Le tragédie de la famille Le Pen n’est pas seulement un drame familial shakespearien, elle est aussi – on dira enfin – l’expression de la crise d’identité qui traverse de part en part l’être national, l’obligeant à dire la vérité du combat en cours et de l’avenir qu’il désire, lorsqu’il s’éveillera, « groggy », après tant d’affrontements et de mensonges.
Le Front national fut, à l’origine, l’expression des rescapés de l’Algérie française dont l’indignation devant le mensonge érigé en politique les fera s’engager contre un « système » déjà en place.
L’appui de l’extrême-gauche à la guerre civile menée par le général de Gaulle contre le peuple européen d’Algérie et la partie de l’armée qui refusa le parjure, figea les gaullistes dans la posture menteuse d’alliés du PCF. Cette prouesse, qui fit des sectateurs de Lénine et Staline, les piliers de la république, fut à mettre à l’actif de l’UNR.
Dés lors, le mensonge gouvernait de la France et tout ce que nous avons vécu et que nous vivons encore en découla. Mais, au FN, un autre ver était dans le fruit : celui de la Seconde guerre mondiale.
Que les combattants pour que l’Algérie restât française eussent été aux antipodes des collaborateurs n’empêcha point ces derniers de perpétuer au sein du Front leur guerre perdue et les débats hors de propos qu’elle déchainaient.
Car enfin, quel rapport entre Jacques Soustelle, patron du BCRA à Alger en 1942, Georges Bidault, successeur de Jean Moulin à la tête du CNR pendant la guerre, Godard qui fut au Vercors, Roger Degueldre qui se battit chez les FTP, Pierre Sergent qui résista en Bretagne, Denoix de Saint-Marc qui le fit à Bordeaux et souffrit à Buchenwald ou Jouhaud qui dirigea un réseau dans le sud de la France, avec les restes du gouvernement de Vichy ? Et pourtant, Jean-Marie Le Pen laissa penser – et fuser lors de ses « sorties » – qu’au FN ne se trouvaient QUE des collaborateurs de 1940, alors que ceux qui résistèrent de 1940 à 1962 en formaient le noyau principal.
Mais l’ambigüité étant l’une des mamelles de la politique française depuis longtemps, rien ne fut ni effacé, ni affirmé, ni donc clarifié.
Alors, lorsque l’évidente décadence française devint criante, au tournant des années 80, les Français se serrèrent en nombre sous les ailes du Front National dont la dénonciation de l’immigration apparut comme une évidence. Cette position était d’ailleurs contradictoire avec l’opinion des tenants du collaborationnisme, car en effet l’Allemagne nazie et Hitler en personne eurent les « yeux de Chimène » pour l’islam (cf les entretiens avec Hitler de Martin Boorman – Albin Michel) et que l’islam vole sur les ailes des peuples immigrés, le mot « tiers monde » lui-même étant d’ailleurs une création d’Adolphe Hitler publié par Boorman.
Par contre, la guerre d’Algérie et l’expulsion des européens après le massacre du 5 juillet 1962 fut à la racine de la crainte d’une invasion revancharde noyée dans le flot d’une immigration « de travail ».
Hélas, le monde juif métropolitain n’eut cure de ces réalités, obnubilé qu’il était et qu’il est toujours par la terrible expérience des années 30 à 40 du siècle dernier, et les juifs d’Algérie, pris dans les rets de cette phobie, ne purent faire entendre leurs voix, ce qui eut été utile.
Et ainsi donc, le masque des années 40 recouvrit pour longtemps la face d’un parti dont la majorité des membres ne regardaient que le sombre avenir qui se préparait.
Tant bien que mal, le Front National avança jusqu’en 1998, date d’élections régionales prometteuses, succès espéré auquel une nouvelle « provocation » de Jean-Marie Le Pen mit un frein.
Et pourtant, ce fut l’époque où des « justes », des résistants, des compagnons de la Libération le rejoignaient, qui ne purent accepter le voyage en Allemagne pour rencontrer le chef du NPD, parti néo-nazi affirmé.
En ces circonstances, Jean-Marie Le Pen avait demandé conseil à nombre de ceux qui lui permettait ce retour dans la vie politique française, dépassant ainsi les clivages dus à l’occupation et qu’aucune autre divergence idéologique ne justifiait plus. C’était avant que Jacques Chirac devînt « européiste » et que le RPR se liât au centre.
Henri Yrissou, qui fut un homme d’état français, résistant, député maire de Gaillac, directeur de cabinet d’Antoine Pinay lorsque celui-ci fut président du conseil et plus tard ministre des finances du général de Gaulle, artisan du « nouveau franc » en 1958, était monté à la tribune lors du congrès de Versailles du FN pour, en quelque sorte, attester du sérieux de la ligne politique du parti, et lui délivrer l’onction du CNI auquel Jean-Marie Le Pen appartint dans sa première vie politique. Henri Yrissou, consulté sur l’opportunité du voyage en Allemagne, s’y déclara opposé compte tenu des échéances électorales et du ralliement des anciens résistants autour de Jean-Marie Le Pen. Le président du Front National ignora ces avis et s’en fut à la rencontre du NPD, ce qui déclencha une campagne médiatique qui fit plafonner le FN et empêcha Le Pen d’emporter une présidence de région.
Même si ces causes ne furent pas les seules, elles entamèrent l’unité du FN et aboutirent à la scission d’avec le MNR, et à l’élimination de ceux qui suivirent Bruno Mégret.
En 2002 pourtant le vote FN culmina avec l’accession de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle. La campagne de l’entre deux tours fut quasi insurrectionnelle, Jacques Chirac apparut sous les oripeaux du tiers-mondisme, les souverainistes gaullistes et de gauche préférèrent « l’européiste » et le tour fut joué.
C’est à cette époque que MLP se mit à poindre sous Marine.
Qu’il fallut revenir à la politique en abandonnant les miasmes du passé (et non l’Histoire) était une évidence, qu’il fallut choisir de refermer la page de la seconde guerre mondiale, une certitude, mais que les racines spirituelles du FN, coté catholique, et libérale, coté CNI, dussent être reniées, une faute.
Car la France, pays de liberté, et depuis plus longtemps qu’on le pense, s’abandonne à l’état pour sa vie quotidienne est une hérésie. C’est dans l’affrontement avec l’adversité que se forge le caractère, et l’attente du salut de la puissance publique est une des formes de la lâcheté. Certes, le courage ne va pas sans l’angoisse, mais c’est bien l’angoisse dominée, ou dépassée, qui apporte l’accomplissement, la satisfaction d’être et la solidité du peuple.
Cela le Front National se devait de le préserver, avant de le faire renaître si le pouvoir lui était un jour confié. Et bien sûr, la transcendance, que la catholicité assura à la France depuis 1.500 ans, devait être respectée, même si non partagé par certains.
Or, entre 2002 et 2012, ce fut ce socle qui disparut du programme du FN, à partir de l’idée absurde que des Français « de gauche » ne voteraient pour le parti national QUE si on les confortait dans leurs erreurs économiques, philosophiques et matérialistes.
On notera que cette évolution de la doctrine du FN se déroula parallèlement à la fin du communisme et à la montée de l’islam, ce qui fut une aberration ou un conformisme.
Aberration que d’aller à contre-courant de leur libération du socialisme par les peuples européens quand on fut de tous les combats contre le communisme. Conformisme que de vouloir offrir « le toit et le couvert » à un peuple français dont l’abaissement fut la conséquence de sa prise en charge par l’état depuis 1945.
Lorsqu’on lit le programme du Front National, on est surpris par le peu de place accordé à l’immigration et à ses conséquences. Le parti national qui devrait être celui du peuple français pour qu’il eût quelque légitimité à l’accès au pouvoir ne tente pas même une définition de ce peuple. Or c’est cette effort ontologique vis à vis de qui est Français qui est essentielle pour qu’une victoire électorale ait un sens.
Enfin, sur le plan économique, si l’euro fut présenté à sa naissance comme un moyen de faciliter l’expansion économique et de rendre solidaire les états membres de l’Union européenne – ce qu’il ne fut pas et qu’il n’est toujours pas – le retour à une monnaie nationale ne peut être lui aussi qu’un moyen et non une fin.
La sortie de l’euro permettrait, par la dévaluation qui s’en suivrait, de maintenir dans les frontières un niveau d’échange et une stabilité acceptable, et de réduire le poids de la dette. Mais en même temps, nul ne doute que les pressions des créanciers internationaux se feraient fortes et que pour y résister, il faudra une grande conviction politique et un dynamisme économique intérieur.
Cela ne pourra se faire que par la libération des entreprises aux plans fiscal et social, une certaine déflation et une réduction des dépenses publiques.
Sans un envol des profits des entreprises et donc leur adhésion à l’effort de reconstruction d’une économie nationale, la reprise des investissements et le développement de l’innovation technique, la France ne pourra assumer la politique de défi que suppose ce retrait du système européen.
Et comme les dépenses publiques sont à la base du revenu des Français, il faudra que l’emploi marchand et la création d’entreprises prennent le relais de la fin des postes subventionnés et des allocations diverses réduites ou supprimées.
Or le programme du F.N. fait montre d’une immobilité doctrinale vis à vis du « modèle » français issu du Conseil National de la Résistance de 1945 (Dixit Henri Guaino) et, par là, rend impossible la réduction de la fiscalité et des charges, et donc la libération des forces productives du pays. Dans ces conditions, la sortie de l’euro sera un exercice à hauts risques.
L’interview accordée à Rivarol par Jean-Marie Le Pen, et qui semble avoir été la cause réelle du tumulte au sein du parti, met l’accent sur les points soulevés plus haut. En quelque sorte, il déclenche l’affrontement et brise la glace du consensus apparent sur des questions de fond, et en cela la sortie de crise pourrait être profitable.
Il serait temps, en effet, d’expliquer à l’électorat comment on pourra gouverner et sauver le pays sur la base d’un programme d’inspiration socialiste et avec un futur gouvernement où ceux qu’on aura combattu (A juste titre, la situation financière et économique de la France le prouvant) auront des postes clés et feront du « Chevènement », c’est à dire du socialisme, en notre nom.
« Dieu se rit de ceux qui maudissent les effets dont ils chérissent les causes » (Bossuet)
La question cruciale, et qui reste pendante, demeure la sauvegarde du peuple des européens de France, et de la constitution d’un mouvement qui le représenterait.
La France n’est plus qu’un contenant, son contenu étant fragmenté en plusieurs entités, dont l’une d’entre elles seule est indigène.
Nous sommes revenus aux temps où les gallo-romains virent s’installer des Burgondes, des Francs et des Wisigoths sur les territoires gaulois dont ils changèrent les noms.
Mais ces peuples, à l’époque, étaient d’origine européenne et surent se liguer contre les Huns sous le commandement du général Aetius qu’on surnomma « le dernier des Romains ».
Aujourd’hui, ce sont le Moyen-Orient, l’Afrique et l’Extrême-Orient qui prennent leurs marques en France et en Europe. Il nous faut un Aetius et un regroupement des forces les plus proches ou les moins contradictoires. Lesquelles ? Qui ?
Le conflit au FN pourrait être utile à la clarification d’une situation inextricable au dénouement de laquelle des termes comme « racialiste » ou « génération nouvelle » ne sont d’aucune utilité et devraient être bannis.
Ce que voulaient les gallo-romains, c’était, en tant que gaulois, demeurer romains. Car leur civilisation était en avance techniquement, artistiquement et intellectuellement sur les envahisseurs.
Il ne s’agissait pas de « génération nouvelle » à promouvoir mais d’une civilisation à sauver. Ils ne le purent pas du fait de l’effondrement d’un appareil d’état auquel ils avaient confié leur destin depuis des siècles.
Aujourd’hui, l’appareil d’état, avant de s’effondrer, joue contre le peuple, et lorsqu’il disparaîtra, le peuple nu n’aura plus qu’un choix : trouver une terre d’asile comme les Bretons abandonnés par Rome durent le faire en traversant la Manche.
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