Les cloches de nombreuses églises de France sonneront à midi en ce 15 Août, fête de l’Assomption, pour rappeler la tragédie subie par les Chrétiens d’Orient en ce moment même dans une grande indifférence de la part des occidentaux. La majorité de la population se sent peu concernée par cette succession de drames qui touchent le Proche-Orient. Les dirigeants politiques de nos pays adoptent une gamme d’attitudes qui va de l’hypocrisie à la veulerie, du cynisme à la lâcheté. En étant généreux, on voudra voir chez certains du machiavélisme, mais on ne pourra pas éviter d’y déceler les signes de la pire déliquescence des démocraties, impuissantes à défendre leurs valeurs parce que les intérêts immédiats des politiciens les condamnent à l’inaction, voire aux compromissions les plus odieuses.
Lorsqu’une communauté humaine est menacée dans son existence par un Etat ou par des bandes armées dont la puissance n’est pas capable de s’opposer à une action déterminée des Etats-Unis ou de leurs alliés, des exemples relativement récents ont montré que ceux-ci n’avaient pas hésité à recourir à la force : la Serbie, la Libye, l’Irak en ont subi les conséquences. Les Occidentaux ont volé au secours des musulmans bosniaques contre les Serbes ou écrasé Kadhafi pour protéger les habitants de Benghazi. La pression américaine sur Saddam Hussein entre leurs deux interventions militaires avait eu pour résultat, sinon pour but, de permettre l’autonomie dont jouissent toujours les Kurdes irakiens. Le scandale de la situation actuelle tient à ce que ces puissances laissent s’étendre un pouvoir dénué de toute légitimité et dont la cruauté au quotidien est une injure à leurs principes. Ce pouvoir n’a aucun fondement juridique et n’a nullement les moyens de s’opposer à une action militaire résolue des occidentaux. Le terrain favorise même une campagne rapide combinant les moyens aériens et terrestres. Or, face à cette horreur, une coalition impressionnante de 60 pays se contente d’un simulacre, de bombardements tellement ciblés qu’ils n’endiguent pas la progression de « l’Etat islamique », qui vient encore de s’emparer de la ville d’Al-qaryatain en Syrie où 230 chrétiens sont retenus en otages. Nos « alliés » turcs ou saoudiens, inactifs ou impuissants contre les djihadistes retrouvent étrangement leurs forces quand il s’agit d’attaquer les Kurdes pour les premiers, les Chiites du Yémen pour les seconds. Leur duplicité n’a d’égale que la lâcheté des occidentaux qui veulent faire croire à leurs populations qu’ils se battent contre les fanatiques et les barbares, mais pas au point de faire une guerre qui troublerait la vie paisible et consommatrice des dites populations.
Il est clair que les Etats-Unis poursuivent leur politique calamiteuse au Moyen-Orient. Le mélange de cynisme et de légèreté sympathique qui est leur marque est porté avec talent par le prix Nobel de la Paix Obama qui a laissé se répandre l’islamisme fanatique et la guerre comme un cancer développe des métastases. Un pied en Israël et un autre en Arabie Saoudite, les yeux rivés sur les ressources énergétiques, on ne sait plus vers qui l’Amérique tend la main. L’adversaire désigné était le nationalisme arabe allié à un moment ou un autre à l’URSS communiste. Il a été abattu en Irak et en Libye, ébranlé en Syrie au profit de l’extrémisme musulman avec pour résultat l’effondrement des Etats, l’éclatement religieux et communautaire. La grande illusion du « printemps arabe » a laissé place à la réalité sanguinaire de l’Etat islamique. Partout, les Chrétiens ont été les premières victimes de cette trahison de l’Occident. Leurs chapelles et leurs églises détruites, leurs sanctuaires profanés, les Assyro-Chaldéns d’Irak chassés de Mossoul, de Qaraqosh, de toute la plaine de Ninive où ils vivaient depuis 17 siècles, les Syriaques et les Melkites massacrés, réduits en esclavage en Syrie appellent en vain notre secours. Au mieux nous leur proposons des camps d’hébergement et l’accueil dans nos pays, quand le courage, l’honneur et notre intérêt à plus long terme exigent une action militaire. Alain Juppé a récemment vendu la mèche en évoquant le « risque du déshonneur ». Quel honneur y a-t-il en effet à fustiger le régime syrien d’Assad, quand on lèche les babouches des Emirs salafistes ou de M.Erdogan ? La Turquie poursuit inlassablement depuis un siècle l’élimination de ses minorités. Après le massacre des Arméniens, des Grecs et des Assyro-Chaldéens, il n’y a plus guère de chrétiens dans ce pays. En Arabie saoudite, la pratique chrétienne n’est même pas tolérée. Tels sont nos alliés les plus puissants et les plus riches. Les minorités chrétiennes ne pèsent rien auprès d’eux.
La France qui continue à gommer son identité au nom d’une laïcité d’ignorance oublie combien elle a compté au cours des siècles auprès de ces minorités qu’elle a parfois secourues les armes à la main, comme les Maronites du Liban. Il est plus facile dans notre pays de s’identifier à un journal satyrique et libertaire qu’à une communauté opprimée qui se proclame chrétienne quand nous jurons nos grands dieux sans cesse que, républicains, nous sommes laïques et neutres à l’égard de toutes les religions qui, évidemment se valent, comme l’actualité nous le montre tous les jours. Monsieur Fabius va donc organiser une conférence pour rappeler combien c’est généreux la France ! Pendant ce temps, l’Etat islamique continue d’avancer et de tuer, la Syrie de s’effondrer, l’Irak de se diviser, les Chrétiens de mourir ou de partir. Les sonneries d’aujourd’hui ne doivent pas être le glas des Chrétiens, mais le tocsin pour leur porter rapidement secours. Mais seront-elles entendues ?
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