Qu’il est compliqué d’être ministre en République du Bisounoursland ! Et si c’était déjà vrai en Hollandie mollichonne, cela l’est encore plus en pleine Macronie pétillante où certaines ligues de vertu se sont développées et ont déjà remporté de nombreuses et tonitruantes victoires sur le patriarcat, le capitalisme destructeur et le bon sens raisonnable. J’en veux pour preuve les mésaventure de la pauvre Marlène Schiappa.
Marlène, au début, c’était le faire-valoir macronien et le prétexte frétillant à l’égalité homme-femme. Au début seulement… Alors qu’on demandait surtout à l’alibi féministe du président Macron d’occuper un peu le terrain certains jours de commémorations, voilà la secrétaire d’État qui décide de prendre la parole aussi souvent que possible : tant mieux s’écrieront certains, qui trouveront là une bonne occasion de montrer qu’on n’a pas nommé une potiche à cette place. Manque de chance ou poticherie avérée, les déclarations se multiplient et le constat se fait tous les jours plus accablant : c’est un véritable flot d’ânerie qu’elle nous offre régulièrement.
On se souvient ainsi de la façon dont elle est partie en guerre, à la suite des révélations Weinstein, contre le harcèlement de rue avec une cohérence douteuse et des propositions d’une applicabilité assez peu apte à friser l’opérationnel même de loin, d’autant qu’elle avait réussi, à force de surenchère, à transformer une demande somme toute légitime que certains harceleurs arrêtent leurs exactions en une espèce de soupe étrange destinée à ne stigmatiser personne, surtout pas ceux qui, pourtant, sont responsables des problèmes, parce que, comprenez-vous, « Le risque, c’est que ce soient toujours des hommes non blancs qui soient stigmatisés… »
Plus récemment, on se souvient aussi de ses déclarations consternantes sur une affaire criminelle en cours d’enquête, où elle s’était permise de commenter les éléments de défense de l’avocat du mari de la joggeuse Alexia Daval, retrouvée morte dans un bois.
Alors que l’avocat expliquait que le mari était aussi victime des violences de sa femme (violences qui l’auraient d’ailleurs poussé à la tuer), Schiappa était immédiatement montée au créneau avec la finesse d’un Hummer en plein burnout débridé pour fustiger ce discours de « victim blaming » que, malgré tout, l’avocat était parfaitement en droit de tenir pour la défense de son client. S’en était suivi, outre la consternation marquée de beaucoup de ténors du barreau et de ministres régaliens, des remarques plus ou moins fermes du reste du gouvernement comprenant que certaines limites venaient d’être franchies et pas dans le bon sens.
Depuis, la situation s’est encore embrouillée : Marlène, déjà largement au taquet pour analyser la situation et tenter de ne pas se faire déborder (malheureusement sans succès), se retrouve emberlificotée au milieu des affaires Darmanin et Hulot comme une mamie dans son tricot que le chat facétieux est venu déranger.
D’un côté, Gérald Darmanin est en effet accusé depuis quelques jours de viol et, plus récemment, d’abus de faiblesse ce qui laisse planer comme un petit malaise bien compréhensible au sein de la majorité et du gouvernement qui se voulaient, comme d’habitude, aussi irréprochables que possible (c’est raté).
De l’autre, Nicolas Hulot vient lui aussi de voir une plainte pour viol, confirmée par le procureur de Saint-Malo et classée sans suite, divulguée par l’hebdomadaire Ebdo qui a développé son enquête sur plusieurs pages, s’attirant un buzz médiatique des plus virulents.
Que voilà deux belles affaires emblématiques de ces agressions et autres harcèlements sexuels que notre Marlène de combat s’employait, en septembre et octobre dernier, à pourfendre à coups de lois et de déclarations à l’emporte-pièce ! Pensez-donc ! Deux mâles blancs hétérosexuels, tout ce qu’il y a de plus typiques dans leur exercice de domination patriarcale, qui se sont fait serrer pour d’abjectes pratiques, voilà qui doit amplement mériter de belles salves acides de la part de notre vitupérant secrétaire d’État, non ?
Eh bien nope.
Pour le coup, Marlène est nettement descendue de ses grandes licornes.
Soudainement, la secrétaire d’État à l’égalité hommes-femmes se dit affligée qu’on retrouve ainsi dans la presse un déballage de la vie intime, « réelle ou supposée » de Gérald Darmanin et de la femme qui l’accuse de viol. Selon elle, ces accusations, pourtant détaillées par le magazine, le rendent malgré tout « irresponsable ». Ben voyons.
Tout aussi soudainement, Marlène n’est plus du tout virulente lorsqu’il s’agit de dénoncer les petits écarts de conduite, réels ou supposés, de Nicolas Hulot : le brave hélicomane a droit, lui aussi, à sa présomption d’innocence. Il a le droit à une vie privée et à la discrétion sur son cas, n’est-ce pas. Et mieux encore, il a le droit à voir affiché devant tous le soutien indéfectible de notre « féministre » parce que bon, il ne faudrait pas que ce qui fut d’application pour les uns soit subitement d’application pour les autres, surtout si les uns sont des quidams lambdas et les autres des ministres en vue…
L’évidence de la différence de traitement saute tellement aux yeux que mêmes les éditorialistes du Camp du Bien ont dû se ranger à l’évidence : il est difficile de ruer dans les brancards un mois et de se la jouer sur du velours le mois suivant, sur le même sujet, sans passer pour, au mieux, une cynique, au pire une marionnette.
Ce qui en revanche semble moins clair pour la plupart des commentateurs est que les petits soucis de Marlène sont d’autant plus apparents qu’elle les a fabriqués toute seule, à la seule force de ses petits tweets idiots et de ses déclarations navrantes à l’emporte-pièce. Elle ne se trouverait pas dans cette situation ridicule si elle avait suivi le vœu initial du Chef de l’État lors de son accession au Palais, à savoir de se faire aussi discret et à la parole aussi parcimonieuse que possible.
Mais voilà : la Macronie et, plus généralement, la République du Bisounoursland ne peuvent absolument pas se satisfaire du silence, celui qui entoure l’analyse studieuse et précède les actes pondérés qui marquent le pays et les générations à venir. Tout comme Macron qui ne fut absolument pas capable de résister à l’envie d’ouvrir le bec sur un peu tout et n’importe quoi, Schiappa a pratiqué la même prodigalité du discours sans disposer du même talent et là, bardaf, c’est l’embardée.
Oui, il est navrant qu’un ministre, qu’un secrétaire d’État, fut-il à l’égalité machin-truc, émette son avis sur tout et n’importe quoi. Certes, on sait qu’il leur est difficile de résister à l’attrait d’un gros micro propulsé sous leur nez, mais voilà : c’est exactement ce qu’il faudrait pourtant pour que la France et son gouvernement retrouvent un peu de sérénité.
Non, réagir sans arrêt à chaud à l’actualité n’est pas ce qu’on demande d’un gouvernement. Non, pondre des déclarations et autant de lois à chaque prurit médiatique n’est absolument pas ce dont la France a besoin et ce que les Français réclament, au contraire !
Les pénibleries de Marlène ne sont que la partie émergée d’un iceberg gigantesque de déclarations idiotes, impromptues et parfaitement dispensables de ministres, secrétaires, fifres et autres sous-fifres gouvernementaux dont l’avis ne vaut généralement rien et dont l’opinion alimente la chronique comme certaines canalisations alimentent nos égouts.
Oui, il est grand temps que nos ministres ferment leur clapet et émettent moins de bruit. Du reste, on n’écoute pas lorsqu’on parle tout le temps.
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