La crise sanitaire a été l’occasion en France de plusieurs tours de magie qui, bien que spectaculaires, n’ont pas tant défrayé la chronique pourtant peu avare de sensationnalisme…
C’est ainsi que des milliers d’élèves se sont évaporés dans la nature, sans que les institutions ne semblent pouvoir y faire grand-chose et dans ce qu’on pourrait appeler une relative indifférence : si quelques médias ont évoqué la question, ces disparitions n’ont pas semblé choquer plus profondément que ça ni Jean-Michel Toutvabien, ni les médias qui, une fois la nouvelle annoncée, sont tous bien vites repartis à leurs occupations habituelles (l’un, faire des protocoles rigolos, les autres, faire des infos rigolotes).
C’est donc sans surprises que l’éclipse partielle de profs (estimée à 40.000 d’entre eux tout de même) constatée au même moment n’a pas plus déclenché ni enquête administrative, ni brouhaha médiatique, ni exaspération parlementaire, ni grincements de dents contribuables ou citoyens.
Le confinement terminé, la tendance générale à l’étiolement des volontés et la perte plus ou moins complète des habitudes de travail se sont poursuivis, avec une difficulté visible à faire revenir les salariés dans les entreprises, à faire redémarrer une activité économique largement désorganisée autant par la crise sanitaire que sa gestion absolument calamiteuse par un gouvernement en mode poulet-sans-tête et aux injonctions paradoxales systématiques. À tel point que le Bruno de Bercy (qui aimerait vous faciliter le transit fiscal) s’inquiète de voir les Français nettement plus précautionneux que son gouvernement : là où ce dernier crame comme jamais dans l’Histoire, les premiers font tout pour se constituer un bas de laine en prévision de difficultés qui semblent s’accumuler comme autant de prophéties auto-réalisatrices.
Parallèlement, le confinement fut l’occasion pour tous les Français de mesurer assez justement la valeur des institutions qu’ils payent à grand frais, grosse ponction et moult taxes. Ils ont ainsi pu constater l’impossibilité criante de faire respecter les décrets gouvernementaux par une catégorie de population dissipée en opposition à un véritable sur-zèle sur une autre catégorie de population (essentiellement, la solvable qui ne met pas le feu à des voitures).
Et pendant que les élèves, les profs et les institutions s’évaporaient entre mars et mai 2020, le bon sens en faisait autant dans le pays. C’est ainsi qu’arrivé Septembre, il est admis qu’assis à une table avec une mousse et des cacahuètes, on peut ne pas porter de masque, alors qu’assis à une table avec un cahier et un crayon, on doit absolument le conserver. Une proposition serait dès lors de refiler des demis et des cacahuètes aux gamins à l’école, ce qui aurait le mérite d’harmoniser le pays.
Nombreux sont ceux qui ont noté que le masque est imposé, la burka interdite, tout en notant aussi que cacher son visage en voiture permet d’éviter de voir ses points disparaître du permis en cas de flash inopiné. Quelle attitude saine adopter ? Débrouillez-vous.
Et alors que le bon sens permet d’affirmer que la crise sanitaire a amplement montré le besoin, en France, de réduire la bureaucratie, nos fières élites se décident à remettre en place un Commissariat au plan disparu depuis des années, soit une proposition diamétralement opposée à ce qu’on avait compris. Dans la même veine et en tenant compte qu’aucun plan de relance n’a jamais été suivi d’effets, il convenait de tout faire pour ne surtout pas en pondre un nouveau : aussitôt dit, aussitôt refait avec un plan de relance à 100 milliards d’euros qui sortiront directement de 1000 licornes républicaines.
Et pendant que le reste du monde s’oriente résolument vers le Deep Learning, la 5G, l’exploration spatiale et le bio-engineering, le gouvernement français retrousse ses manches pour nous proposer de la laine de verre pour isoler nos passoires thermiques, des bicyclettes partout en ville et, surtout, des trains de nuit Paris-Nice voire Paris-Tarbes-Hendaye ce qui, il faut bien le dire, roxxe du poney.
Bref, on laisse s’installer des polémiques microscopiques et des ajustements politicards grotesques, mais on semble infoutu de régler les problèmes économiques et sécuritaires graves du pays sans en passer par la création ridicule de comités, de préfets spéciaux et autres organismes fromagers dont on sait déjà toute l’inutile obésité.
Cependant, ce n’est pas un hasard complet puisque, ce faisant, on obtient malgré tout une habile cristallisation du pays en camps de plus en plus haineux les uns contre les autres : des citadins contre des campagnards voire des gilets-jaunes prêts à tout casser, des minorités de plus en plus agressives contre le méchant racisme / le vilain patriarcat / l’abominable majorité écrasante, ceux qui bénéficient des clémences de la loi contre ceux pour lesquels on ne passera jamais rien (dura lex sed lex, surtout pour le blanc solvable non minoritaire), les jeunes (génération sacrifiée notamment celle des « milléniaux ») contre les vieux (notamment, les « boomers »), les secteurs protégés des frimas économiques (fonction publique des organismes étatiques et para-étatiques) contre le secteur privé exposé à tous les aléas économiques même (et surtout) les plus durs, les pro contre les anti-masque ou les pro contre les anti Raoult, …
Tout ceci n’est pas fortuit puisqu’il s’agit de la tactique politicienne du « diviser pour mieux régner », toujours efficace, tant elle a permis aux élites actuelles de se maintenir en jouant d’abord l’opposition factice « droite vs gauche », puis, maintenant « démocrates vs populistes » ou, disons « fachos contre castors ».
Malheureusement, cette tactique, bien qu’efficace pour la petite coterie au pouvoir, peut à la longue entraîner l’apparition de lignes de fracture profondes.
Fractures qui, petit-à-petit, bloquent le pays. La productivité, la qualité des relations interpersonnelles nécessitent une bonne entente. Sans elle, tout se délite progressivement. Le « contrat social » dont on nous rebat les oreilles, s’il pouvait prétendre exister il y a 50 ans et expliquer que certains fassent des efforts pour aider les autres en compensation de quoi, la société tout entière en bénéficiait, ce contrat social-là qui a permis de justifier tant les systèmes collectivistes de retraite, d’assurance sur la santé ou l’emploi, l’école « gratuite » (i.e. payée par certains) ou des infrastructures à la pointe (nucléaire, aérospatiale, routières ou ferroviaires par exemple), ce « contrat social » ne peut plus s’appuyer sur aucun de ces éléments à présent : les élèves et les profs disparaissent, les diplômes ne valent plus rien, le système de retraite est au bord de l’asphyxie, la gestion du chômage est absolument calamiteuse, le système de santé que le monde nous envie fait pâle figure après cette crise consternante et les infrastructures tombent en ruine…
La caste aux manettes, sentant ce délitement ainsi que cette perte rapide de confiance et de légitimité, accélère dans la fuite en avant et enfile frénétiquement Comités Théodule débiles, plans à la con et mesures idiotes composées pour moitié d’une verdolâtrie destructrice et pour moitié d’une aspersion hystérique d’argent public vers les copains et les coquins.
Bref, l’occupant intérieur comprend qu’il va se faire déboulonner dans les prochaines années sans doute, les prochains mois peut-être, et qu’il ne lui reste donc que peu de temps pour piller tout ce qu’il peut et partir, les poches pleines, se mettre à l’abri (le dernier en place risquant, vu l’histoire du pays, l’étêtage rapide).
L’effondrement administratif auquel nous avons assisté depuis mars fait maintenant place à l’effondrement complet, fort silencieux mais bien plus dévastateur, de la confiance dans les institutions, de l’évaporation complète de la légitimité des politiciens et de leur autorité.
Tout le monde sent confusément qu’actuellement, les choses s’accélèrent en France. L’état des comptes publics est désastreux et se dégrade bien plus vite que prévu.
Dans ce contexte, les prochains mois seront décisifs. Peu probable que l’effondrement reste silencieux.
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