Copé-Fillon : dernières manœuvres, derniers coups bas…

par Hubert Montmirail

Guerre totale ? À 24 heures du scrutin fatidique pour l’UMP, la fébrilité règne parmi les militants et les réseaux sociaux. Jamais une campagne interne n’aura été aussi tendue. Certes, la nervosité n’est pas étrangère à toute fin de campagne, mais conjuguée au caractère interne de l’échéance et à la rapidité de certains moyens de communication, la lutte CopéFillon prend une tournure de guerre à ciel ouvert. Finies les remarques feutrées, distillées par les entourages et autres seconds couteaux. Mais bienvenues les mises en causes directes de l’adversaires par les principaux intéressés. Jean-François Copé cite directement son adversaire. Quant à François Fillon, il se différencie ouvertement du secrétaire général de l’UMP (« Cette stratégie du rassemblement me distingue de Jean-François Copé », discours au Palais des Congrès de Paris, 12 novembre 2012). Quant aux équipes de campagne, elles s’affrontent par SMS envoyés aux militants, sur fond de chiffres brandis comme autant de trophées. Les langues se délient. Les différents cadres de l’UMP s’affranchissent de la pudeur politique en s’envoyant politesses et autres amabilités. C’est la fin. Mais pour qui ? La dernière semaine de campagne a été celle de l’ascension aux extrêmes. Celle où la cristallisation rend apparemment impossible tout retour en arrière. Celle où l’on brûle ses dernières cartouches pour conjurer une défaite ou pour présager la victoire. Retour sur ce dernier épisode qui couronne pour l’UMP ses six premiers mois de formation d’opposition.

Des chiffres et des SMS. Alors que la campagne présidentielle de 2007 a vu monter Internet en puissance, celle de 2012 s’est faite sur fond de réseaux sociaux, mais le SMS est peut-être le support de communication qui pourrait résumer l’affrontement Copé-Fillon. Lundi 12 novembre, en pleine réunion de François Fillon, les militants reçoivent un SMS de… Jean-François Copé annonçant qu’il s’exprimerait le lendemain, au Cannet, devant plus de 4 000 militants. Or, quelques minutes avant, le filloniste Laurent Wauquiez annonçait au Palais des Congrès qu’il y avait justement 4 000 personnes dans la salle. L’équipe de campagne de Jean-François Copé a cherché à contre-attaquer en réutilisant le chiffre des 4 000. Cela peut neutraliser le succès escompté par une équipe… Il est vrai que les deux se sont déjà affrontées lors d’une autre bataille, celle des parrainages, au début du mois d’octobre. Le 18 novembre sera la dernière bataille des chiffres : celle des votes. Mais la seule bataille qui fera la différence entre les deux protagonistes pour leur qualification.

SMS sur SMS ne vaut Vendredi 16 novembre, les militants reçoivent un SMS de François Fillon annonçant les résultats d’un sondage le plaçant devant François Hollande, mais mettant Jean-François Copé derrière… François Hollande. Environ deux heures plus tard, un SMS provenant de « TousUmp » appelle à protester contre le message de François Fillon et donne même le numéro d’une hotline. Le message se conclut ainsi : « un seul adversaire : la gauche ». Qu’on se le tienne pour dit ! Entre-temps, un message de Jean-François Copé invite les militants à une réunion militante au Carrousel du Louvre. Quelques heures plus tard, différents lieutenants de Jean-François Copé communiquent sur un chiffre de 4 000 personnes. Il est délicat, dans l’un et l’autre cas de se prononcer sur la véracité des chiffres. On rappellera cependant que la salle du Carrousel du Louvre semble plus étroite que celle du Palais des Congrès.

La bataille des motions ou la guerre dans la guerre. Moins connue est la bataille des motions. Il y en a 6 au total, allant de « La droite populaire » à « La Boîte à idées », en passant par « La Droite sociale » et « La Droite forte ». On notera que seules ces dernières ont vraiment fait campagne. D’un côté, la « Droite forte » lance le 11 novembre 2012 une pétition de soutien au retour de Nicolas Sarkozy. Conjugué à la référence « Génération Sarkozy », la motion cherche à récupérer la dynamique des présidentielles 2007 et l’impact du sarkosyme de campagne auprès des militants. Relayée médiatiquement – on ne compte pas entretiens des promoteurs et articles dans la presse – et appuyée par le siège national de l’UMP (elle y est même domiciliée), la motion se positionne pour le 18 novembre. Alors que Jean-François Copé a annoncé qu’il s’effacerait devant Nicolas Sarkozy, François Fillon a indiqué qu’il ne s’inclinerait que devant le mieux placé (Des paroles et des actes, 25 octobre 2012). La barre n’est pas la même. Quant à « La Droite sociale », elle reçoit le soutien de nombreux cadres parisiens, même si l’équipe de campagne de François Fillon s’est montrée plus divisée sur le soutien aux motions.

Les motions « œcuméniques », passerelles de l’UMP. Par ailleurs, il existe des motions « œcuméniques » qui réunissent aussi bien des copéistes que des fillonistes. La « France moderne et humaniste », défendue par les copéistes Luc Chatel et Jean-Pierre Raffarin, recueille aussi les soutiens de filonistes comme Jean-François Lamour ou Nora Berra. Quant à la motion « Le Gaullisme, voie d’avenir pour la France », elle apparaît en outre comme fortement sénatoriale. Lancée par l’ardent copéiste Roger Karoutchi, sénateur des Hauts-de-Seine, elle est soutenue par le filloniste Gérard Larcher, ancien président du Sénat. Elle recevrait également le soutien d’un autre ancien président du Sénat, Christian Poncelet. Des sénateurs comme Jacques Legendre lui auraient également apporté leur soutien. Les députés sont évidémment impliqués : on y retrouve des copéistes (Henri Guaino) et des fillonistes (Bernard Accoyer, Patrick Ollier). C’est probablement chez les gaullistes et les sénateurs que les affrontements sont les moins violents. Du moins, en apparence.

Dernières manœuvres. La situation se cristallise. Non seulement et les deux camps se figent en blocs distincts, mais ils s’érigent aussi en procureurs s’instruisant mutuellement à charge. Les parlementaires UMP sont nerveux, ce qui n’est peut-être pas étranger à leur passe d’armes agressive avec Manuel Valls du mardi dernier. Pour autant, tout n’est pas aussi clair. Ainsi, Xavier Bertrand ferait double jeu, ne donnant pas de consignes de vote exclusivement pour François Fillon. C’est aussi le règne des petites phrases de cadres qui, en 48 heures, ont réussi à taire leurs pudeurs. On notera l’intérêt accru des journalistes, ce qui révèle des accointances et autres cloisons peu étanches. Ainsi, un cadre parisien affirmant ouvertement son ras-le-bol des messages de Copé a été retweté par des cadres copéistes. Le couac a fini par être relayé par des journalistes qui font leurs choux gras de ces discordances à l’UMP (cas du tweet de Jean-Baptiste Marteau, dont on connaît l’intérêt à relayer des bruits de couloir de la rue de Vaugirard, et auteur d’un livre accablant sur l’UMP). Enfin, d’autres cadres se livrent à des manœuvres peu glorieuses. Un message privé sorti de sa confidentialité a révélé qu’un cadre proche de Jean-François Copé n’a pas hésité à communiquer le numéro de portable de François Fillon.

La guerre à l’UMP est aussi celle de ses territoires. La cartographie de l’UMP est aussi révélée par cette lutte. Ainsi, les départements du sud-est concentrent les attentions des deux équipes de campagne. Des huissiers ont même été prévus dans les bureaux de vote. C’est la terre des grands « prédateurs » politiques (Estrosi, Ciotti, Tabarot), mais surtout celle des grandes fédérations UMP militantes (Alpes-Maritimes et Bouches-du-Rhône). La cristallisation se greffe dans cet espace qui rassemble les ingrédients idéaux d’une droitisation : forts votes UMP et FN, rejet de l’immigration, appareils militants importants, implantations d’élus de la « Droite populaire », etc. À cela s’ajoutent une moindre présence des cadres fillonistes, que l’on retrouve plutôt en Ile-de-France ou à Paris. À l’exception du nombre important d’adhérents, la fédération de Paris est asymétrique à tout point de vue de ses consoeurs du Sud-est : faible vote FN (Paris est probablement la seule fédération UMP où les militants ne réclament pas d’accord avec le FN), ouverture aux questions sociétales de la part de certains élus parisiens, cadres favorables aux motions peu droitières comme celle de « La droite sociale », etc. Une différence de taille : la gauche domine à Paris, alors que la droite est aux commandes dans de nombreuses communes du Sud-Est. En tout état de cause, la victoire de l’un des protagonistes donnera une indication sur les centres de gravité probables de l’UMP.

Des règles de scrutin pas très claires : changements de dernière minute. Les fillonistes craignent la fraude et le disent ouvertement, même si Jean-François Copé se plaît à retourner l’accusation (Le JDD, 11 novembre 2012). Ce vendredi, on apprend ainsi que les procurations doivent revêtir une signature authentique. Cette exigence figurait dans un document de campagne interne à l’équipe filloniste adressé aux référents (nota : les représentants de François Fillon dans les bureaux de vote). Or, en soirée, la Commission d’organisation et de contrôle des opérations électorales (la fameuse COCOE) confirme bien que la « signature manuscrite originale » est nécessaire pour identifier l’auteur de la procuration. Autrement dit, les procurations signées ne pourront donc être faxées ou scannées. De même, à la suite de l’embarras exprimé par de nombreux élus, un autre message de la COCOE prévoit que leur statut d’électeur de l’UMP sera finalement calqué sur celui des militants : les élus devront être à jour de leur cotisation de militants, non de leur cotisations d’élus 2011. Autrement dit, ils devront être à jour de cotisation 2011 et 2012 (cette dernière pouvant être acquittée le jour même du vote). La COCOE abandonne une règle contestée dans son principe, mais aussi dans son application (de nombreux députés UMP ne seraient pas à jour de leur cotisation d’élu, à la différence des sénateurs UMP qui sont soumis à un prélèvement automatique ; d’autre part, il est difficile de vérifier en si peu de temps les cotisations d’élus ; enfin, les règles de cotisation d’élus varient selon les fédérations). Certes, l’obligation pour les élus d’être à jour de leur cotisation d’élu, qui conditionne leur capacité électorale, est une curieuse règle. Posée dans le « Guide électoral » approuvé par le Bureau politique de l’UMP le 18 juillet 2012, elle se fonde sur une interprétation très poussée de l’article 10 des Statuts de l’UMP qui précise que les fédérations départementales du parti sont notamment financées par une participation des élus bénéficiant d’indemnités. Il ne s’agit nullement d’une règle à caractère électoral, mais simplement d’une règle détaillant l’une des modalités de financement des fédérations d’un parti. Bref, copéistes et fillonistes ont accepté à la fois l’assouplissement (ne plus tenir compte des cotisations d’élus) et le durcissement (les procurations doivent revêtir une signature manuscrite originale) des conditions qui régissent les élections du 18 novembre 2012. Qui n’a pas rêvé de modifier les règles de scrutin la veille même du vote ? Mais quid des élus qui découvriront que la non exigence du paiement d’une cotisation d’élu n’est pas forcément lié au renouvellement régulier de ses cotisations de militant ? Affaire à suivre…

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16 Comments

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  • 0 / 10
  • petitjean , 18 novembre 2012 @ 18 h 29 min

    à lire d’urgence pour les incrédules et les autres !

    de PHILIPPE NEMO “La France aveuglée par le socialisme”

    indispensable…….comme tous ces bouquins d’aileurs !

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