« La France ne peut être la France sans grandeur ». C’est l’une des formules les plus célèbres du Général de Gaulle. C’est une phrase chaque jour un peu plus douloureuse pour ceux qui se réclament de sa pensée. Il faut toujours se méfier du retour en grâce d’un mot. Ce sont parfois les derniers feux d’une étoile morte. Ainsi en est-il du mot « patriotisme » revenu avec une certaine indécence dans les discours d’une gauche qui s’est ingéniée à abaisser notre pays tout au long de son histoire et singulièrement sous la Ve République. Ainsi en est-il de Manuel Valls qui, soit sincèrement, soit par posture affirme son « patriotisme » en rappelant que la France est la seconde puissance économique européenne après l’Allemagne comme François Hollande soulignait sa cinquième place dans le monde. A quoi sert-il de brandir des faits encore vrais pour quelque temps quand il est évident que la France tombe, qu’elle recule et enregistre de plus mauvais résultats que nombre de ses partenaires et néanmoins concurrents. Ce n’est certes pas le mot de grandeur qui vient à l’esprit mais celui de médiocrité !
Le Premier Ministre a obtenu une majorité médiocre à l’Assemblée. La confiance lui a été accordée parce que les socialistes n’ont aucune confiance dans le choix des électeurs en cas de dissolution, autrement dit pour un motif médiocre. L’un des arguments ultimes de Manuel Valls pour grappiller quelques voix ou plutôt pour donner aux ralliés un prétexte à leur ralliement, a résidé dans l’octroi d’une prime elle-aussi médiocre, aux retraités les plus modestes. Ceux-ci ne vont pas être rassurés en entendant M. Woerth, Député-Maire de Chantilly, dire qu’il n’ y a pas d’argent pour cela. Entre une gauche inefficace et louvoyante et une « droite » méprisante au fur et à mesure qu’elle prend ses distances avec un bilan que le manque de courage a rendu, lui-aussi bien modeste, les victimes de la mauvaise gouvernance française vont prendre conscience de la profonde médiocrité du personnel politique de notre pays, enlisé dans des comptes d’apothicaire parce que ses erreurs continuelles lui ont fait perdre toute marge de manoeuvre. La France n’atteindra pas ses objectifs, ni pour la réduction de ses déficits, ni pour sa croissance, ni bien sûr pour la diminution du chômage. Pourtant, ses atouts sont considérables, de l’énergie aux infrastructures, du tourisme à la démographie, mais elle subit les politiciens parmi les plus médiocres du continent, cumulards et clientélistes, assoiffés des avantages du pouvoir sans en assumer les risques, multipliant les mesurettes sans bâtir une véritable stratégie, allant et venant en tous sens sur l’espace réduit que leur laisse l’Europe, le Conseil Constitutionnel, les Hautes Autorités Administratives, les groupes de pression et les médias. La digue qui nous protège de la catastrophe absolue est la faiblesse des taux qui permet à l’Etat de grossir sa dette pour fonctionner et non pour investir. L’argent facile qui sort de la planche à billets couvre la facilité politique qui maintient le déficit public à 4,4% du PIB quand il devrait être inférieur à 3 et que l’Allemagne réalise un excédent.
Henri Kissinger dans son ouvrage « Diplomatie » formulait ce jugement cruel : « Un décalage s’instaurait entre l’image que la France avait d’elle-même comme nation prépondérante en Europe et sa capacité de se montrer à la hauteur de cette image, un décalage qui n’a jamais cesser d’aveugler sa politique. » Kissinger vise le règne calamiteux de Napoléon III, mais il pense aussi que depuis 1870, la France s’est nourrie d’illusions. Lorsque le Général de Gaulle a repris le pouvoir en 1958, il a en partie réduit le décalage. Après avoir mis fin aux guerres coloniales avec un réalisme qui, pour le coup a manqué de grandeur envers nos compatriotes d’Algérie, il a restauré l’Etat, rétabli ses finances, joué dans le monde un rôle prestigieux pour notre pays et donné à celui-ci le premier rang politique en Europe. Le futurologue américain Herman Kahn prédisait même que la France doublerait l’Allemagne ( de l’Ouest, à l’époque) sur le plan économique. Cette parenthèse s’est refermée. La France est retournée à sa pente de la médiocrité. Une classe politique égoïste, des médias superficiels et narcissiques, des syndicats aussi peu réalistes que représentatifs nous ont amenés là où nous sommes : un pays assujetti à l’Allemagne en Europe, aux Etats-Unis dans le monde, qui fait voter au Parlement une confiance que les Français rejettent dans leur immense majorité et qui organise à Paris des conférences dont le résultat est entre les mains de Washington. Manuel Valls a promis quelques aumônes pour les pauvres. La France demande à l’Allemagne l’aumône de quelque années de déficit en plus et aux Etats-Unis, une petite place dans la coalition en Irak et peut-être en Syrie. Quel homme ou quelle femme politique, aura enfin le courage de briser cette spirale du déclin et de donner à la grandeur perdue de notre pays un peu de réalité ?
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