Les accords imposés à des pays par d’autres occupent le devant de la scène politique. L’international est à la une. On observera combien cette réalité relativise la démocratie. Les peuples souverains ne le sont plus guère, et sans perdre la guerre, ils se soumettent néanmoins. La réalpolitique triomphe puisque les responsables des pays qui comptent imposent leurs règles à ceux qui comptent moins. Bien sûr, le degré de soumission dépend aussi de la taille du soumis. Il est préférable d’être l’Iran que la Grèce. Que deviendra l’accord grec auquel Tsipras avoue ne pas croire ? Que fera l’Iran de celui qu’il a obtenu au grand dam d’Israël ? Les parlements des pays concernés donneront un vernis démocratique à des processus marqués par les calculs à court terme des politiciens, Hollande ou Obama, par exemple, mais qui oserait affirmer que le premier a servi l’Europe et le second la paix au Moyen-Orient ?
C’est pourquoi, en contrepoint de ces fausses bonnes nouvelles qui peuvent donner envie de partir en vacances l’humeur joyeuse, je voudrais commenter une expérience vécue avant-hier dans ma ville de Tourcoing. A la suite d’un accident mortel survenu au cours d’une fuite devant une intervention policière, des échauffourées et des incendies de véhicules avaient embrasé une partie de la ville au début du mois de Juin. Il est donc urgent de montrer à la population que tous les moyens sont mis en oeuvre pour que règne désormais l’ordre républicain. L’un de ces moyens repose sur le Plan Vigipirate destiné à prévenir les actes terroristes. En centre-ville, déambulait donc, ce mardi, une patrouille composée de trois « bérets verts » sur pied de guerre, conduits par deux policiers plutôt bonhommes. Cet imposant équipage croisa dans une rue piétonne une femme voilée de noir du haut en bas, dont les yeux seuls étaient visibles. Bref, elle portait le type même du vêtement que la loi interdit dans l’espace public. Le policier gradé qui commandait le groupe de surveillance esquissa un geste discret en direction de la contrevenante et continua son chemin. N’ayant rien perdu de la scène, je l’interpellais- juste revanche- pour lui demander pourquoi il ne l’avait pas verbalisée. Sa réponse tint en deux arguments : d’abord, la patrouille agit dans le cadre de vigipirate et n’est pas là pour verbaliser les tchadors. Ensuite, ça ne sert à rien : « on » leur paye les contraventions.
Cet événement en apparence insignifiant est essentiel car il révèle à lui seul combien notre société est devenue un décor où s’agitent des personnages fictifs mis en scène par des politiciens assez habiles pour faire croire que notre démocratie est autre chose qu’une falsification, un trompe-l’oeil destiné aux benêts que sont les citoyens et contribuables. Résumons : scandalisés par cette offense à la laïcité et à la dignité de la femme que constitue le voile intégral, nombre de politiciens ont voulu interdire la burka ou le niqab . J’avais rédigé une Proposition de loi en ce sens pour rappeler notamment que le seul principe qui pouvait être invoqué était celui de la sécurité dans l’espace public. La liberté du vêtement pour des raisons d’ordre religieux ou liées au sexe appartient à chacun. Lorsque le masque permet d’échapper à la videoprotection, l’impératif de sécurité permet au contraire de l’interdire. J’observe que les patrouilles de vigipirate n’ont sans doute pas bien compris la loi et laisseront passer une bombe vivante éventuelle sans encombre alors qu’un contrôle préventif aurait pu l’arrêter, ou tout au moins l’identifier afin de contribuer, même après coup, au renseignement. Le rôle des caméras est dissuasif, mais aussi et surtout utile aux élucidations. C’est pourquoi, lorsqu’on se trouve dans le cadre de vigipirate, il faut verbaliser et démasquer les visages voilés. Bref, la loi votée n’est pas appliquée, et ceux qui ne la respectent pas ont même le plaisir de narguer policiers et militaires. La loi et le débat qui l’a entourée, un attrape-nigauds !
A force de ne pas donner suite au travail policier, on a dilapidé l’autorité des policiers et des gendarmes, découragé leur action, et fourni d’excellentes raisons aux moins motivés.. Etait-il utile en plaçant nos soldats dans une situation d’impuissance et sous la dépendance de policiers, de réduire aussi leur prestige pourtant justifié par des opérations réussies comme celle du Mali ? L’armée est faite pour s’attaquer à l’Etat islamique et le détruire. Elle n’a pas pour vocation de surveiller les édifices et les rues. Non seulement cette présence est inutile et fera défaut là où l’attaque aura lieu, comme on l’a vu récemment à l’occasion d’une décapitation et d’une tentative d’attentat sur le site d’Air Products en Isère, classé Seveso, mais elle expose dangereusement des soldats, dont les effectifs sont devenus tragiquement insuffisants. Récemment, un projet de décapitation d’un officier de Port-vendres a été découvert. Un vol important a également été commis sur un site militaire mal surveillé à Miramas. Mais l’armée surveille la place de Tourcoing pour impressionner les Tourquennois, enfin, ceux qui n’ont pas la moindre idée d’attentat en tête… De même des effectifs policiers limités empêchent bien sûr de suivre en permanence les individus dangereux. Tous les auteurs d’attentats depuis Merah étaient « connus » des services de police, mais la surveillance a dû être relâchée faute de moyens. Lorsqu’un ennemi est nombreux et peu prévisible, la défense est un leurre. Il ne s’agit plus de sécurité, mais de guerre, dans laquelle l’attaque est la meilleure des stratégies.
Vigipirate est donc le placebo destiné à l’opinion publique pour lui faire oublier que l’Etat ne fait pas appliquer la loi, n’assure pas la sécurité des citoyens, et ne fait pas vraiment la guerre aux ennemis du pays. Il fait semblant…
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