« Ce qui menace le plus le droit à la vie, c’est la passivité de l’opinion publique chrétienne. »

Entretien avec Marek Jurek, député polonais au Parlement européen élu sur une liste du PiS, ancien président de la Diète polonaise, fondateur du parti pro-vie Droite de la République (Prawica Rzeczypospolitej) allié au PiS. Cet entretien réalisé le 12 janvier 2017 à Varsovie porte sur le rejet trois mois plus tôt par le Parlement polonais dominé par les conservateurs du PiS et leurs alliés d’un projet de loi citoyen qui aurait interdit l’avortement en Pologne dans tous les cas sauf lorsque la mort de l’enfant serait la conséquence de soins médicaux visant à sauver la vie de la femme enceinte.
Aujourd’hui, depuis la loi de 1993 qui a interdit les avortements sur simple demande, la Pologne autorise l’avortement dans trois cas de figure : quand la grossesse est le fruit d’un viol, quand la grossesse fait courir un risque pour la santé physique ou la vie de la femme enceinte et quand l’enfant porté par la femme enceinte souffre d’une malformation ou d’une maladie grave et incurable. Les premières victimes de la loi actuelle, en nombre, sont les enfants touchés par la trisomie 21.

 

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Quelle a été l’attitude de votre parti ouvertement pro-vie « Droite de la République » (Prawica Rzeczypospolitej) lors du rejet début octobre par le Parlement polonais du projet de loi citoyen qui aurait interdit l’avortement dans tous les cas sauf pour sauver la vie de la femme enceinte ?

Nous soutenions ce projet depuis le début et notre député à la Diète, Jan Klawiter, l’a défendu jusqu’à la fin.

Comment jugez-vous l’attitude du parti Droit et Justice (PiS) lors de ce vote ?

Le péché originel du PiS, c’était de partir de l’hypothèse que le droit à la vie n’est pas un droit fondamental mais une question d’opinion, de conscience subjective, à laquelle chaque homme ou femme politique peut répondre à sa manière. Une chose est de constater la confusion culturelle dans laquelle nous vivons, qui désoriente de nombreuses consciences, et de faire preuve de compréhension face aux retombées individuelles de cet état de fait, mais c’est autre chose, quand on gouverne comme le PiS, que de ne pas avoir de position claire pour une question nationale aussi fondamentale.

Votre parti pro-vie soutient-il la nouvelle stratégie du PiS qui consiste à créer d’abord des programmes de soutien pour l’accueil des enfants handicapés avant d’envisager, éventuellement, de renforcer la loi sur l’avortement ?

Nous soutenons chaque forme de solidarité vis-à-vis des mères et des familles, car accueillir la venue d’un enfant au monde s’accompagne souvent de problèmes, pas uniquement matériels. La société doit soutenir les gens dans l’accomplissement de leur devoir, et ce d’autant plus quand ce devoir les met dans une situation difficile. Mais les deux actions doivent être conduites en parallèle. L’accueil de l’enfant est un devoir qui ne saurait dépendre du fait que l’État remplit ou non certaines conditions. Sur le long terme, c’est très dangereux de laisser se développer une mentalité faisant porter à l’État la responsabilité de l’accueil de la vie.

Comprenez-vous l’explication du PiS selon laquelle le projet de loi citoyen restreignant encore plus les possibilités d’avortement aurait pu causer un retour de bâton, avec à terme la légalisation de l’avortement à la demande ?

Le droit à la vie est défendu en Pologne grâce à l’activisme de l’opinion publique chrétienne, et pas du fait de son inertie. Ce qui menace le plus ce droit à la vie, c’est la passivité, la démobilisation de l’opinion publique chrétienne. Ce n’est pas l’existence de controverses qui menace le droit à la vie, mais au contraire le conformisme qui fait craindre de telles controverses au sein de la société. Saint Jean-Paul II enseignait que dans les conditions actuelles de crise de la civilisation européenne, le combat pour la défense de la vie est tout simplement une nécessité.

Que pensez-vous de la clause du projet de loi citoyen qui prévoyait des peines pour les femmes coupables d’avortement et qui a suscité les plus fortes résistances parmi les députés de la majorité ?

Cela n’aurait pas de sens d’étendre la responsabilité pénale aux femmes car les avorteurs eux-mêmes sont déjà très rarement punis avec la loi actuelle, et la lutte contre la criminalité organisée dans le domaine de l’avortement est très limitée. Il faut donc d’abord que l’État applique tout simplement le droit. Cette question peut néanmoins être débattue. En revanche, l’infanticide en phase prénatale est un acte répréhensible en soi. Suggérer le contraire est moralement très dangereux.

 

Entretien publié dans le journal Présent du mercredi 18 janvier.

Présent du 18.01.2017-Page Culture de Vie

Lire aussi :

“Avortement : il faut commencer par prendre des mesures en faveur des familles et des femmes” (entretien avec le député du PiS Wojciech Murdzek)

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