Le Zemmour du vendredi. “C’est une campagne électorale unique au monde et, sans doute, dans l’histoire, avec pour candidat à l’élection présidentielle un candidat qui ne parle pas, ne marche pas, n’arrive même pas à élaborer une pensée construite : un pantin, une marionnette. Abdelaziz Bouteflika n’est plus que l’ombre de ce qu’il a été, mais il est sûr d’être réélu pour la 4e fois. Bienvenue en Algérie ! Ce miracle a un nom : pétrole. Il a une mémoire : la guerre d’indépendance contre le colonisateur français qui livra le pays à un quarteron de généraux désormais tous au cimetière ou à la retraite. Il a une hantise, la guerre civile, celle qui ensanglanta le pays dans les années 90 lorsque les islamistes gagnèrent les élections mais aussi les exemples les plus récents de la Libye, de la Syrie. Tout mais pas ça. Tout, c’est l’unité d’une nation terriblement divisée entre laïcs et islamistes, entre Arabes et Berbères aussi. Un pays qui a toujours été une terre d’empire, des Romains aux Espagnols ou aux Turcs, jusqu’aux Français, qui a parfois l’impression qu’il est désormais occupé et pillé par une nouvelle race de colons, les clans autour du vieux FLN. Tout, c’est donc Bouteflika. Tout, c’est la distribution clientéliste de la rente pétrolière par un régime de prédateur corrompus, à ceux qui arrivent à se faire entendre ou craindre : patrons, armée, police, syndicats de fonctionnaires, association d’anciens combattants. Les autres n’ont que leurs yeux pour pleurer ou leur rêve de s’enfuir en France. On se souvient de ces innombrables jeunes gens qui acclamèrent Jacques Chirac en lui criant : ‘des visas, des visas !’ L’Algérie est un pays riche rempli de pauvres. 70% de la population vit avec moins de 250 euros par mois. Ceux-là n’iront pas voter, l’abstention sera leur seul moyen d’expression, de contestation d’un régime figé qu’ils ne savent pas comment abattre. Cette élection présidentielle algérienne est le village Potemkine de la démocratie : toutes les procédures sont en place, mais elles sont factices, en carton pâte. Le peuple regarde la comédie se jouer sans y croire ni même y participer. Personne n’est la dupe de personne, ni les élites ni le peuple. L’Algérie a inventé la lucidité qui tue. L’immobilisme est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres.
Et pourtant, le régime tient. Il a même appris à s’adapter, à tout changer pour que rien ne change. Les Algériens peuvent parler, les journaux sont innombrables et libres, les partis politiques sont environ une centaine, les chaînes de télévision se multiplient, Internet n’est même pas censuré, la loi a même prévu une discrimination positive pour améliorer la représentation des femmes dans les instances publiques. Les Algériens ont réinventé et modernisé la vieille blague ‘La dictature, c’est ferme ta gueule, la démocratie, c’est cause toujours…’ Le seul qui ne parle pas, c’est le Président Bouteflika. Peut-être pour cela que c’est lui qui sera élu !”
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