Après deux heures de visites à l’unité de soins palliatifs de Notre-Dame-du-Lac, François Hollande a lancé mardi un débat national sur la fin de vie, sans jamais prononcer le mot “euthanasie”. Le Président de la République a pris l’engagement de développer les soins palliatifs, posant dans le même temps la question de dépasser la loi Leonetti de 2005 qui prévient l’acharnement thérapeutique sans permettre le suicide assisté. Celle-ci “autorise déjà toute personne malade à refuser un traitement dont elle estime qu’il est devenu déraisonnable”, a noté François Hollande mardi. “Il n’y a donc plus en France de légitimation de l’acharnement thérapeutique et il faut que tous les malades, toutes les familles, le sachent”.
L’euthanasie en question
“Peut-on aller plus loin dans les cas exceptionnels où l’abstention thérapeutique ne suffit pas à soulager les patients aux prises avec une douleur irréversible et qui appelle un acte médical assumé au terme d’une décision partagée et réfléchie ?” s’est-il toutefois interrogé dans un discours préparé avant la visite, en présence de Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé.
“Poser cette question c’est ouvrir une perspective qui elle-même entraîne un débat”, a continué le Président, demandant qu’il soit “noble et digne”. À un journaliste lui demandant si le mot euthanasie était tabou, il a répondu : “Ce n’est pas le mot que j’ai employé”.
Sicard a-t-il évolué sur l’euthanasie ?
Le président a annoncé qu’il confierait la mission de la concertation sur ce dossier à Didier Sicard, président d’honneur du comité national consultatif d’éthique. Lorsqu’il était son président, il avait, dans un avis de mars 2003, proposé de créer une « exception d’euthanasie ». Concrètement, en cas de plainte pour euthanasie, le juge aurait ainsi pu faire preuve d’indulgence, s’il s’avérait que l’acte avait été commis par compassion. Une vraie boîte de Pandore. Mais, avec les années, le Pr Sicard a pris des positions de plus en plus conservatrices, au point d’oser déclarer le 5 février 2007 que « la France construit pas à pas une politique de santé qui flirte de plus en plus avec l’eugénisme”. “Je suis persuadé que si la France avait été confrontée, à l’occasion d’un régime nazi, à des pratiques eugénistes similaires, elle répugnerait aujourd’hui à s’engager sur une pente particulièrement dangereuse. La vérité centrale est que l’essentiel de l’activité de dépistage prénatal vise à la suppression et non pas au traitement. Ainsi, ce dépistage renvoie à une perspective terrifiante : celle de l’éradication », continuait-il.
Les pro-euthasie méfiants
Le lobby pro-euthanasie doute donc des intentions de François de légaliser l’euthanasie comme il l’avait promis pendant la campagne de l’élection présidentielle. Jean-Luc Romero, le président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité a réagi en ces termes à la nomination du Pr Sicard à la tête de ma mission de concertation : “On reste dans la toute puissance du médecin due à la puissance du lobby catholique”. Toutefois, dans un communiqué, le ton employé se fait plus posé : Jean-Luc Romero déclare “[se réjouire] de l’annonce faite par François Hollande allant dans le sens du respect de la proposition de campagne n°21 » même si “il est regrettable de continuer à faire de la question de la fin de vie, en confiant cette énième mission à un mandarin, une question médicale alors que c’est une affaire citoyenne qui relève de l’intime”. A 16h30, Alliance Vita n’avait toujours pas réagi.
François Hollande s’est aussi engagé à “développer” cette l’offre de soins palliatifs en France, alors que deux tiers des malades en phase terminale n’y ont pas accès, et promis une réforme dans ce domaine… “dans les prochains mois”.
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