Après Orlando, Magnanville : et toujours la même difficulté à ouvrir les yeux. Les hésitations et les contorsions pour ne pas désigner clairement la cause et les auteurs des attentats traduisent la peur des élus de voir s’ouvrir sous leurs pieds un gouffre que leur politique a creusé. Aux Etats-Unis, Obama évite de désigner le terrorisme islamiste comme le coupable et préfère évoquer la cible, les homosexuels, ou le moyen, les armes, comme si les islamistes radicaux ne condamnaient pas durement l’homosexualité, et comme si des attentats similaires ne se produisaient pas dans des pays où le port d’arme est sévèrement réglementé. En France, le mot « forcené » est utilisé, mais on apprend que l’assassin des deux policiers, Larossi Abballa, arrêté en 2011 pour avoir participé à une filière djihadiste vers le Pakistan, avait été condamné à 3 ans de prison en 2013. Comme d’habitude, il s’agit donc d’un « français » musulman et d’origine étrangère connu des services de police pour vols, violences et recel, puis repéré et condamné pour sa radicalisation, et comme toujours, il a échappé à la surveillance policière et a donc tué deux policiers. Certes personne ne prétendrait que les musulmans sont tous des terroristes potentiels, mais on ne peut faire semblant d’ignorer le problème que l’islam pose à nos sociétés, à notre démocratie, à notre civilisation.
Depuis le début de l’année, 55 attentats meurtriers ont eu lieu dans le monde. Un seul, au Sud-Soudan n’est pas lié à l’islam. En 2015, il y en avait eu plus de 120, et deux seulement étaient sans rapport avec la religion musulmane. Le terrorisme a pris, depuis l’effondrement du bloc de l’Est et la politique aberrante menée par les Etats-Unis et leurs alliés dans le monde arabe, et plus largement musulman, un nouveau visage. Avant, il s’agissait de réseaux, quasi-professionnels, souvent soutenus par des Etats : c’était l’époque de Carlos. Aujourd’hui, des filières beaucoup plus souples suscitent le recrutement et les actions. Certaines ont encore une réalité matérielle : elle correspond aux déplacements des individus entre les zones de non-droit où sévissent les djihadistes et les lieux visés par les attentats. D’autres semblent dématérialisées : des recrues spontanées proclament leur allégeance. Une organisation terroriste revendique l’acte, mais sans qu’il y ait de sa part de soutien logistique. Cette évolution a deux conséquences : d’une part, la prévision devient de plus en plus difficile, encore que dans la plupart des cas, à Orlando comme à Magnanville, la radicalisation des auteurs ait été perçue ; d’autre part, la tentation de réduire le danger s’appuie sur le concept de « loup solitaire », plus ou moins atteint de troubles mentaux, et qui ne met pas en cause la « communauté musulmane ». Le comble de cette illusion se situe dans l’étrange inversion de l’utilisation du mot communauté. Ce terme revêt une importance primordiale chez les musulmans. L’Oumma est littéralement la nation islamique, bien plus légitime que les nations politiques. Malgré ses divisions, entre les Chiites et les Sunnites, par exemple, elle constitue de vraies communautés qui ont leur histoire, leurs traditions, leur calendrier, leur langue privilégiée, leurs rites et leurs fêtes. Les familles qui les constituent en assurent la transmission. Un croyant, qui plus est, un pratiquant, n’est jamais un individu isolé. Ne serait-ce que par la télévision ou internet, il est relié à sa communauté. Le prétendu loup solitaire ou les frères qui agissent ensemble se revendiquent en fait de leur appartenance même si celle-ci est virtuelle. A Orlando, l’atroce tuerie, qui a touché un club gay, a massacré des personnes, certes assassinées en raison de leurs pratiques sexuelles, mais le mot communauté et le drapeau qui est censé la représenter sont des constructions idéologiques, des vues de l’esprit. Il n’y rien de plus personnel que l’intimité du sexe. La vie religieuse est en revanche toujours sociale. Notre époque semble avoir du mal avec cette évidence de bon sens, et cette difficulté n’est pas étrangère au problème que nous pose l’islam.
Sur ce plan, Obama a choisi l’aveuglement en raison des liens entre les Etats-Unis et des pays qui se réclament d’un islam rigoriste. La France s’est malheureusement alignée. L’islam est un problème pour nos démocraties, et pour l’Occident en général. Sur ce point, Trump a raison. Des deux côtés de l’Atlantique, au sein de la communauté musulmane, certes de façon minoritaire, le danger existe et il est redoutable. Aux Etats-Unis, il est quantitativement faible, en raison de la fermeture relative du pays, mais le profil des terroristes est effrayant : de Fort Hood ( un commandant, psychiatre d’origine palestinienne) à Orlando, en passant par Boston, et San Bernardino, les auteurs ne sont pas des délinquants de droit commun, mais plutôt des immigrés de la première ou seconde génération, devenus américains et socialement intégrés. En France, en revanche, le lien entre les quartiers sensibles, la délinquance, la prison et la radicalisation ultérieure semble établi. La prévision des faits paraît donc plus aisée, mais leur nombre potentiel est tout simplement angoissant. Les deux meurtres au couteau des Yvelines soulignent le hors-sujet de la discussion sur les armes. Un policier armé au Bataclan aurait pu riposter. Mais, la ressemblance avec ce que connaît Israël est d’autant plus inquiétante que la population française est évidemment incapable actuellement de réagir comme le font les Israéliens.
Il y a donc bien une question musulmane et ce n’est pas en se voilant la face qu’on pourra la résoudre.
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