Tribune libre de Wallerand Rawsti
Monsieur le député, lorsque nous avons vu ce qui vient de vous arriver, à savoir le lâchage éhonté de l’un de vos anciens collaborateurs supposé proche, nous n’avons eu que du dégoût pour ce comportement, nullement exceptionnel, mais pas aussi inéluctable que l’on prétend. La politique a certes une consistance qui lui est propre, mais elle ne nous dispense pas des autres qualités.
Les témoignages ne manquent pas concernant les sinuosités de celui qui vous abandonne.
Malheureusement, un certain personnel politique est obsédé par le souci de faire carrière, sans le moindre souci de cohérence, multipliant les soutiens, comme d’autres multiplient les placements. Le parcours de l’intéressé est assez révélateur de cette multiplication des mises.
Gérald Darmanin a été élu conseiller municipal à Tourcoing en 2008, il a été également élu conseiller régional de la région Nord-Pas-de-Calais. On apprend qu’il a travaillé à l’UMP en 2009 et en 2010. C’est à ce moment qu’un certain Xavier Bertrand, alors secrétaire général de l’UMP, obnubilé par sa rivalité avec François Fillon, appuya la candidature de l’intéressé aux élections régionales… Depuis, Xavier Bertrand fait cause commune avec François Fillon, ayant découvert plus vorace (et certainement mieux rusé que lui…) : Jean-François Copé. Si on creuse un peu plus, on apprend que Gérald Darmanin a eu d’autres allégeances : Jacques Toubon, mais aussi David Douillet, dont il a été le directeur de cabinet après avoir été son assistant parlementaire (quand David Douillet fut député), puis son chef de cabinet. En cette fin de quinquennat sarkozyen, les promotions au sein des cabinets ministériels ont été nombreuses et même étonnantes… On comprend en quoi la défaite de Nicolas Sarkozy a été pire qu’une trombe : une chasse d’eau qui a mis brutalement fin aux carrières d’arrivistes ambitieux
Jacques Toubon, Xavier Bertrand ou Christian Vanneste, David Douillet : autant de râteliers qui ont servi à notre Rastignac. On constate aussi sur son site, visiblement piraté, son hommage à Philippe Séguin, qu’il n’a évidemment jamais connu. Faut-il rappeler que l’ancien Président du RPR est connu pour une certaine constance ?
Enfin, sa carrière a commencé à Paris où il ne s’éternisa pas longtemps. (En général, le chemin se fait en sens inverse : le jeune ambitieux vient généralement de province pour essaimer à Paris…). Ce passage, un peu gommé, semble donner la clé du problème : une illustration d’un certain parisianisme qui aime piocher et prendre là où il peut, tout en conservant une approche superficielle de la politique et de ses redoutables dossiers. L’intéressé continua dans les terres du Nord, retrouvant Christian Vanneste qu’il connut lors de son passage à l’IEP de Lille.
Où est la cohérence dans tout cela ? Nulle part ! Seulement des allégeances qui ont permis de consolider un parcours et de jouer des différentes manettes. L’adaptation aux circonstances, propre à la politique – et qu’il ne faudrait pas remettre en cause –, se transforme en opportunisme. Ce qui s’est passé est très simplement logique : à un moment donné, la multiplication des soutiens devient contradictoire, surtout quand cela risque de freiner votre ambition. L’intéressé a préféré plaire à Xavier Bertrand, et à Jean-François Copé, au lieu de rester fidèle à Christian Vanneste. Il est vrai que les quadragénaires aux dents longues représentent l’avenir. Pas Christian Vanneste, cet arriéré aux idées passéistes et qui pêche par absence de consensualisme… Par définition, la fidélité n’existe que dans les difficultés. Être fidèle quand le chef est en grâce ne révèle rien d’extraordinaire… Défendre Christian Vanneste quand il était encore fort ne représentait pas un risque sérieux. Mais revenir sur sa parole parce que l’UMP vous réserve une alléchante investiture relève de la félonie.
Monsieur le député, vous avez sincèrement cru que Gérald Darmanin partageait avec vous des convictions communes. Il n’en est rien et vous avez fini par vous en apercevoir. À vos dépens, hélas. La politique repose malgré tout sur un présupposé : la distinction capitale entre la sphère publique et la sphère privée. En privé, on peut parfaitement s’avérer odieux, tout en étant angélique et solide en public. Paraître est la plus vieille posture du monde. Pour ceux qui ont approché l’intéressé, il y avait une personne qui ne dégageait rien d’exceptionnel, dont les yeux pétillaient à l’approche de ce qui évoque le pouvoir. Un goût perpétuel pour de piteuses intrigues, souvent sans résultat. Un personnage cherchant toujours à éblouir ses interlocuteurs par des discours pompeux et des citations qui finissent toujours par lasser. Un humour souvent lourd, généralement vulgaire, cachant mal un ego surdimensionné. Certainement pas la figure du catholique de conviction. Bref, une réalité à mille lieux de l’honnête homme.
Il vous a fait croire, notamment dans les circonstances polémiques de vos prises de position, qu’il partageait ces dernières. C’est possible. Mais comment distinguer la flatterie, la courtisanerie la plus vile de l’attachement sincère ? Comment séparer l’admiration du calcul intéressé ? Il y a des hommages qui étouffent… Quand le cirage de pompe sent l’encens, cela ne présage pas forcément quelque chose de bon.
Tartuffe est aussi appelé l’Imposteur C’est celui qui fait croire ce qu’il n’est pas, qui simule pour mieux éblouir, celui qui révère ce que les gens ont de plus cher, voire de plus sacré. Mais à un moment, le stratagème finit par être révélé. À la différence d’Orgon, vous ne vous êtes pas caché sous une table pour assister à l’insolente cour que fit Tartuffe à sa femme, mais vous avez simplement vu les tables de presse de ces des derniers jours pour apprendre que l’intéressé maintenait sa candidature. Ce fut un retournement. D’où cette douleur et cette amertume. Vous avez tout simplement été trahi.
Mais on oublie une chose : l’imposture est démasquée et Tartuffe finit arrêté. Toute la maison d’Orgon a vu l’imposteur à l’œuvre. Orgon, victime d’une donation hasardeuse, se réconcilie avec son fils et justice est faite : Tartuffe est interné. Ce ne sont pas les états-majors parisiens, que le Tartuffe a su séduire et qu’il rêverait d’intégrer, qui comptent, mais les petites gens qui votent. Les électeurs de votre circonscription vous soutiendront avec fermeté. Pensez à tous ces sourires, à tous ces gens qui n’ont rien, mais qui n’ont pas perdu leur force de caractère. Ils savent que vous avez beaucoup fait pour eux que vous les avez pris en considération, car le Nord est un département rude, qui a connu la crise bien avant tout le monde, mais qui regorge encore d’honnêtes hommes. Comme vous le savez, le suffrage universel est conservateur. Le petit peuple n’aime pas les imposteurs. Nous souhaitons que les 10 et 17 juin prochains la constance dont vous avez fait preuve soit récompensée et que la trahison soit mise au rancart.
Monsieur Christian Vanneste, continuez !