Encore un suicide pour rien

Il y a un an, un papa s’était suicidé au plein milieu d’une école en croyant que son « action » spectaculaire allait faire bouger les choses (1). Bien d’autres avant lui s’étaient suicidés, motivés par le même espoir. Mais à chaque fois, il n’en a rien été. Et il n’en sera jamais rien dans notre société de l’apathie. Vous pouvez crever, les gens oublieront vite. Aujourd’hui, des enfants sont prêts à éliminer leurs parents en France au lieu d’exiger qu’ils soient soulagés jusqu’à la fin. Alors imaginez quel est le prix qu’ils accordent à votre carcasse d’inconnu…

Avec la même conviction que ces pères qui se suicident, un professeur a commis ce geste irréparable à la rentrée 2013 (3). L’information vient d’être transmise à un niveau national parce que l’Instruction Publique de notre pays a imputé son geste à ses conditions de travail (2). Un professeur presque à la retraite, reconnu, qui ne connaissait pas de difficultés particulières dans sa classe. Croyez-vous que le suicide ou la reconnaissance de son geste par l’Instruction Publique changera quoi que ce soit ? Je ne le pense pas. Cependant, à tout hasard, je retranscris infra une partie de son courrier qui me semble significative. Ce professeur ne parle pas de féminisation de l’école directement mais on comprend bien dans son discours, combien le non-sens a gagné progressivement dans ce secteur professionnel tandis que les femmes y sont devenues largement majoritaires.

Simple coïncidence ?

A vous de juger. Désormais, vous avez une information contradictoire. Car cet article d’actualité ne doit pas être considéré de manière isolée. Il complète celui sur la féminisation de l’enseignement (4) qui est maintenant bien sourcé par de nombreux faits divers que j’ai mis en commentaires. Il complète aussi les articles sur la baisse du niveau scolaire en France (5), la tentation française de supprimer le Baccalauréat (6), la guerre ouverte menée contre les garçons (7, 8). Et il est à parier que bien d’autres faits d’actualité viendront encore le corroborer tant que nous ne saurons pas regarder les problèmes de notre société bien en face pour les dépasser.

Voici donc un autre des aspects de ce problème plus large développé ici grâce au témoignage d’un enseignant de 55 ans qui a mis fin à ses jours pour le dénoncer :

p3 de la lettre jusqu’à la fin :

Comment note-t-on alors les élèves ?

A l’estime, en fonction de critères autres, l’inspection le sait mais ne veut surtout pas que la chose soit dite. Du coup cette note relève “du grand n’importe quoi” et ne respecte aucune règle d’équité. Elle est attribuée par un enseignant seul qui connaît ses élèves depuis au moins un an et compte coefficient 6 ce qui écrase les autres matières. Cela viole l’esprit du baccalauréat dans les grandes largeurs. Je considère que ceci est une infamie et je me refuse à recommencer. L’ensemble du corps inspectoral est criminel ou lâche ou les deux d’avoir laissé faire une chose pareille. Cette mécanique est conçue dans une idée de concurrence entre les enseignants mais aussi entre les établissements pour créer une dynamique de très bonnes notes à l’examen y compris et surtout si elles n’ont aucun sens.

Vous avez l’explication des excellents résultats du cru 2013 du baccalauréat au moins pour la filière technologique. Cela fait plus d’un an que je me plains à mon syndicat de cet état de fait. Pas un seul compte-rendu ni localement sur Marseille ni à un plus haut niveau n’en fait mention. Je suis tout seul à avoir des problèmes de conscience. Ou alors le syndicat est activement complice de l’état de fait, le responsable local me dis : “mais non Pierre tu n’es pas tout seul”. En attendant je ne vois aucune réaction et ce chez aucun syndicat. Que penser ?

Soit nous sommes muselés, soit je suis le dernier idiot dans son coin. De toute façon je n’accepte pas cette situation. Je pense au niveau toujours plus problématique des élèves, autrefois on savait parler et écrire un français très convenable après 5 ans d’étude primaire. Aujourd’hui les élèves bachelier maîtrisent mal la langue, ne savent plus estimer des chiffres après 12 ans d’études. Cherchez l’erreur. La réponse de l’institution est : “oui mais les élèves savent faire d’autres choses”. Je suis bien placé dans ma spécialité pour savoir que cela n’est pas vrai ! Les élèves ne maîtrisent rien ou presque des techniques numériques d’aujourd’hui. Tout ce qu’ils savent faire est jouer et surfer sur internet. Cela ne fait pas un compétence professionnelle.

Les médias nous rabattent les oreilles sur la perte de compétitivité du pays en laissant entendre que le coût du travail est trop élevé. Cette présentation pèche par une omission grave. La réalité est que le travail en France est trop cher pour ce que les travailleurs sont capables de faire véritablement. Et là la responsabilité de l’éducation nationale est écrasante. Qui osera le dire ?

J’essaye mais je me sens bien petit.

J’essaye de créer un maximum d’émoi sur la question. J’aurais pu m’immoler par le feu au milieu de la cour le jour de la rentrée des élèves, cela aurait eu plus d’allure mais je ne suis pas assez vertueux pour cela. Quand vous lirez ce texte je serai déjà mort. »

Pierre Jacque
enseignant du lycée Antonin Artaud à Marseille

Ici, le professeur parle particulièrement du système de notation des élèves. Et il a raison d’en faire un exemple significatif. Cette façon d’envisager l’évaluation des élèves de manière absurde est très caractéristique de notre pays. Il ne faut pas bien être malin pour comprendre que le système s’est donné deux objectifs :

  • conforter les mères dans l’idée que leur petit était un génie, et les rassurer quant à leur intégration,
  • permettre à notre République et à son administration de se glorifier des bons résultats de des établissements qu’ils géraient.

D’où l’idée que la suppression du baccalauréat et des notes seraient une fin en soi, comme dans certains pays scandinaves (dépressifs et inégalitaires (9) au possible).
Dans cette lettre, les syndicats y sont décrits comme complices de l’Etat (voir aussi l’affaire sur l’ABCD de l’égalité (10)). Ils ne concourent pas à l’amélioration globale du système scolaire, ils n’arrivent même plus à défendre leurs adhérents. L’impuissance est organisée au profit des mères inquiètes, de fonctionnaires majoritairement femmes qui tiennent à leur tranquillité, mais aussi d’hommes dans la hiérarchie scolaire qui tiennent à leur promotion pour les uns, et à se faire réélire par des femmes pour les autres (11).

Le Roi est nu.

1. « Il se suicide dans une école, ils n’ont rien entendu », Aimeles mai 2013.

2. « Le suicide d’un enseignant à Marseilles imputé à ses conditions de travail », Le Monde du 07/06/2014.

3. « Marseilles : la lettre de l’enseignant qui s’est suicidé dimanche », Le Midi Libre du 03/09/2014.

4. « L’école féminisée leur échappe », Aimeles 19/09/2012.

5. « Evaluation internationales PISA : une machine à détruire les mères », Aimeles 6 décembre 2013.

6. « Contre la suppression du Bac », Aimeles du 16/07/2013.

7. « La guerre contre les Garçons, partie 1 », Aimeles du 10/05/2012.

8. « La guerre contre les garçons, partie 2 », Aimeles du 10/07/2012.

9. « La théorie du gender : un outil au service du totalitarisme », Englishmanif.blogspot.fr mai 2013,

10. « Les syndicats enseignants défendent une théorie du genre qui n’existe pas », Aimeles du 03/02/2014.

11. « Un homme ne peut survivre en démocratie », Aimeles du 19/03/2014.

 

Related Articles

60 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Léonidas Durandal , 16 juin 2014 @ 11 h 06 min

    C’est trop restrictif intellectuellement parlant.

  • anonyme , 16 juin 2014 @ 11 h 06 min

    “Un suicide n’est en rien un acte politique”…

    Dominique Venner doit se retourner dans sa tombe… Il faut bien distinguer entre le geste et les causes.

    1. Ici, effectivement, quand à la qualification du geste, elle semble rejoindre votre analyse : un acte de désespoir.

    2. Toutefois, quand aux causes invoquées dans l’extrait, elles sont au contraire éminement politiques car ce pauvre enseignant attaque bien un système et non des personnes…Sous réserve que l’extrait ne dénature pas l’ensemble du propos.

  • Léonidas Durandal , 16 juin 2014 @ 11 h 08 min

    C’est beau de voir une personne qui s’ouvre au monde.

  • Léonidas Durandal , 16 juin 2014 @ 11 h 09 min

    On peut beaucoup en langue française.

  • monhugo , 16 juin 2014 @ 11 h 10 min

    La police des pseudos – le retour.
    On m’a déjà tenu ce type de raisonnement – entre autoritarisme et débilité. Auquel j’ai la faiblesse de répondre :
    a) il n’y a couramment pas de majuscules sur le net (adresses courriel) – par phénomène d’entraînement…
    b) si j’ai envie d’écrire “monhugo”, “MONHUGO”, voire “MonHugo” (ou une autre combinaison de majuscules et minuscules), il me semble que cela entre bien dans le champ de la liberté d’expression.
    Vous faites bien un “mix” entre Sparte et Roland. Sacré enjambement historique…

  • Léonidas Durandal , 16 juin 2014 @ 11 h 12 min

    J’ai mis la lettre complète en référence (Midi Libre). Je ne pense pas avoir trahis l’esprit mais plutôt d’avoir sélectionné l’essentiel, ou tout au moins, la partie de son propos la plus intéressante.

  • monhugo , 16 juin 2014 @ 11 h 15 min

    Sur la progression de la “discussion”. Que vous déplorez. Il ne fallait pas réagir comme vous l’avez fait. Quand on me provoque, on me trouve toujours, M. le spartiato-rolandien.
    Votre pseudo est assez “révélateur” aussi, puisque vous prétendez me titiller sur le mien, qui est un hommage à un être de qualité. Le “jeune garçon immature” montre le bout de son nez dans votre cas.

Comments are closed.