une immigration non maîtrisée, une police débordée, une justice lente et trop souvent laxiste par idéologie. Ce sont des militaires de l’opération Sentinelle qui avaient abattu l’assassin. Face aux manifestations hebdomadaires, dans son affolement, le pouvoir n’a pas craint d’ailleurs de faire également appel à l’armée pour garder les bâtiments officiels. Il ne faut pas confondre politique et sociologie : une société peut être plus ou moins criminogène, mais les crimes sont avant tout commis par des hommes, et d’ailleurs beaucoup moins par des femmes. S’il y a un premier responsable de la délinquance, c’est le délinquant. Et il y en a un second, le responsable politique qui doit mettre en oeuvre les dispositifs juridiques et l’action sur le terrain capables d’enrayer la montée du phénomène. Autant la répression contre des manifestants pacifiques peut choquer, autant elle doit s’exercer sans état d’âme contre le délit ou le crime. Le pouvoir actuel pèche à cet égard par confusion des genres. Il a tenté de confondre les gilets jaunes et les black-blocs ou antifas pour mieux salir les premiers et récupérer les bons électeurs de droite soucieux d’ordre. La distinction entre les groupes et les armes à employer n’a pas été suffisamment établie. Les gaz lacrymogènes, le canon à eau, dont on semble manquer, est idéal face à un débordement, le tir au LBD ou la grenade de désencerclement, sinon plus, sont parfaitement légitimes face à des incendiaires ou des lanceurs de cocktails Molotov.
Cette confusion n’est pas un accident dans le macronisme, c’est sa signature : en même temps, il veut imposer l’ordre par la force et sans ménagement à des citoyens en colère, et revenir comme il l’avait annoncé, à la police de proximité, chère à la gauche de Jospin, rebaptisée « police du quotidien ». Répression de droite contre des protestataires, accompagnement et pédagogie de gauche contre les voyous des quartiers sensibles, dans lesquels on découvre des armes de guerre qui servent aux règlements de comptes entre bandes de délinquants rivales : on passe de la confusion à l’inversion des genres. La majorité formée par les courtisans du prince à l’Assemblée a lancé une commission d’enquête sur la lutte contre les groupuscules d’extrême-droite, mais elle a laissé au Sénat le soin d’enquêter sur les dysfonctionnements qui, au sein du « Palais » avaient permis l’affaire Benalla. Là on en est à l’inversion idéologique des dangers : les groupuscules gauchistes sont manifestement les auteurs des exactions commises lors des manifestations des gilets jaunes, et ils avaient commencé depuis bien plus longtemps, mais il est préférable quand une majorité composée d’un bon nombre de rescapés de la gauche, doit soutenir un gouvernement saupoudré de transfuges « de droite » et pratiquant une politique peu sociale, de lui donner un os à ronger.
Spinoza indiquait « qu’une mesure provoquant l’indignation générale » n’avait aucune légitimité. En pointant la responsabilité des gilets jaunes dans la montée de la délinquance, on ne fait que souligner la responsabilité première du pouvoir qui a provoqué l’indignation générale par des mesures fiscales excessives et inégalitaires accompagnées d’un grand mépris dans leur communication. A défaut d’interroger le peuple sur sa légitimité, le pouvoir doit, si c’est encore possible, revenir à une politique plus clairement favorable aux revenus, et à une utilisation plus appropriée des forces de l’ordre. Ni les CRS, ni les Gardes Mobiles n’ont vocation à la « sécurité du quotidien », pas plus que les Brigades Anti-Criminalité n’ont pour mission d’arrêter des gilets jaunes.
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