La Crimée, Lacrima : Triste Europe !

L’Europe et singulièrement le triangle de Weimar constitué par la France, l’Allemagne et la Pologne avaient joué un rôle pour une fois positif dans la question ukrainienne. En obtenant un accord signé par le Président légitime de l’Ukraine, instaurant une situation transitoire jusqu’à des élections anticipées, l’Europe avait tenu sa place de voisin de l’Ukraine et de la Russie, soucieux de mettre de l’huile dans les rouages plutôt que de la jeter sur le feu. La suite n’a nullement respecté les accords. Sous la pression des émeutiers de la place Maïdan, complaisamment glorifiés par nos médias et célébrés jusqu’au ridicule par l’histrion international de service, BHL, le Parlement ukrainien a pris des mesures précipitées et provocatrices en destituant le Président Ianoukovytch et en supprimant l’usage de la langue russe, pourtant parlée par une bonne partie des Ukrainiens. On peut nourrir des doutes sur la spontanéité des mouvements populaires. La similitude entre les diverses révolutions des places, symbolisées par des fleurs ou des couleurs, peut procéder de la  contagion ou de l’imitation. Elle peut aussi être facilitée par des exportateurs intelligents, injectant ce produit performant sur des effervescences plus diffuses. La présence de mouvements extrémistes, bien organisés, entraînés et équipés, utilisant des méthodes de guérilla urbaine contre les forces de l’ordre fait planer un soupçon sur l’absence d’intervention étrangère « occidentale ». L’unanimité des médias dans une désinformation manichéenne sent également le déjà vu. L’esprit critique est un pilier dans une véritable démocratie. Il doit donner leur chance à la Russie, et à Vladimir Poutine.

La Roumanie chasse Ceaucescu après la découverte des charniers de Timisoara. Les Etats-Unis envahissent l’Irak de l’affreux Saddam Hussein pour l’empêcher d’utiliser des armes de destruction massive… inexistantes. Le modèle de cette manipulation de l’opinion le plus intéressant pour l’Ukraine est le Kosovo. Dans le scénario, on a le méchant de service : Milosevic, qui, comme Saddam n’a manqué aucune occasion de correspondre au rôle. On a des faits réels, et un grossissement volontaire à partir de rumeurs ou de « plans » inventés de toutes pièces : des enfants albanais noyés en voulant échapper aux Serbes, le plan « Fer à Cheval » d’expulsion massive des Albanais, par exemple. Le Kosovo est une région autonome de la Serbie. L’ONU décide par sa résolution 1244 de la prendre en mains pour que les ethnies qui l’habitent puissent continuer à y vivre dans la paix et le respect des minorités, mais aussi dans le cadre de l’intégrité territoriale serbe.  Cette situation juridique est soutenue par la force qui a obligé l’Armée serbe à quitter le territoire sous la menace des bombardements déjà subis par Belgrade. En 2008, le Parlement de la région proclame l’indépendance du Kosovo. Celle-ci est reconnue par les « occidentaux », mais dénoncée par la Russie et la Chine, comme illégale car elle ne respecte pas l’intégrité des frontières internationales. La Crimée, c’est le Kosovo à l’envers : 90% de Russes pour 90% d’Albanais, une région autonome avec un parlement qui vote une indépendance au mépris du droit international. Certains feront remarquer qu’il n’y a pas eu de violences en Crimée à l’encontre des Russes. Mais, au Kosovo, si la répression serbe a été violente dans les années 90, les vengeances albanaises sur la population serbe, les églises et les monastères orthodoxes, qui ont accompagné le chemin vers l’indépendance ont été nombreuses et meurtrières. En ignorant cette symétrie, en proclamant la vérité à l’Ouest et l’erreur à l’Est, les « occidentaux » font preuve d’une mauvaise foi totale. Leur réaction unilatérale après le succès massif du référendum criméen, opposant un droit abstrait à géométrie variable au vote manifestement enthousiaste d’une très large majorité du peuple, est une insulte à l’intelligence.

La réalité n’a ici aucun rapport avec le droit. Les Etats-Unis ne veulent pas que la Russie reprenne la voie de la puissance, et retrouve en influence directe les limites de l’URSS. Ils ne veulent pas qu’avec ses alliés elle puisse jouer un rôle au Moyen-Orient ou même en Amérique latine. Si ce dernier point, on peut souhaiter que le lamentable régime qui sévit au Vénézuela soit renversé, en revanche, on ne saurait trop condamner le soutien sans discernement apporté aux adversaires d’Assad en Syrie. C’est cette aide, et celle des alliés du golfe, qui ont transformé un mouvement de révolte populaire en guerre civile qu’Assad semble en passe de gagner contre des opposants désormais divisés et dominés par des musulmans fanatiques. On comprend les raisons historiques qui conduisent les Etats qui ont rejoint l’Union Européenne après l’effondrement du bloc soviétique à adopter une attitude hostile à la Russie. On ne voit pas l’intérêt de l’Europe d’embrasser systématiquement les vues américaines. L’Amérique est loin. Elle s’intéresse prioritairement à l’Asie. La Russie nourrit un projet eurasien, qui doit embarrasser  les Etats-Unis, mais c’est notre voisine. Comme l’élargissement européen a suffisamment montré ses dangers, la seule solution européenne consiste à développer les meilleures relations politiques et économiques avec la Russie, sans ingérence dans ses affaires intérieures, et sans prendre en compte la stratégie américaine. L’Europe est en train de manquer cette opportunité. Quant à la France, participant aux sanctions dérisoires et menaçant de suspendre la livraison de navires de guerre, au détriment de son industrie navale, elle trahit sa mission et son histoire en devenant le caniche américain au lieu d’être à la tête d’une Europe forte et indépendante, capable de servir ses intérêts plutôt que d’envelopper ceux des autres dans les bons sentiments, les artifices juridiques et les punitions symboliques.

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80 Comments

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  • V_Parlier , 19 mars 2014 @ 23 h 00 min

    Ruskofs, ruskofs… il y a un problème qui va bien au delà du simple Poutine chez Mr le polonophile…

    Parce-qu’en France on “branle” quelque chose dans la R&D? Là où je travaille, quasiment plus aucun français ne fait du code (et bientôt même plus de conception hardware). Tout est fait non pas par des “polacs” (pour utiliser moi aussi des termes sympathiques) mais par des bulgares. Mince, peut-être déjà un peu trop russes ! Qui sait ?

    Dès que quelque chose peut-être sous-traité, hop! Bientôt seule l’équipe de nettoyage des bureaux et une poignée de paperassiers resteront (quel boulot de merde, d’ailleurs).

    La France de “l’économie de marché” (euphémisme pour dire: libre échange mondial débridé) c’est la devise des punks: No future ! Et quand les américains en auront fini avec les polonais ils seront dans la même bouse!

    “dans la préparation du fret, il était interdit d’y mettre des matières plastique”: Ouais ouais, j’y crois…

  • Daniel , 20 mars 2014 @ 6 h 54 min

    Du code, en France, mais cela est hyper demandé ! Un développeur informatique en France met moins de 3 semaines à trouver du taf, au bout de 3 semaines tu as une dizaine d’entretien et c’est le développeur qui peut même aller jusqu’à choisir son entreprise ! Certes, il y a la sous traitance, mais tout cela se passe avant tout en Inde.

    Epargne nous ton réflexe de l’hyper dépendance économique de la Pologne aux USA : ce pays traite avec tout pays dans le monde, chine, iran, brésil, israel…. Au passage, ce n’est pas un hasard ci le CMS symfony a choisi varsovie pour sa conférence. Le plus gros datacenter d’europe ? OVH, entreprise franco polonaise !

    “« dans la préparation du fret, il était interdit d’y mettre des matières plastique »: Ouais ouais, j’y crois…”

    J’y crois pas = je t’accuses de mentir
    Voici juste une partie de la réglementation en matière de transfert de plastique vers la Russie : http://www.russian-customs-tariff.com/SectionVII/Chapter39.html
    A coté, les documents douaniers des autres pays européens, c’est cool.

    Cette PME française travaille avec la Chine, dont certaines administrations chinoises, aucun problème

    Pour exporter en Iran, la condition était de ne pas mettre d’informatique et de composants américains. On avait notre hardware et j’étais en charge des automates, y compris des OS et des softs embarqués.

    Par contre, pour la Russie, aller jusqu’à interdire les tubes de colle…parce qu’il faut leur acheter tout produit dérivé du pétrole…

    “Parce-qu’en France on « branle » quelque chose dans la R&D? ”

    Je ne sais pas dans quel coin perdu tu habites. Les entreprises françaises investissent chaque année des millions en R&D , c’est le secteur quaternaire, celui qui nous permet de survivre face à la mondialisation galopante.

  • V_Parlier , 20 mars 2014 @ 10 h 14 min

    cf. Daniel: “Je propose de faire des exemples sur le territoire français concernant tout type de population russe….”

    C’est là qu’on reconnaît le vrai visage de celui qui prétend ne se disputer avec personne: Une simple racaille, du niveau de nos rebelles des cités, qui appelle au pogrom envers ceux que personne n’a à craindre. Va te frotter dans le 9.3 avec des vrais “colons” bien agités, çà t’apprendra la vie, mossieur le représentant de la Pologne autoproclamé! Autre possibilité: va rejoindre tes fachos préférés (les vrais, pas ceux qu’on cherche en France quand ils n’existent pas): http://www.youtube.com/watch?v=Xs7Wm-N31a4

  • V_Parlier , 20 mars 2014 @ 10 h 20 min

    “Les entreprises françaises investissent chaque année des millions en R&D , c’est le secteur quaternaire”

    Là je suis vraiment sûr que tu es un mytho.

    Le “coin” où j’habite, c’est la région parisienne (parce-qu’ailleurs il n’y a carrément plus rien, à part du côté de chez Airbus, entre deux purges…)

  • V_Parlier , 20 mars 2014 @ 10 h 22 min

    Ah oui, et aussi: “Un développeur informatique en France met moins de 3 semaines à trouver du taf, au bout de 3 semaines tu as une dizaine d’entretien et c’est le développeur qui peut même aller jusqu’à choisir son entreprise !”

    Tu vis dans un monde parallèle? La 5e dimension peut-être…

  • Daniel , 20 mars 2014 @ 11 h 30 min

    Quand on défend bec et ongle son pays et sa propagande poutinolâtres, faut accepter de prendre ses responsabilités

    Et puis on fait cela à la russe, donc peut on nous reprocher de nous adapter ?

  • Daniel , 20 mars 2014 @ 11 h 33 min

    Oui, la région parisienne, c’est excellent pour les cadres administratifs, les juristes (même les conseillers pole emploi conseillent aux jeunes qui ont un master de droit daller boser à paris chaque jour par TGV…)

    Il y a ce qui se nomme la silicon valley française : ST Micro, HP, Bull, dans la plus forte concentration de SSII de France, dont Minatec, schneider, becton dickinsson ……

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