Pour le coup, ce rapport qui préconise le retour du voile à l’école est une bombe. Le tout est de savoir si c’est du nucléaire ou si ça relève des farces et attrapes. Le contenu de l’engin est ahurissant. Il s’agit ni plus ni moins que de déposer les armes. La nation française se rend : elle renonce à son identité et affiche ses identités multiples. Elle reconnaît en se prosternant la richesse de l’héritage apporté par les migrants. Elle n’ose plus employer le terme offensant d’intégration. Elle veut gommer toute trace de différence entre le citoyen et l’étranger qui nous fait l’honneur de s’installer chez nous. Elle fait machine-arrière, contrite et penaude, sur l’interdiction des signes religieux. Elle recrée une « autorité indépendante de lutte contre les discriminations », en oubliant, sans doute, que la précédente existe toujours dans le périmètre du Défenseur des Droits. Elle enseignera plus que jamais les langues et l’histoire des pays d’origine. Elle ne manquera pas de se flageller publiquement en réparation des turpitudes de la colonisation et de l’esclavage. Elle proclame enfin ses nouveaux credo : la République c’est le communautarisme ; l’intégration, c’est le compromis avec toutes les différences ; l’égalité, c’est la discrimination positive au profit des nouveaux arrivants.
Après l’explosion, les enquêteurs ont le choix entre trois pistes. Certes la rédaction relève d’une idéologie caricaturale : la volonté orwellienne de travestir le sens des mots ou de proscrire une partie du vocabulaire, d’arracher les résidents de l’hexagone à un quelconque héritage local pour les soumettre à la repentance et au culte de l’altérité, sent son gauchisme à plein nez. Mais la culpabilité ne se situe pas dans ce texte significatif de la dérive idéologique de nos « spécialistes » en « sciences » dites humaines. Elle n’est que trop facile à déceler et à déplorer comme signe d’un effondrement de la pensée dans notre pays. Non, le problème consiste à découvrir comment cette bombinette a atterri sur le site du Premier ministre. Première hypothèse : il est mal entouré et son niveau de compétence manifestement insuffisant ne lui permet pas d’endiguer l’invasion gauchiste dans les coulisses du pouvoir. Ce serait l’explication la plus simple de toutes ces mesures qui prennent les Français à rebrousse-poil : l’aveuglement idéologique de ceux qui sont censés penser pour ceux qui, au pouvoir, n’en ont plus le temps.
Deuxième hypothèse : il s’agirait d’une provocation machiavélique, un coup de muleta pour faire foncer le taureau national, augmenter par réaction patriotique et identitaire les voix du Front National aux municipales et gêner un peu plus l’UMP. Marine Le Pen est restée placide et avec humour pour la Présidente d’un parti symbolisé par une flamme a demandé si le gouvernement ne jouait pas avec le feu. Copé a senti le danger et a pris la place du taureau avec le risque de « droitiser » davantage un mouvement qui offusque parfois les pudeurs centristes. Le désaveu de l’exécutif à l’encontre du rapport a permis d’accuser le chef de l’UMP de légèreté et de prendre des distances avec les propositions. Mais alors, pourquoi est-il arrivé sur le site de Matignon ?
Il reste une troisième hypothèse. Jusqu’au plus haut niveau, la machine à gommer la France, de même que la famille, serait en marche. La publication de ce rapport ne serait ni un accident de cabinet, ni un coup politicien. Ce serait le jalon d’un complot de grande ampleur et à long terme, celui des forces qui visent à construire le monde des individus libertaires et interchangeables, à réaliser cet homme « sans qualités » universel et tout entier inscrit dans le présent. Pour réaliser ce cauchemar entrevu par Tocqueville, cet idéal commun aux libertariens et aux socio-démocrates, il faut détruire les résistances des communautés « naturelles » qui donnent leur enracinement et leur identité à des Personnes. Le premier coup a été porté contre la famille. Le second le sera contre la nation.
Cette polémique n’est donc ni dérisoire, ni circonstancielle. Face à ce risque d’une explosion programmée, il est plus que jamais nécessaire d’affirmer l’identité de notre pays. Certes, celui-ci est un grand fleuve, que sont venus enrichir des affluents, mais il a assimilé ces « eaux mêlés » en leur apportant une tradition, une langue, une culture qui leur a permis de participer à leur tour au destin de la seule communauté que reconnaît la République : la nation. Notre cinéma, notre théâtre ont, par exemple, bénéficié du talent de nombreux acteurs ou comédiens d’origine italienne. Sans doute l’origine culturelle de ceux-ci a joué un rôle dans cette réussite, mais leur succès est le fruit d’une assimilation de ces qualités particulières par notre culture, non du maintien d’un identité étrangère. La France ne doit pas renoncer à être elle-même, c’est-à-dire capable de rendre pleinement français celui qui le veut.
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