Tribune libre de l’abbé Guillaume de Tanoüarn*
Non, je ne vous parlerai pas ici des fameux “points non négociables”, tant abordés par les blogs catho et totalement désertés par l’ensemble des candidats. Que nous reste-t-il dans ce désert, après cette désertion ? La France. La réalité française, l’exception française, la nation française, qui fait son grand retour dans le discours des deux candidats attendus au deuxième tour, Nicolas Sarkozy, comme d’habitude sur le mode lyrique, et François Hollande, qui évoque à plusieurs reprises “le drapeau” et “ses plis”.
Cette référence unanime à la France me semble un fait intéressant de cette campagne. Tout est perdu parce que les vérités fondamentale du droit à la vie et du droit de la famille sont désertées ? Non. D’abord cette désertion ne peut être que provisoire : il y aura forcément un retour de balancier. Ensuite et dès maintenant, il nous reste la France à transmettre et à faire aimer, non pas comme une théorie, mais comme une réalité charnelle et comme un idéal spirituel.
“Le changement, c’est maintenant”… Je laisse les jeunes socialistes danser sans conviction sur cette scie rapeuse et rappée (pauvre rap) pour essayer de rassembler quelques idées à votre intentions.
Je viens d’écouter François Hollande après avoir entendu Nicolas Sarkozy. Je crois vraiment que ces deux candidats attendus au second tour ne sont pas “bonnet blanc et blanc bonnet”. Il suffit de les regarder. Il suffit de sentir où va leur discours respectif. Nous n’avons aucune évidence ? Eh bien ! Imaginons-nous sans préjugés… Après tout Descartes pense que c’est possible, au moins du point de vue de la méthode. Essayons !
Nicolas Sarkozy cite Malaparte…
Il y a d’un côté le souffle du Président en exercice. Il a cité Malaparte parlant de la Place de la Concorde comme d’une idée (l’idée France, l’idée de la France) et évoquant l’histoire vue par les Français : non pas un fait accompli comme pour les Anglo-saxons, mais une volonté. Sarkozy a cité encore Charles Péguy et Victor Hugo. Mais Malaparte, quelle… bonne idée ! Décidément son mentor Patrick Buisson a une belle culture. Et il n’en est pas avare.
Dans Le Bal du Kremlin (roman inachevé), Malaparte pose avec une force saisissante l’utopie communiste face à l’idéal libre et aristocratique de la vraie droite. Oh certes ! Malaparte, cet aventurier des arts et lettres n’a pas toujours un positionnement impeccable (gageons pour le dire d’un mot qu’il aurait aimé être Mussolini), mais dans ce petit ouvrage posthume, il montre de façon saisissante les lignes de fracture, les oppositions insurmontables. Opposition entre ceux qui aiment la liberté personnelle et ceux qui, collectivement, lui cherchent des ersatzs à Moscou. Opposition entre ceux qui disent que la souffrance ne sert à rien (les nihilistes modernes) et ceux qui pensent qu’elle est utile (d’une façon ou d’une autre les chrétiens, disciples du Crucifié). Opposition entre les snobs (que ce soit à Paris ou à Moscou) et les hommes de bonne volonté. Citer Malaparte dans un discours de campagne (même quand on ne l’a pas lu), c’est montrer que l’on n’a rien à faire du terrorisme intellectuel, en tant que président en exercice.
La France de François Hollande est pour le moins hémiplégique.
Je n’aime pas toujours ce qu’a fait Sarkozy, je me sens souvent floué par ses discours, trompé par ses réalisations et ses promesses non tenues, horrifié par sa politique extérieure de boute-feu (le Mali, indirectement, c’est lui puisque la Libye c’est lui), mais j’aime la liberté de ses références. Elle, en tout cas, plaide pour l’homme.
J’ai ensuite écouté François Hollande. Il est crédible lorsqu’il se glorifie de son équipe de campagne, de tous ces gens qui ont planché sur son programme, mais pas vraiment rassurant quand dans l’énumération des grandeurs de la France, il n’oublie pas Lionel Jospin (sic), après avoir commencé en 1789 et énuméré : 1830, 1848, 1871… Sa France est pour le moins hémiplégique. Et puis, il n’est vraiment pas sexy quand, en bon technocrate, il dévide un chapelet de mesures catégorielles en une sorte d’inventaire à la Prévert. Qu’est-ce qu’on peut bien trouver à ce petit homme toujours en train de forcer sa voix et qui a l’air arc-bouté sur son pupitre, le derrière en arrière ? Ah ! Le langage du corps… J’ai compris le succès de Mélenchon en regardant Hollande sans préjugés. Mélenchon est rétro. Mélenchon est archaïque, mais son archaïsme révolutionnaire en fait encore rêver beaucoup en France. Le techno-socialisme… Eh bien non ! Flanby ne fait pas rêver.
Il nous dit qu’il veut être “juste”, que c’est la justice qui le guidera. Mais qui croit à LA justice en politique ? On sait bien que d’une certaine façon chacun à sa justice et que le responsable de l’exécutif est celui qui doit arbitrer entre les différentes conceptions de la justice, au nom de valeurs supérieures.
Que restera-t-il de la liberté si l’égalité est obligatoire ?
La valeur supérieure de Hollande, c’est “l’égalité” dont il s’est encore débrouillé pour répéter qu’elle est “l’âme de la France”. Mon Dieu, quelle horreur ! Parler d’égale dignité, oui, mais d’égalité : que restera-t-il de la liberté si l’égalité est obligatoire ?
La valeur supérieure pour Hollande, c’est l’esprit des Lumières, dont il ne craint pas de dire dans son discours : “C’est ce que nous avons de plus cher”. Depuis deux siècles, il n’a donc rien trouvé de nouveau. Les Lumières ont engendré le chaotique XIXème siècle et le cruel XXème siècle. Et, avec Hollande, on en serait encore à devoir les recevoir… sans examen, comme une nouvelle charte politique, celle d’une laïcité rigide et pétrifiée dans son passé.
Si j’avais à voter pour un discours, pour le deuxième tour en tout cas, je crois que je n’aurais… aucun doute, même si je ne nourris aucune illusion.
*L’abbé Guillaume de Tanoüarn est prêtre à l’Institut du Bon Pasteur. Il anime un blog.
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