Certains emploient parfois encore le mot de « libéral » pour définir politiquement Macron. C’est un contre-sens. Son engagement politique d’origine est socialiste. Il s’est clairement revendiqué de gauche, et pourrait ne se voir taxer de libéral qu’au sens américain du terme : c’est-à-dire progressiste, s’appuyant sur les minorités de tous genres, et social-démocrate si on s’en tient à son goût pour la dépense publique et l’endettement. Son prétendu « libéralisme » ne reposerait que sur son mondialisme associant la circulation des biens, des capitaux et des personnes et un grand relativisme en matière de moeurs. Or, le libéralisme, ce n’est pas cela. Si l’on se réfère à l’un des grands penseurs libéraux français, Montesquieu, on trouve chez lui cette idée essentielle que les moeurs, les règles héritées de la tradition et transmises par l’exemple, sont plus importantes que les lois, lesquelles ne doivent pas vouloir les modifier, parce qu’elles constituent cette quasi-nature au sein de laquelle on peut faire des choix sans que la liberté devienne un absolu, sans limite, conduisant au nihilisme. Le constructivisme qui est le moteur du progressisme et s’imagine que tout est affaire de volonté, que la nature elle-même peut être réinventée, est le contraire du libéralisme. “Les moeurs font toujours de meilleurs citoyens que les lois.”, écrivait ainsi Montesquieu. Il ne peut en effet y avoir d’Etat libéral que si le pouvoir est limité et que si la liberté des individus est également circonscrite dans un ensemble de comportements admis par tous. C’est ce qu’Orwell appelait la « common decency », la décence ordinaire sans laquelle aucune société ne peut survivre faute de la confiance réciproque nécessaire à l’usage de la liberté et d’une conception très largement répandue du bien commun. En 1939, Orwell écrivait : « Tout le message de Dickens tient dans une constatation d’une colossale banalité : si les gens se comportaient comme il faut, le monde serait ce qu’il doit être ».
L’individualisme forcené n’est pas libéral et conduit un jour ou l’autre, par réaction, ou par l’effondrement du corps social, à son contraire, c’est-à-dire au rétablissement d’une société holiste, voire à l’établissement d’un Etat totalitaire. Notre pays subit une décadence que les prétendues élites qui le dirigent font passer pour du progrès. Les alarmes sont de plus en plus nombreuses à retentir. La dernière en date est bien sûr l’affaire Griveaux. Beaucoup de réactions, y compris celle de l’intéressé, ont consisté à stigmatiser la divulgation de la video commise par l’ex-candidat à la mairie de Paris. L’atteinte à la vie privée de ce dernier serait ignoble et blesserait sa famille. La victimisation est en effet la stratégie de défense devenue routinière dans notre société compassionnelle à outrance. On se souvient que Cohn-Bendit avait usé du même procédé lorsque François Bayrou avait, au cours d’un débat, rappelé les tendances pédophiles avouées, selon lui, par le gauchiste soixante-huitard dans son livre : « Le grand Bazar ». La sexualité est pour certains la quintessence de la vie privée, le sanctuaire absolu de la liberté individuelle. Chacun a droit à son « jardin secret » comme disait Jack Lang…. Personne ne doit pouvoir y pénétrer. On peut penser au contraire que la capacité qu’un individu possède de contrôler sa sexualité, c’est-à-dire l’une des deux pulsions, avec l’agressivité, qui, selon Freud, menacent le « vivre ensemble », est un indice indispensable de sa maîtrise de soi, un signe de sa volonté d’être un exemple, comme doit l’être celui qui prétend diriger les autres, et non accéder au pouvoir pour en jouir. Depuis l’affaire DSK, cette exigence s’est développée, et on peut s’en féliciter. Si, en plus, des comportements douteux révèlent l’hypocrisie d’un personnage et la contradiction entre l’image dont il veut se parer et sa vie réelle, la confiance sur laquelle repose toute démocratie libérale n’est plus qu’une farce. On peut marquer le règne de Mitterrand comme une étape décisive de la décadence française. L’homme, parvenu au pouvoir et réélu, a menti aux Français pendant 14 ans grâce à la connivence des médias. Et on a fait croire que ce cynique jouisseur fut un grand président ! Que M. Griveaux, qui a affiché sa famille dans Paris-Match, sans doute grâce aux soins attentifs de Michèle Marchand, grande amie des Macron et reine de la « peopelisation » des politiques, chute pour avoir tenté de paraître très différent de ce qu’il est, est donc logique et juste. La transparence est une exigence démocratique pour ceux à qui le peuple fait confiance. Le double langage et la double-vie font partie au contraire de l’entre-soi de la caste au pouvoir et de son mépris pour le peuple. Ce sont les pratiques d’une Cour, non celles d’une vie démocratique saine.