La France est sauvée. Elle a enfin trouvé son Diafoirus : il s’appelle Macron. Avec un sens aigu du bon goût, alors qu’une épidémie réelle ravage l’Afrique de l’Ouest, il a filé la métaphore de la maladie à propos de l’état du pays. Sûr de son savoir, notre énarque-docteur, et néanmoins banquier, a éclairé le bon peuple sur les évidences qu’on lui cachait et que son ignorance bien excusable l’empêchait de découvrir par lui-même.
D’abord, le diagnostic. La France souffre de « défiance », de « complexité », et de « corporatisme ». Cette vérité encore inaperçue est renversante. C’est vrai, les Français ne font plus confiance à leurs prétendues élites, et c’est bien parce que leurs résultats sont nuls voire négatifs. En entendant notre suffisant thérapeute, ils risquent même de devenir encore plus méfiants. Comment ? Ce type qui hante les couloirs du pouvoir depuis des années, qui appartient à ce monde qui s’est mis à l’abri du risque, vient nous dire que jusqu’à présent, les gouvernants ont perdu leur temps, mais que ça va changer, et en douceur pour ne pas tuer le malade, et il faudrait, béats d’admiration devant tant de lucidité, lui faire confiance ? Le jour même, un certain Lavrilleux, qui s’accroche à son siège de député européen, claque la porte de l’ump, et Thévenoud, se visse sur le sien à l’Assemblée après avoir été viré du groupe PS. La vie politique française a atteint un tel niveau d’inefficacité coûteuse et de turpitude provocatrice qu’il faudra beaucoup plus que quelques mesurettes pour recréer la confiance. Le « corporatisme » des politiciens est à la fois le plus puissant et évidemment le moins menacé.
Dans la médecine du docteur Macron, il y a l’arôme de l’excipient, de l’emballage et les principes actifs. Pour le goût du remède, le changement est notoire. On passe de l’acidité d’un socialisme marxisant et revanchard destiné à vomir les riches à celui qui émeut les papilles des « branchés » de la mondialisation : un socialisme « soft » plein de compassion pour les « losers », les pauvres qui prendront l’autobus, mais qui se parfume de libéralisme, dans sa version libertaire, gaucho-compatible. Les professions réglementées, protégées, de la médecine ou du droit sont dans le collimateur, le repos dominical aussi. On ne va pas bouder le plaisir qu’il y a à trouver la croissance en s’attaquant aux bastions du conservatisme que sont les pharmaciens, les notaires ou l’Eglise Catholique. On va racler quelques milliards avec quelques bijoux de famille qui restent dans les tiroirs de la République. On va faire sauter quelques verrous qui entravent la construction ou le logement. Mais, bien sûr, on ne touche pas à la fonction publique et à ses statuts. Bien sûr, il n’est pas question de privatiser EDF. La lutte contre les corporatismes ne visera que ceux qui n’auront pas la force de résister ou n’ont pas une suffisante capacité de blocage ou de nuisance. En somme, rien de bien neuf : on ressort quelques conseils d’Attali à Sarkozy.
Le docteur Macron n’est pas chirurgien. Il y a belle lurette que les politiciens français ont renoncé à cette pratique pourtant nécessaire de peur de n’avoir pas su anesthésier complètement le patient avant l’opération. Alors, on va se contenter d’homéopathie, au sens des petites doses, de la médecine douce. Cela prendra du temps et n’aura aucun effet réel compatible avec le calendrier politique. Autrement dit, on écarte une nouvelle fois les réformes structurelles indispensables, sur le marché de l’emploi, le temps de travail, le statut de la fonction publique, la fiscalité, au profit d’expédients destinés provisoirement à améliorer les chiffres non sans éviter les incohérences. Ainsi favoriser les autocars ( pour les « pauvres ») et la route au détriment du rail n’est pas précisément en phase avec la transition énergétique présentée, cette semaine même, comme un événement du quinquennat par la Ministre de l’Ecologie. Les secteurs de la production et de l’industrie sont les plus atteins par la maladie, et d’autant plus que la durée du travail et les charges pénalisent doublement notre économie. Ce n’est pas l’assouplissement dans les zones commerciales qui améliorera cette situation. On peut rêver d’une société d’individus consommateurs jamais rassasiés choisissant la surface ouverte le dimanche plutôt qu’internet, bref la société des « bobos » dont notre pouvoir exsude l’idéologie. Mais il est préférable que la France se rétablisse, comme une Nation faite de familles qui ne consomment que parce que leurs membres travaillent et produisent les richesses qui permettent d’acheter des produits le plus possible « made in France ». Par rapport à cette guérison-là, évoquée parfois sous le mandat précédent, mais jamais mise en oeuvre, notre Diafoirus ne propose que des placebos, destinés à améliorer l’état d’esprit du malade avant les prochaines élections. Ils ne le mettront pas hors d’affaire.
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