Nouvelles de France suit en direct, pour vous, le colloque organisé ce jeudi à Paris par l’Institut de géopolitique des populations (site) sur le thème : « Peut-on raisonnablement calculer les coûts de l’immigration ? ».
C – Les demandes d’asile
Elles ont évolué entre 2005 et 2010 comme il apparait ci-après :
2005 2006 2007 2008 2009 2010
52 066 34 853 29 937 34 258 38 803 41 619
Plus mineurs … … 5 583 8 341 8 883 11 143
Total demandes reçues … … 35 520 42 599 47 686 52 762
Décisions favorables … … 8 815 11 484 10 411 10 377
Après avoir régressé jusqu’en 2007, les demandes d’asile sont repartie de plus belle, vers un niveau supérieur à 50 000. C’est qu’il s’agit effectivement d’un des moyens les plus sûrs pour pénétrer sur le territoire français puis s’y installer définitivement.
Ces statistiques appellent trois réflexions.
En premier lieu, on notera que 40 % des demandes émanent de l’Afrique (Congo, Guinée, Mauritanie, Algérie), 50 % avec Haïti et la Turquie. Mais l’Europe (avec le Kosovo et l’Arménie) tient une place non négligeable.
La seconde concerne le taux de féminisation des demandeurs d’asile, en progression constante. Il passe de 30 % en 2001 à 37,6 % en 2008 puis à 35,4 % en 2009. Cela tient à l’attention croissante portée par l’OPRA aux atteintes à la condition féminine (excision, violences conjugales, prostitution). Le malheur veut que cette problématique concerne plusieurs centaines de millions de femmes dans le tiers monde ! Cette rubrique risque donc de se gonfler à l’excès au cours des prochaines années si ces préoccupations humanitaires persistent à l’emporter sur toute autre considération.
Les demandes d’asile enfin alimentent de la façon la plus directe l’immigration clandestine dans la mesure où les candidats refusés ont souvent tendance à rester illégalement sur le territoire français.
Il serait logique d’ajouter à la liste des flux migratoires porteurs de droits et de coûts les deux rubriques « divers » et « humanitaire » dont le total est loin d’être négligeable avec la délivrance de titres de séjour au nombre de 28 554 (y compris les demandes d’asile agréées).
D – L’immigration clandestine
Il est possible (a) de la saisir, partiellement, par l’AME (l’aide médicale de l’Etat) ; (b) de la limiter quelque peu par les reconduites à la frontière ; (c) mais, en revanche, de l’alimenter par les régularisations périodiques.
a) L’aide médicale gratuite de l’Etat. Elle concerne, comme on sait, les étrangers en situation irrégulière ayant obtenu de se faire rembourser des soins sans avoir droit, ni à la Sécurité sociale, ni même à la Couverture médicale universelle (CMU). L’inscription à l’Aide médicale d’Etat est renouvelée chaque année. A la fin de l’année 2010, on comptabilisait ainsi 228 036 bénéficiaires de l’AME pour un coût largement supérieur à 540 millions d’euros, chiffre en hausse de 13,3 % par rapport à celui de 2009.
L’évolution du nombre de bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME) depuis 5 ans se présente comme ci-dessous :
Années 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Bénéficiaires 178 689 191 067 194 615 202 503 215 763 228 036
La hausse du nombre de bénéficiaires atteint donc, en moyenne, 5 % par an depuis 5 ans.
Rappelons qu’en 2000, le nombre des bénéficiaires s’élevait à 74 919 personnes seulement. Il a donc été multiplié par trois en l’espace de dix ans. Cela donne une bonne idée du développement de l’immigration illégale, et donc des séjours clandestins pendant cette période.
Ce phénomène, comme le rapport le reconnait lui-même benoitement, s’explique en partie par la hausse du nombre des déboutés du droit d’asile : plus de 23 % entre 2008 et 2010. En effet, les demandeurs d’asile déboutés restent éligibles à l’AME lorsque, ne changeant pas de statut et ne quittant pas le territoire français, ils s’y maintiennent en séjour irrégulier.
Ainsi, chaque année, plus de 228 000 étrangers en situation irrégulière font valoir une ou plusieurs demandes de remboursement de soins. Or, comme on peut supposer – et souhaiter – que tous les clandestins ne sont pas, fort heureusement, malades, mettons un sur 5 seulement, et qu’ils font au moins deux demandes de soins par an, on peut estimer, de façon naturellement approximative, que le nombre des clandestins atteint, au minimum, un demi million de personnes. Or l’immigration clandestine a un coût non négligeable.
b) Les reconduites à la frontière. Il s’agit surtout des étrangers déboutés du droit d’asile qui, faute de mesure efficace de reconduite à la frontière, s’installent la plupart du temps dans la clandestinité. Il est possible d’en estimer l’importance à partir de certains indices, comme, par exemple, le nombre de mesures d’éloignement non exécutées.
Arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière et obligations de quitter le territoire non exécutés
Années prononcés exécutés non exécutés taux de non exécution
2007 97 034 13 707 83 327 85,9%
2008 85 869 12 894 72 975 85,0%
2009 80 307 15 336 64 971 80,9.%
2010 71 602 14 753 56 849 79,4 %
On constate que le taux de non exécution s’inscrit dans une fourchette de 80 à 85 %, un pourcentage particulièrement élevé.
Le nombre d’étrangers susceptibles de séjourner irrégulièrement sur le territoire pourrait donc être, en principe, aisément calculé par soustraction, par exemple 83 327 personnes pour la seule année 2007 et encore 56 849 pour 2010. Mais il faut tenir compte de ce qu’un certain nombre d’étrangers n’ayant pas obtenu le droit d’asile quittent volontairement le territoire français. Il n’en reste pas moins que le chiffre estimé de 50 à 60 000 entrées clandestines par an parait amplement justifié. Il s’agit certainement d’un chiffre minimum.
Par ailleurs, ces immigrés clandestins ne viennent probablement pas des Etats-Unis ni de Russie ni de Chine, mais, plus vraisemblablement, en très grande majorité, du groupe Maghreb/Afrique. On devrait pouvoir le savoir à partir des statistiques de régularisation des clandestins. Mais, par un hasard malencontreux sans doute, la ventilation de ces régularisations par pays d’origine n’est pas donnée.
c) La régularisation des clandestins. Ces mesures restent, à petites doses (et non plus, comme auparavant, par fournées de plusieurs centaines de milliers), une pratique régulière. En 2009, 31 755 étrangers entrés irrégulièrement en France ont obtenu un titre de séjour contre 30 300 en 2008. Pour 2010, encore par un hasard malencontreux, ce chiffre n’a pas été donné…
Titres délivrés après une entrée irrégulière :
2005 2006 2007 2008 2009
31 650 32 001 27 827 30 300 31 755
E – L’Outre-Mer
La situation générale : présence d’une population clandestine beaucoup plus forte qu’en métropole résultant de flux migratoires plus importants que les mesures d’éloignement sont loin de pouvoir compenser. Cette situation préoccupante concerne essentiellement Mayotte et la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique à un moindre degré.
L’immigration dans les Départements et les Territoires d’Outre Mer sert évidemment d’antichambre à l’immigration en métropole. C’est un simple problème de vases communicants. D’où les conséquences prévisibles de la départementalisation de Mayotte prise en 2009 dont il faut attendre, à terme, un renforcement des flux migratoires en métropole et des coûts en résultant.
Les chiffres de l’immigration légale en 2009 (nombre d’étrangers résidents) :
Guadeloupe : 18 798 étrangers (dont 10 000 Haïtiens)
Guyane : 30 000 (dont 10 000 Haïtiens)
Mayotte : 15 181 (dont 13 000 Comoriens)
Martinique : 6 184
Total : 105 588
Les chiffres de l’immigration clandestine (estimés) :
Guadeloupe : 15 000
Guyane : 40 000 (pour 30 000 étrangers en situation régulière)
Mayotte : 50 000 soit 41 % de la population totale
Martinique : 2 000
Total : 110 000 (avec la Martinique et la Réunion), soit plus du quart de la population clandestine estimée en métropole (environ 500 000 mais probablement bien davantage).
En regard de ces chiffres, les mesures d’éloignement ( 30 922 en 2010, dont 20 429 à Mayotte ) font pâle figure. C’est un véritable rocher de Sisyphe.
Partie III – Les flux migratoires porteurs de services
A – Titres de séjour pour les étudiants étrangers
Année 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Nombre 61 320 44 948 46 663 52 163 53 160 59 779
A noter, une forte augmentation (plus 12 %) entre 2007 et 2008 grâce à l’action de promotion de l’institution CampusFrance. Les Chinois, on n’en sera pas surpris, occupent la première place avec des flux migratoires formés, à hauteur de 72 %, d’étudiants ou de stagiaires.
Les Maghrébins et quelques Africains ne sont pas absents. Mais avec, bien souvent, la ferme intention de s’installer définitivement sur le territoire français, en cours ou en fin d’études, par le mariage ou tout autre méthode éprouvée. Or les visas pour les étudiants étrangers ne sont rien d’autre qu’une forme d’aide au développement du tiers monde ou des pays émergents, nullement des subventions à l’immigration.
B – L’immigration professionnelle
Titres délivrés pour l’établissement professionnel (y compris le travail saisonnier) :
Années 2006 2007 2008 2009 2010
Nombre 11 678 11 751 21 352 19 521 17 819
La crise a quelque peu ralenti ces flux en 2009 et 2010. Mais ils restent, en fin de compte, relativement faibles en volume, en dépit du slogan relatif à « l’immigration choisie ». Cela se comprend dans un pays où le taux de chômage structurel reste, depuis près de 30 ans, obstinément fixé autour de 9 à 10 % de la population active. Ces travailleurs, en principe qualifiés, proviennent majoritairement de pays situés hors Maghreb ou Afrique subsaharienne, à l’exception du Maroc pour les travailleurs saisonniers.
En réalité, l’immigration de travail suit des circuits informels, en dehors des procédures légales. Il s’agit d’immigrés clandestins qui parviennent à décrocher un emploi souvent au noir, quitte à se faire régulariser quelques années après à un rythme de croisière de 30 000 régularisations par an. Il s’agit là, cela va sans dire, de travailleurs non qualifiés.
On peut en déduire que le volume de l’immigration de travailleurs dotés d’une qualification technique se réduit à un mince ruisselet par rapport au fleuve de l’immigration totale.
Partie IV – Les flux migratoires porteurs de changements de société
A – Nombre d’accédants à la nationalité française par mariage
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
34 400 21 527 29 276 30 989 16 213 16 355 21 923
Les acquisitions de la nationalité française par mariage n’ont cessé d’augmenter de 19 483 en 1994 à 34 400 en 2004. Le recul observé en 2008 et 2009 ne doit pas faire illusion. Il s’agit d’un effet purement mécanique dû à l’allongement du délai administratif requis pour obtenir la nationalité. Ces acquisitions retrouveront les niveaux antérieurs dans les années à venir.
On soulignera que ces acquisitions de nationalité concernent très largement des ressortissants du Maghreb et d’Afrique noire.
B – Les acquisitions de la nationalité française
Elles se poursuivent à un rythme supérieur à 100 000 par an, comme en témoigne le tableau ci-dessous. A cette cadence, le nombre des nouveaux Français dépassera allègrement le million sur 10 ans.
Nombre de personnes ayant acquis la nationalité française :
Années Décrets Déclarations* Total
2003 77 102 30 922 108 024
2004 99 368 34 440 133 808
2005 101 785 21 527 123 312
2006 87 878 29 276 117 154
2007 69 831 30 989 100 820
2008 91 918 16 213 108 131
2009 91 948 16 355 108 300
2010 94 573 21 923 116 496
*gérées par le Ministère de la Justice
Ces naturalisations (avec une certaine prédominance féminine) accordées à vive cadence expliquent le fait que, pendant des années, les sorties par naturalisations compensant les entrées nouvelles, le nombre des étrangers résidant en France n’ait guère varié, comme un grand journal du soir s’en extasiait pour un temps, non sans quelque niaiserie. Il s’agissait tout bonnement d’un simple problème de robinets, avec un flux d’entrées compensé par un flux de sorties équivalent, comme on les résout en cours élémentaire.
On notera au passage que, sur les 108 000 personnes ayant acquis la nationalité française en 2009, 70 689, soit environ 70 %, sont originaire du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne (et de Turquie). Il n’est guère surprenant, dans ces conditions, que l’implantation de l’islam en France se renforce d’année en année.
Conclusions
En conclusion, la pression migratoire, si l’on en juge par les statistiques, n’a guère été contenue au cours des 5 dernières années. Peut-être même aurait-elle eu tendance à s’alourdir.
Au total, en 2010, l’addition des deux principales rubriques : « divers et humanitaire (dont l’asile) » (28 554) et « familiale » (82 762) s’élève à 111 316, soit près des deux tiers des titres de séjour délivrés en 2010 (188 387).
Si on y ajoute l’immigration clandestine en métrople (environ 50 000 personnes) (1), qui a un coût, il apparaît que les flux migratoires susceptibles de se traduire par des coûts pesant sur le budget, les comptes sociaux ou l’économie dans son ensemble, s’élève à 160 789 personnes par an.
Avec les visas pour étudiants étrangers (59 779), qui sont une des modalités de l’aide au tiers monde et aux pays émergents, le total s’élève à 221 095. Car l’université aussi a un coût.
Mais il faut également tenir compte de l’immigration dans les DOM-TOM, estimée à un minimum de 30 000 (sur la seule base fiable fournie par les mesures d’éloignement, soit 30 922 en 2010).
On obtient bien ainsi un chiffre global estimé qui tourne autour de 250 000 par an.
L’immigration en France est donc largement humanitaire, coûteuse et dictée par des considérations juridiques et idéologiques.
(1) L’immigration clandestine, est, comme on l’a vu, en grande partie alimentée par les déboutés du droit d’asile (42 385 en 2010). Mais il y a, bien entendu, bien d’autres sources non identifiées comme en témoignent le débarquement fréquent de clandestins sur les côtes italiennes ou espagnoles, sans compter les passages aux frontières grecques réputées pour être particulièrement « poreuses ».
La première partie de cet exposé est consultable ici.