Retrouver entre ses mains À mes prochains: Lettres (1943-1984) du très regretté Antoine Blondin est l’une de ces entreprises du hasard que rien ne semble annoncer. Pour ma part, c’est dans les rayons bien sages d’une bibliothèque municipale que j’ai fait cette rencontre. Merci au lecteur heureux pour avoir fait une telle suggestion de commande et au documentaliste pour sa sage ignorance ou son courageux non-conformisme. Ce volume de correspondance, sous-titré Lettres 1943-1984 a été publié durant l’automne 2009 dans la plus parfaite indifférence de ceux qui font la « Culture » en France, plutôt devrais-je dire ceux qui « font » dans la Culture, comme on « fait » dans le textile ou l’automobile, selon l’expression démocratique.
À ce silence, rien d’étonnant. Plus personne ne lit Blondin, mis à part quelques vieux messieurs dont il a éclairé la jeunesse et certains étudiants dont un royalisme désuet mais de bonne tenue a ouvert les portes de la littérature « de droite » du XXe siècle, dont la plupart des représentants furent élèves ou compagnons de l’Action Française. Nimier, Déon, Bernanos, Drieu la Rochelle…
À mes prochains est pourtant un régal de lecture, tant nous y trouvons rassemblés, fondus, la langue chaleureuse et le caractère amical, tellement français, d’Antoine Blondin. C’est une intimité heureuse qui nous est ouverte, dont les pages les plus touchantes sont les lettres envoyées par Antoine-Jean ou Antoine-Abel à ses proches, durant son service du travail obligatoire (S.T.O.) effectué à Pottschach, en Autriche de 1943 à 1945.
Les lettres d’amour qu’adressent Toine à ses parents, sa fiancée ou ses amis sonnent de la même sincérité et il faut bien le dire, de la même tristesse que ses futurs romans. Antoine Blondin avait une conscience aigüe de la violence du monde et de la méchanceté de notre espèce. Ainsi écrivait-il que « l’indifférence, l’hôtel, l’hôpital, la prison… voilà les cases de notre jeu de l’oie. » Les vrais copains étaient donc souvent ceux du bistrot, avec lesquels on pouvait prendre le large en bonne compagnie. Il partageait assez également son affection entre grandes plumes du faubourg Saint-Germain et gens du peuple. Ce qui était discriminant chez lui restait l’amour et la bienveillance, se trouvant toujours en résonnance avec les hommes touchés par le malheur, rentrant dans des fureurs assassines contre ceux qui avaient la méchanceté prétentieuse. Blondin est finalement l’homme des Béatitudes, « Heureux les cœurs purs … Heureux les simples en esprit », voilà qui parlait à son cœur. Le témoignage de son ami Michel Déon nous le dit bien simplement : « Grâce à lui, nous avons eu moins froid ».
Alors quand vous refermerez ce livre, le cœur lourd de ne pas avoir d’autres pages à tourner, rageant contre le temps qui n’a pas permis d’exhumer plus de lettres du grand buveur de Saint-Germain, il vous restera quelques solides lots de consolation. La facilité vous portera à revoir l’adaptation d’Un singe en hiver par Henri Verneuil (1969) ou le fameux entretien Blondin-Pivot lors de l’émission “Apostrophe”. Plus persévérant, vous courrez fouiller dans votre bibliothèque pour retrouver Monsieur Jadis ou l’école du soir ou L’Europe buissonnière. Chers lecteurs, reprenez quelques verres de Blondin, le voyage ira toujours au-delà de vos attentes, à votre santé !
À mes prochains: Lettres (1943-1984), La Table Ronde, 2009, 20 euros.
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