À l’heure où ces lignes sont écrites les évaluations les plus contradictoires confrontent les hypothèses de retournement, ou au contraire d’alourdissement, sous 48 heures désormais, des résultats du premier tour des législatives dans cette interminable séquence électorale.
Une chose est d’ores et déjà certaine : quelle que soit son assise parlementaire, le nouveau pouvoir sera bonapartiste et jacobin. Il l’a promis et ce genre de promesses sont en général tenues. Par exemple : il tendra à renforcer le contrôle et l’intervention étatiques sur la sécurité sociale, sur la vie interne des partis politiques, ou de ce qui en subsistera sur les finances des collectivités locales, sur la vie des établissements scolaires, etc. Il se propose également d’orienter, par une fiscalité plus lourde sur l’immobilier, l’épargne des Français.
Certains journaux, en France et à l’étranger, ont déjà commencé à caricaturer notre nouveau président en premier consul.
La chose n’est pas entièrement nouvelle : déjà The Economist en 2007 avait portraituré en première page un Sarkozy transformé en équestre petit Napoléon. Aujourd’hui le même journal se demande si M. Macron peut sauver l’Europe et le montre marchant sur les eaux.
L’intéressé met lui-même quelque ingénuité à dépasser de telles outrances. Il ne daigne pas s’identifier à un Napoléon Bonaparte, qui avait été poussé vers le pouvoir par ses succès militaires, immortalisés par les images d’Épinal de Bonaparte au Pont d’Arcole, du siège de Toulon, de la bataille des Pyramides, etc. Macron préfère l’image de Jupiter. Cette modestie de violette l’honore.
Reste que dans la tradition politique, et c’est bien là le drame, la domination bonapartiste et jacobine reste sans partage. (1)
Quand ce qui tient lieu de droite encense cet héritage elle semble ignorer qu’il vient directement de la révolution française. De ce point de vue la vieille AF s’est toujours trompée de public, visant toujours, au nom du nationalisme hier, du souverainisme aujourd’hui le public bonapartiste alors que toute sa doctrine aurait dû l’en écarter. (2)
Tant que cette nuisance et ce contresens n’auront pas été écartés, on ne s’étonnera pas d’entendre des raisonnements du type “il fera des réformes”, espérant sans doute que les assouplissements du Code du Travail fonctionnent comme le Code Civil de 1804 dans la foulée, certes, du plébiscite de 1802 faisant de Bonaparte le premier consul à vie, mais aussi grâce au travail des grands juristes réunis autour de Cambacérés : Bigot de Préameneu, Tronchet, Maleville et Portalis. Nous sommes aussi loin du compte sur ce terrain que sur celui des campagnes militaires.
Il est assez clair, à qui observe les faits réels et non l’écume des réseaux sociaux, que cette nouvelle illusion bonapartiste est un leurre.
> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog L’Insolent.
Apostilles :
- Les aventures politiques boulangiste, gaulliste, etc n’en constituent que les suites logiques et quand De Gaulle proposa en 1969 de régionaliser le cadre français il fut rejeté par le corps électoral.
- Les maîtres de l’Action française, en leur temps, étaient pourtant parfaitement clairs à ce sujet, cf. Charles Maurras Napoléon avec la France ou contre la France ? qu’on peut lire en ligne ; Jacques Bainville Napoléon ou Léon Daudet Deux idoles sanguinaires : la Révolution et son fils Bonaparte à télécharger sur Gallica, site de la Bibliothèque nationale. Malheureusement rien n’y fait, le public dans lequel ils recrutent leurs disciples reste le plus souvent peuplé d’indécrottables bonapartistes… Rappelons enfin que toute l’œuvre d’Emmanuel Beau de Loménie — mal vue des maurassiens en général – est construite en réfutation de l’illusion bonapartiste. Observant dans le coup d’État bonapartiste l’origine de la fortune des dynasties bourgeoises, il souligne la raison du culte napoléonien savamment entretenu par ceux qu’il appelle les “grands habiles”…
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