Puisque notre microcosme politico-médiatique a tendance à réduire la politique à une compétition sportive et le sport à un spectacle, on ne peut éviter de commenter le match à distance qui a opposé François Hollande et Vladimir Poutine cette semaine, le 14 Avril. Tous les deux on en effet affronté un direct à la télévision. Les deux présidents qui détiennent le plus de pouvoir en Europe sont allés à la rencontre de leurs peuples respectifs. La comparaison n’est pas à l’avantage de l’hôte de l’Elysée.
On pourrait refuser ce rapprochement en opposant la France, où la liberté d’expression expose les politiques à la critique, voire à l’impertinence, à la Russie qui n’a guère connu l’alternance et où le pouvoir n’est pas un vain mot. Cet argument est doublement usé. D’abord, la pensée unique et la convergence mystérieuse des grands médias sur certains thèmes appellent à plus de modestie. La censure douce du copinage et des préférences est peut-être moins visible mais sans doute plus redoutable que l’interdiction affichée. Les « phobies » recensées et pénalisées par la loi se sont multipliées dans notre pays où la liberté d’expression est en recul, notamment si on a le front d’être conservateur. Ensuite, le manque de respect des journalistes à l’égard des responsables politiques, pratiquement de droit, lorsqu’ils sont de droite, s’étend à ceux de gauche en raison même de leurs défaillances. Pour le microcosme, majoritairement de gauche, la haine à l’encontre de l’extrême droite et plus généralement du conservatisme est un devoir. Epingler les travers de la gauche témoigne davantage de l’amour déçu.
Le Président russe, lors de sa 14e « Ligne directe », a répondu pendant 3 heures 40 à 80 questions parmi plus de deux millions posées. Avec beaucoup de maîtrise, et non sans humour, il a évoqué les sujets économiques et sociaux qui touchent les Russes et moins, cette année, la politique étrangère. La Russie affronte depuis deux ans une récession qui s’explique par la chute des cours du pétrole et par les sanctions économiques que lui imposent les Etats-Unis et leurs alliés. L’inflation y est élevée, de l’ordre de 12%. Les prix qui augmentent font croître la pauvreté. Vladimir Poutine, loin de minimiser ces problèmes, a tracé la voie pour les résoudre. Il a notamment souligné la croissance du secteur agricole, une mauvaise nouvelle pour notre agriculture. Il a surtout rappelé la faiblesse du chômage, la permanence de l’excédent commercial, et l’augmentation des réserves de change. Sur le plan international, on remarquera sa modération, notamment l’hommage rendu à l’honnêteté et au courage d’Obama. Il est vrai qu’on ne gagne rien à attaquer ce qui appartient déjà au passé. En revanche à la question de savoir qui il sauverait en premier de Porochenko ou d’Erdogan, si d’aventure ils se noyaient, sa réponse a été ironique : « il est difficile de sauver qui a décidé de se noyer ».
Le président Hollande au ton de plus en plus mal assuré a paru constamment sur la défensive. Il a multiplié les mensonges, par exemple sur le chômage des jeunes qui serait dans la moyenne européenne alors qu’il lui est de 4 points supérieur. Surtout, il a cherché à faire croire que cela allait mieux en raison de sa politique, alors que, de toute évidence, la situation s’améliore davantage dans les autres pays européens qui ont réformé plus tôt et plus fort, et globalement grâce aux fées de la baisse du prix de l’énergie, de celle de l’Euro et de la planche à billets européenne qui rend les taux d’intérêts si accommodants. Pas plus que le coq ne fait monter le soleil, notre président n’est pour grand chose dans les timides améliorations, et quand il va dans la bonne direction, la gauche lui tombe dessus. Mais le plus grave est ailleurs : François Hollande n’a toujours rien compris à la fonction présidentielle. Non content d’occuper jeudi soir la place du Premier Ministre, celle du fusible, il a dû remettre Manuel Valls et Emmanuel Macron à leurs places, les promouvant ainsi en rivaux. Poutine n’a pas rappelé à Medvedev ni à son ministre de l’économie qui était le Président.
On pourrait bien sûr mettre les difficultés du Français et les avantages du Russe sur le compte du plus ou moins de démocratie. Malheureusement, cet argument disparaît lorsque le « démocrate » perd le soutien et même l’intérêt du peuple. Le rapport entre gouvernants et gouvernés doit reposer sur la confiance. Lorsque le Chef d’Etat d’une démocratie parlementaire et pluraliste a totalement perdu celle-ci et que ce recul touche l’ensemble des institutions et du personnel politique, c’est justement la démocratie qui est en péril. Le même soir, François Hollande s’est attiré une remarque cinglante et justifiée de Lea Salamé, à propos de son total accord revendiqué avec Merkel, le mensonge de trop ; il a essuyé la bronca de ses propres troupes lorsqu’il a évoqué le nettoyage de la jungle de Calais ; ceux qui prétendent exprimer l’indignation, le ras-le-bol du peuple, y compris par la violence, se sont une fois encore livrés à des exactions sans que les Français les condamnent comme ils le mériteraient ; surtout, 3,5 millions de téléspectateurs à peine ont suivi cette émission dont la vedette a déjà quitté la scène pour beaucoup.
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