Tribune libre de Robert Ménard*
« Nous avons (…) un objectif, c’est de faire en sorte que lorsque nous partirons, il y ait une sécurité au Mali, des autorités légitimes, un processus électoral et plus de terroristes qui menacent l’intégrité du Mali », a affirmé mardi François Hollande à l’occasion d’une visite aux Émirats arabes unis. On peut toujours rêver. D’autres l’ont dit pour justifier leur intervention en Irak, en Afghanistan ou en Libye. Avec les résultats que l’on sait…
La prise d’otages, hier en Algérie, prouve, s’il en était besoin, que ces terroristes ne seront pas si faciles à « détruire » pour reprendre le mot – qu’on ne s’attendait à trouver dans sa bouche – de François Hollande.
Qu’il ait fallu stopper l’avancée des islamistes vers le sud, difficile d’en disconvenir. À condition d’accompagner cette énième intervention en terre africaine d’un volet politique. En clair, d’une réponse aux revendications des Touaregs sans qui il sera impossible de venir à bout de groupes armés politico-mafieux dans ce pays deux fois grand comme la France.
Mais de cela, on ne parle pas, de peur de fâcher les hommes de Bamako. Il ne s’agirait pas de montrer du doigt un régime corrompu, une armée déliquescente, un État inexistant, une classe politique déconsidérée, un racisme omniprésent, une islamisation rampante de toute la société…
Reste donc la fuite en avant. On comptera bientôt plusieurs milliers de nos soldats sur place. Déjà, des militaires français sont engagés au sol. On parle de combats au corps à corps. On nous rassure en nous vendant l’idée d’une intervention rapide des troupes des pays voisins. Mais qui peut croire sérieusement en la capacité opérationnelle de contingents sénégalais ou burkinabés ? Eux-mêmes n’y croient guère, qui ne se bousculent pas pour venir appuyer les troupes françaises…
On sourit devant les imprécations d’un Dominique de Villepin – qui, aux affaires, aurait fait de même ; on s’étrangle en entendant un VGE dénoncer une action « néocolonialiste » – les parachutistes sautant sur Kolwezi relevant, bien sûr, d’une action humanitaire… On hausse les épaules à la nouvelle diatribe d’un Noël Mamère contre la « Françafrique ». Mais difficile de ne pas s’interroger sur la suite des événements, sur l’absence manifeste de toute perspective réaliste, sur le changement d’attitude de François Hollande – qui assurait que la France n’agirait pas en première ligne. Tout cela laisse pantois.
Nos soldats risquent leur peau, il ne faut pas l’oublier. On leur doit hommage et solidarité, c’est vrai. Mais les yeux grands ouverts.
*Robert Ménard est journaliste et fondateur de l’association Reporters sans frontières. Il est à la tête du portail Boulevard Voltaire.
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