Les idiots utiles

Comme dans un grand bazar, où l’on trouve tout ce que l’on veut à tous les étages, de l’utile au futile, le marché financier ultralibéral nous propose des leurres, pour toutes sortes d’usages dont la finalité est toujours immuablement marchande.

Ces leurres, idiots utiles de l’économie globalisée, sont là pour faire passer la pilule. Les mieux formés sont très conscients de leurs tâches et sournoisement, encadrent et dirigent des armées de bécasses, la plupart du temps lobotomisées d’abord par des principes apparemment vertueux, comme, par exemple, l’antiracisme ou l’amour du prochain (surtout quand il n’est pas trop proche) et cela marche magistralement depuis des lustres ; le mondialisme qui porte bien son nom, a mondialisé la bêtise à son profit.

Nous avons eu au préalable, fin des années soixante, les babas cool, ces hippies venus des Etats-Unis, prônant l’oisiveté et le vagabondage, et surtout l’usage de la drogue – comme exutoire ? Vite récupérés par le système qui dans un premier temps avait été surpris par la contestation à son encontre, mais qui avait finalement bien vu dans ce phénomène hippie un vivier inespéré d’idiots utiles. Car la plupart du temps, ceux-ci, en se regardant le nombril, ne se gargarisaient que de mots creux dont ils ne comprenaient même pas le sens et leur combat révolutionnaire anticapitaliste n’était que folklorique. Inoffensifs et inopérants, ils constitueront la base et l’avant-garde idéologique d’un ultralibéralisme qui grâce à eux mondialisa son influence économique sur les esprits. Dorénavant, la domination de la finance sera aussi spirituelle. Ou comment, par les nouveaux gourous du laisser-faire et de l’économie alternative, sanctifier le capitalisme pour le plus grand bénéfice des marchés financiers. Magnifique retournement idéologique ; un travail d’orfèvre !

Le système perfectionna encore ses crétins : de babas, ils deviendront bobos. Certes, il y a encore entre ces deux des similitudes dérivées de leur passé commun, mais on pourrait dire qu’un bobo est un baba cool plus évolué, mieux intégré, plus mondialiste, souvent plus instruit, plus aisé et qui a réussi sa vie professionnelle. Bref, il est encore moins regardant sur la prétendue philosophie anticapitaliste d’origine. Il y a entre un baba et un bobo, à peu près la même différence qu’il y entre un intégriste et un modéré : ils sont et restent malgré tout, de même obédience…

Même si les babas cool sont aujourd’hui passablement démodés, pour le système, ils ont encore quelques utilités non négligeables. Il en reste encore probablement quelques-uns qui continuent le boulot, au fin fond de la Lozère ou de l’Auvergne… D’autres se sont perdus dans l’ultra gauchisme…

Les idiots utiles sont maintenant partout et à tous les échelons de la société. Aucun domaine n’échappe à leur “perspicacité” : la politique, les médias, le monde du spectacle, etc. Consciemment ou inconsciemment, ils ont une mission : s’incarner en mirages et se faire passer pour… Même si avec le temps, peu à peu les masques tombent, il n’est pas toujours facile de faire le distinguo entre le vrai et le faux. Eux-mêmes ne savent plus qui ils sont. D’autant plus que tous se présentent ou nous sont présentés comme des experts. C’est fou le nombre d’idiots utiles experts en économie, en politique, et en ceci et en cela, qui peuplent nos plateaux de télévision, alors que la plupart se sont trompés à peu près sur tout. Ils sont experts pour nous vendre leurs salades et nous prendre pour des imbéciles, cela, c’est sûr ! Et on doit continuer à subir ces donneurs de leçons…

Pourtant, la colère gronde et monte des tréfonds du pays, mais nos apprentis sorciers font semblant de ne rien voir, de ne rien entendre. Ils savent bien, ces abrutis, que le peuple, anesthésié pendant un temps par leur philosophie des leurres, n’en peut plus. Comment vont-ils faire pour trouver l’issue qui va réguler une contestation qui risque, cette fois, de devenir incontrôlable ? Difficile de berner plusieurs fois les mêmes, surtout quand ils ne sont plus tout à fait les mêmes et qu’ils sont plus nombreux. Les boursicoteurs n’avaient probablement pas prévu qu’en touchant les fondements de notre société pour faciliter la recherche d’un profit exponentiel cela allait également entraîner une succession de crises exponentielles.

Aveuglé par l’argent roi, le système serait-il devenu plus idiot que les idiots utiles créés par lui-même, ou bien, les élèves dépassent-ils le maître ?

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14 Comments

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  • Droal , 17 octobre 2014 @ 10 h 20 min

    Un humble fils d’un très humble charpentier juif d’une obscure bourgade de Palestine disait, il y a un peu moins de vingt siècles qu’il n’y a que deux religions: “Nul ne peut servir 2 maîtres, Dieu et l’Argent…”. Il concluait très verticalement – comme à son habitude – que l’amour de l’un correspond exactement à la haine de l’autre.

  • Cap2006 , 18 octobre 2014 @ 15 h 04 min

    L’article fait un lien entre baba et les experts qui parlent à tord et à travers sur les plateaux tv.

    J’ai du relire.

    Zemour le plus omniprésent de ces idiots utiles, ne trouverait il pas grâce à vos yeux?

    L’image illustrant l’article me paraît sans rapport.

  • brandenburg , 18 octobre 2014 @ 21 h 17 min

    La contre-culture des années 60 est devenue la “culture” dominante:il est inutile de lui opposer une nouvelle contre-culture mais il faut aller à la racine,l’intelligence!Retour donc à Aristote et Saint Thomas d’Aquin qui pulvérisent les “cultures” de la crétinerie et la culture de mort!

  • Régis , 18 octobre 2014 @ 23 h 20 min

    Il suffit d’être dans la débilité de ce système, fort bien décrit dans cet article, pour dire une telle absurdité

  • claude picard , 19 octobre 2014 @ 9 h 32 min

    @brandenburg

    Vous avez parfaitement compris le sens de mon article : je voulais expliquer comment la contre-culture mise en place dès la fin des années 60, utile aux multinationales pour dominer le monde, était devenue la “culture” dominante. Allant même, à la marge, jusqu’à des dérives comme, par exemple, l’installation d’un plug anal géant censé signifier pour “l’artiste” Paul McCarty un acte “révolutionnaire”, sur la place des bijoutiers les plus prestigieux de Paris, la place Vendôme. Un acte “révolutionnaire” de potache qui illustre parfaitement cette insulte permanente à la culture que nous subissons depuis trop longtemps.

  • brandenburg , 20 octobre 2014 @ 1 h 00 min

    Merci de votre appréciation mais permettez-moi d’aller plus loin et de remettre en cause carrèment cette idée de culture:elle n’est pas d’origine française mais allemande-kutur-et est apparue avec Bismarck et son kulturkampf dont le but était d’anéantir la catholicisme dans l’empire qu’il avait bati par la violence et qui était protestant.Les catholiques résistèrent si bien avec leur parti le centrum que Bismarck dut reculer ce qui n’était pas dans ses habitudes.Mais ce “kamf”-combat-pour la culture allemande ne cessa jamais et ce n’est pas un hasard si un certain hitler appela son livre “mein kampf”.Oswald Spengler reprit cette notion dans son “déclin de l’occident” dont la thèse centrale est que quand une culture devient une civilisation,elle dépérit;pour lui,c’est la perte de “l’esprit faustien”-toujours l’Allemagne-qui explique ce déclin.Par ailleurs, il affirme que les cultures sont incommunicables entre elles.Cet aspect guerrier de la culture est loin d’avoir disparu et a été repris par les partisans de la justement contre-culture qui se voulait révolutionnaire et a fini dans la culture de mort dominante aujourd’hui.Je ne crois pas qu’il faille s’épuiser à créer une contre-contre culture mais en revenir au fondement et se désengluer d’un débat où l’on perd toujours car il joue sur la manipulation des émotions, c’est à dire à l’ame qui est une meme si elle est pluridimensionelle:spirituelle,intellectuelle,affective,esthétique pour l’essentiel et nous retrouvons la thèse d’Arnold Toynbee,le plus grand historien du siècle dernier et qui s’interrogeant lui aussi sur les causes du déclin des civilisations qu’il passe toutes en revue l’attribue à ce qu’il appelle “un schisme dans l’ame”;or c’est bien ce que nous connaissons en occident avec la déchistianisation massive et le retour à un syncrétisme ou un éclectisme digne de son créateur,ce crétin de victor cousin, qui n’est qu’un bric-à-brac dans lequel coexistent l’inverti andy warhol et Saint Fra Angelico et qu’on appelle “culture”.Or le propre de l’ame humaine est l’intelligence dans le domaine naturel comme l’ont démontré de façon irrécusable Aristote et Saint Thomas d’Aquin.Il faut placer le combat-et pas le débat-sur le plan de l’intelligence et là la victoire est assurée tant les partisans de la culture de mort sont à la fois imbéciles,ignares et voyous.Mais l’ame est aussi surnaturelle car infusée directement par Dieu.Toynbee est donc conscient des immenses périls de notre civilisation mais reste relativement optimiste car il pense que le christianisme n’a pas dit son dernier mot.Or,nous l’oublions trop souvent,notre religion est encore jeune et connait les tribulations de son age.Si elle semble déseter notre civilisation,elle est en pleine expansion en Afrique et en Asie:une preuve?Les jésuites ne recrutent plus guère en occident où ils sont souvent au bord du dévoiement mais recrutent à tour de bras en Inde où ils sont les seuls à s’occuper des “dalits”,les intouchables brisant ainsi le système des castes.Mieux,en Kabylie,il existe des villages entièrement chrétiens!Que devons nous faire nous européens et pas occidentaux-les états désunis s’étant construits contre ce qu’ils appellent encore “la vieille Europe”-fuck europe-croyant avoir crée eux aussi un homme nouveau,révolutionnaire,l’homme qui se fait lui-meme , n’obéit qu’à lui-meme et n’a pas d’attache ni de passé?Restaurer et revivifier les trésors d’intelligence que l’Europe a engrangés au cours de sa longue histoire-la philosophie réaliste d’Aristote à Saint Thomas d’Aquin et l’autre aile de son ame-le catholicisme,religion la plus réaliste elle aussi.Vaste tache mais tache vitale dont dépend notre survie mais pour cela il faut rompre avec notre paresse incoercible de personnes qui se croient aisées et arrivées alors qu’elles sont en train de s’appauvrir à grande vitesse et de rater l’avenir.Pardon pour ce long pensum mais j’espère qu’il retiendra votre attention!

  • claude picard , 20 octobre 2014 @ 12 h 20 min

    @ brandenburg

    La contre-culture n’a jamais été, en tant que tel, un mouvement bien structuré. Il y a toujours eu des “insoumis” – heureusement – qui devinrent des précurseurs. Dans le domaine des beaux-arts, que je connais un peu, l’exemple le plus frappant a été le fameux Salon des refusés, introduit par un certain Édouard Manet contre la décision du Salon officiel qui, en 1863, refusa plus de 3 000 œuvres sur les 5 000 envoyées. Le Salon des refusés devint quelques années après une institution incontournable et Édouard Manet, un maître incontesté.

    Rien à voir avec la contre-culture revendiquée par nos “artistes” contemporains qui sous prétexte de contestation veulent seulement faire le “buzz”. Que de l’esbroufe, du pipo, de l’intellectualisme de bazar. Du creux, du vide, remplis par un discours faussement philosophique sans lequel leurs œuvres ne seraient que ce qu’elles sont : des merdes !

    L’insoumission, la recherche, l’innovation, oui, la culture en a besoin pour rester vivante. Le n’importe quoi, la perte de toute éthique, le contraire du beau et du bon, c’est la mort de la culture, la mort d’une civilisation, la mort d’un peuple.

    L’art, la culture, sont les sources de la spiritualité. Nul besoin de croire en un dieu. Un athée cultivé sensible à l’art a autant de spiritualité qu’un croyant.

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