La France a mal à sa mémoire. A la Porte Dorée, François Hollande a relancé la rengaine de l’immigration heureuse et redonné la migraine à notre identité malheureuse. Les immigrés, une chance pour la France ; le maintien de la passoire Schengen ; le vote des étrangers : il a sorti le drapeau rouge, façon de rallier les siens, et d’exciter les autres. Ce discours illustre la décadence intellectuelle et morale accélérée de notre pays. D’une part, l’idéologie de la haine de soi exerce sur les débats une pression quasi totalitaire qui proscrit toute référence à l’identité nationale au profit de l’adulation des différences, c’est-à-dire de l’identité des autres. D’autre part, le sujet fait l’objet d’une manipulation politicienne d’un niveau qui ne relève pas celui du pays. Coincé par Juppé sur sa gauche, Sarkozy retrouve les chemins de l’école « buissonnière » pour contrer Marine Le Pen sur le terrain de l’immigration. D’une manière plus tordue, François Hollande, qui risque d’être le spectateur du duel des deux autres, déploie une stratégie qui consiste à récupérer la gauche sociétale, la gauche « bobo » et altermondialiste, face à une « droite » et à une « extrême-droite »conduites à chasser sur les mêmes terres, en général peu prisées par le centre. Quitter résolument le domaine économique et social où s’accumulent les échecs et où fleurissent les soupçons d’un libéralisme hypocrite pour rassembler son camp sur les questions de société : tel est le choix du Président, un choix tactique où l’intérêt national compte évidemment pour du… beurre. Quant aux ouvriers, de moins en moins nombreux, ce n’est plus la peine. Ils votent Le Pen.
Donc « notre » Président a inauguré la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration. Curieuse inauguration d’un musée ouvert depuis 2007 ! Sa genèse en dit long sur l’inconscient chargé de notre nation. A la Porte Dorée, il y avait un lieu consacré à valoriser la mission colonisatrice et civilisatrice de la France, qui avait, (quelle horreur !) abrité l’exposition coloniale de 1931. Comme il avait été vidé des collections transportées au Quai Branly, la pyramide de Chirac, on a pensé à une autre destination. Suggérée à Lionel Jospin par l’Association pour un musée de l’immigration, regroupant des historiens et des militants, puisque parait-il la distinction s’impose, l’idée d’un remplacement du culte du rayonnement français par son contraire, la repentance coloniale et la richesse des apports de l’immigration, s’est imposée. Chirac, qui révélait alors des tendances gauchisantes discrètes jusque là, a fait prospérer le projet, mené à bien à la fin de son mandat. Sarkozy qui tenait sur les questions de l’immigration et de l’identité des discours différents de ceux du dernier Chirac n’a pas voulu inaugurer le musée. Il voulait à son tour, « sa » pyramide, la Maison de l’Histoire de France, et avait confié la tutelle de la Cité de l’immigration à un Ministère qui en plus des migrants voulait s’intéresser à l’identité nationale. C’en était trop pour huit des vingt membres du Conseil « scientifique » qui démissionnèrent derechef. Depuis ce haut-lieu d’Histoire a connu bien des vicissitudes. Eric Besson venu finalement l’inaugurer en 2009, est reparti avec son discours, en raison d’une manifestation. Les prétendus « sans-papiers » l’ont occupé pendant plusieurs mois. Sous une surveillance accrue, il a dû être fermé chaque fois qu’une manifestation s’en approchait. Le résultat est calamiteux. Son aménagement a coûté 20 millions d’Euros, son coût de fonctionnement est de 7 millions. Il n’accueille que 100 000 visiteurs par ans dont 80% bénéficient de la gratuité, et dont une grande partie est constituée par le public captif des écoles. C’est peu à côté du 1,3 million du Quai Branly, des 9 millions du Louvre et des 7 millions de Versailles. Un Groupement d’Intérêt Scientifique lui est adjoint pour la recherche qui est financé lui-aussi par l’Etat à hauteur de 1,15 millions. Si la Cité affiche parfois 365 000 fréquentations, c’est grâce à l’Aquarium du sous-sol, survivance du premier occupant. « Un musée fantôme à la dérive » a pu juger un observateur. Pendant ce temps, la Maison de l’Histoire de France était mise au placard. La peu regrettée Aurélie Filippetti annonçait son abandon en Août 2012.
Ce double échec du maintien d’un équipement inutile, coûteux et boudé par le public et du renoncement à un beau projet national est un symptôme alarmant de la maladie idéologique qui mine notre pays. Celle-ci se traduit par une inversion des valeurs, une stigmatisation de tout ce qui peut exprimer son unité, son identité et sa grandeur, et, au rebours une valorisation de ce qui peut l’incliner à la repentance et à la haine de soi. Paul Valery remettait l’Histoire à sa place : « le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré.. L’Histoire justifie ce que l’on veut ». Dès qu’elle passe de l’établissement d’un fait à son interprétation, l’Histoire quitte les chemins de la science pour être sensible aux sirènes de l’idéologie. Il faut alors préférer politiquement l’idéologie positive du « roman national » qui rend le pays attirant et facilite l’intégration aux idéologies mortifères qui déprécient le pays d’accueil et soulignent au contraire les différences communautaires. Le choix d’un musée et le rejet de l’autre, c’est la victoire de l’idéologie suicidaire sur l’idéologie conservatrice. Que l’on puisse qualifier de « dangereux », ou de « trouble identitaire » un musée consacré à l’Histoire de France relève évidemment du contre-sens. Un jeune immigré voudra davantage s’intégrer à un pays auquel il sera fier d’appartenir en visitant Versailles, qu’en lui opposant sa culture d’origine redécouverte à la Porte Dorée lors de l’exposition « Générations ». Découvrir une « identité collective », fonder la citoyenneté sur « l’altérité réciproque » sont des formules creuses voire contradictoires et absurdes. Le totalitarisme use toujours de ce galimatias avant d’écraser la résistance du bon sens sous l’endoctrinement. « La peur s’est installée en France sur la question de l’immigration. Il faut inverser le courant » disait Benjamin Stora, Président du Conseil d’Orientation de l’institution et ex-trotskiste (?). On retrouve dans cette formule deux marques de l’idéologie dominante : l’opposition à certains phénomènes sociaux relève du préjugé, du sentiment, du fantasme. Il faut redresser, remettre dans le droit chemin, imposer la « vérité ». Bref, le peuple se trompe, il faut le rééduquer… La démocratie, au contraire, écoute le peuple et tient compte des élans qui, chez lui, correspondent à un vouloir-vivre naturel. L’identité, la fierté nationales ne sont pas des obstacles à l’assimilation, mais au contraire des moyens efficaces qu’on a eu le grand tort d’abandonner.
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