Nouvelles de France suit en direct, pour vous, le colloque organisé ce jeudi à Paris par l’Institut de géopolitique des populations (site) sur le thème : « Peut-on raisonnablement calculer les coûts de l’immigration ? ».
L’immigration est comme la langue d’Esope. Cela peut être la meilleure ou la pire des choses. La meilleure quand elle participe à la construction ou au raffermissement d’une nation ou d’une société, la pire si elle concourt à leur destruction.
Une immigration devrait, en principe, répondre aux besoins d’une économie. C’est le cas dans la plupart des pays développés, notamment anglo-saxons. La France a conçue une spécialité bien particulière, une immigration qui répond surtout aux besoins des migrants, nullement à ceux de l’économie française, une sorte de Sécurité sociale à l’échelle et à l’usage du tiers monde.
Il en va de l’immigration comme de la consommation d’alcool ou de tabac. Elle est acceptable en quantités raisonnables mais l’abus en est dangereux. C’est là que les chiffres seront utiles pour la poursuite de nos débats portant sur l’épineux problème des coûts, coûts budgétaires certes, mais aussi coûts économiques, coûts publics mais aussi coûts privés, coûts micro économiques mais aussi coûts macro économiques.
A partir de quel niveau les flux migratoires deviennent-ils, de difficilement supportables, à difficilement tolérables ? Car comme le disait Paracelse, « c’est dans la dose qu’est le poison ».
Or, il apparait que, malgré les lois de 2003, 2006, et 2007, les frontières de la France restent des « passoires » à l’immigration.
En matière de chiffres, on a vu apparaître les estimations les plus fantaisistes. Aussi bien parait-il raisonnable de s’appuyer sur une source dont l’authenticité ne saurait être mise en cause. Il s’agit des remarquables rapports au Parlement du Secrétariat général du Comité interministériel de Contrôle de l’immigration, dont le huitième est paru en décembre 2011 (1).
Il y a deux façons d’appréhender les chiffres de l’immigration, la délivrance de visas et le nombre de permis de séjour délivrés. Mais, on s’en doute, les deux séries de chiffres sont fort proches l’une de l’autre. Il sera plus aisé de s’appuyer le plus souvent sur le nombre de titres de séjour délivrés chaque année en France selon la présentation figurant ci-après.
Partie I – Les flux migratoires de 2005 à 2010 : tableau général
Nombre de titres délivrés aux ressortissants de pays tiers hors U.E. :
Années 2005 2006 2007 2008 2009 2010 (2)
Titres 187 134 183 261 171 907 183 893 187 381 188 387
Ce total, pour 2010, se ventile en quatre grandes masses :
- travail : 17 819 ;
- immigration familiale : 82 235 ;
- étudiants : 59 779 ;
- humanitaire : 17 521 ;
- divers : 11 033
On remarquera au passage l’importance de la rubrique « humanitaire », soit 17 521 (dont réfugiés et apatrides : 9603 et étrangers malades : 6 185) ; et de la rubrique « divers » : 11 033 (visiteurs : 5 774 ; étrangers entrés mineurs : 3 655 ). Le total de « divers » et « humanitaire », soit 28 554, est presque le double de l’immigration professionnelle.
L’inflexion à la baisse observée jusqu’en 2007 a été de courte durée. Les flux migratoires sont repartis à la hausse avec un maximum de 188 387 en 2010. Ils ont augmenté de 7 % entre 2007 et 2008 et, à nouveau, de 5 % entre 2008 et 2010, en raison de la création de la carte de travailleurs saisonniers (notamment en faveur du Maroc) autorisée par la loi de 2006.
Plus du tiers des titres de séjour bénéficient aux trois pays du Maghreb : 62 573 en 2009, soit, (avec la Turquie : 7 089) pour 35 % du total des titres (immigration familiale surtout). Les Chinois sont de plus en plus nombreux à venir étudier en France (14 618, soit 7 % environ). Les pays africains (Mali, Cameroun, Côte d’Ivoire et Sénégal) sont en plein essor (16 000 environ soit 7 à 8 %, (à titre humanitaire et familial). La Roumanie (4 à 5 000) fait une timide apparition ainsi que les Etats-Unis : 6 à 7 000 ( pour des motifs professionnels).
En gros, pour simplifier, les Chinois viennent en France pour étudier, les Américains et les Roumains pour travailler, cependant que les Africains et Maghrébins sont davantage séduits par les avantages procurés par les lois sociales et familiales.
Mais ce tableau ne rend compte que très partiellement de la réalité des flux migratoires en France. Car il lui échappe l’immigration clandestine, à majorité d’origine africaine et maghrébine, qui, avec les entrées estimées autour de 50 000 par an, pourrait représenter le quart des flux migratoires légaux. Si bien que le chiffre parfois avancé de flux migratoires de 250 000 personnes par an, immigration légale augmentée de l’immigration clandestine, n’a rien de déraisonnable.
Mais il importe maintenant de pousser l’analyse plus loin en distinguant les flux migratoires porteurs de droits, et donc de coûts, des flux porteurs de services, pour terminer sur les flux porteurs de coûts sociétaux, à savoir les changements de société.
Partie II – Les flux migratoires porteurs de droits sociaux et générateurs de coûts
A – L’immigration familiale
Années 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Familles de Français (3) 55 379 54 490 49 767 48 833 52 960 49 132
Regroup. familial 22 994 19 419 18 950 17 305 15 166 15 589
Liens person. et fam. 14 195 24 737 18 820 17 323 17 360 17 514
Total 92 568 98 646 87 537 83 465 85 486 82 235
C’est, et de loin, le poste le plus important avec, en 2010, 82 235 titres (98 646 en 2006) délivrés pour un motif familial, soit près de la moitié (43 %) du total des titres de séjour délivrés. Près des deux tiers concernent les familles de Français (dont les trois quarts de conjoints, à 80 % de sexe féminin).
En 2010 l’immigration familiale se décompose, pour des motifs juridiques, en trois catégories, les familles proprement dites de Français (49 132), le regroupement familial faisant appel à ascendants ou descendants étrangers (15 589, et une catégorie résiduelle, comportant de personnes pour lesquelles le refus de visa constituerait une « atteinte au respect de la vie privée et familiale » (17 514), catégorie plutôt élastique (qui pourrait englober une bonne partie de la population de la planète).
C’est, de toute évidence, l’immigration familiale qui provoque le plus de problèmes d’ordre démographique, économique et sociétaux. C’est également celle pour laquelle l’arsenal des lois s’est montré totalement incapable d’endiguer significativement le flot croissant des flux migratoires à ce titre dont l’immigration nuptiale est un des éléments majeurs.
B – L’immigration nuptiale
« Le mariage avec un Français est devenu la première source d’immigration légale en France » avec près de 47 000 entrées en 2010, près du quart du total des flux migratoires. C’est le rapport du CICI qui l’écrit en toutes lettres. En effet, le nombre de mariages de ressortissants français à l’étranger, la plupart du temps dans le pays d’origine, Maghreb ou Afrique noire, a pratiquement doublé au cours des douze dernières années.
Mariages de ressortissants français à l’étranger chaque année :
1995 23 546
1998 30 610
2000 34 911
2001 39 409
2002 39 235
2003 42 503
2004 44 700
2005 48 200
2006 50 350
2007 47 869
2008 48 206
2009 48 301
2010 46 661
Il s’agit, dans la plupart des cas, de Français, plus ou moins de fraîche date, qui s’en vont « chercher une épouse au bled » (choisie par leurs parents) comme l’écrivait joliment le journal La Croix naguère.
Mais il n’est pas assuré que l’intégration de ces jeunes femmes, souvent tenues à la maison et ignorant tout de la langue et de la façon de vivre des Français, se passe dans les meilleures conditions.
Par ailleurs, ces jeunes femmes en âge d’être mères, bénéficiant d’une forte amélioration de leur niveau de vie, ont un taux de fécondité largement supérieur (environ 2 à 3 fois), non seulement à la moyenne française, mais aussi à celle leur pays d’origine.
Ces arrivées, constantes et soutenues, contribuent donc à renforcer la présence en France de l’islam et des communautés originaires du Maghreb et d’Afrique noire. Il s’agit donc clairement d’une immigration de peuplement.
Il en ressort, par ailleurs, que le mariage reste un des moyens les plus commodes pour accéder à la nationalité française comme il apparaît plus loin.
A suivre…
(1) Cette parution précoce donnerait peut-être à penser que les chiffres de 2010 seront sujets à révision.
(2) Source : Comité Interministériel de Contrôle de l’Immigration.
(3) dont conjoints.
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