Pendant une journée, les médias ont déversé la « nouvelle ». On avait enfin trouvé l’explication du tropisme poutinien de Donald Trump. Le FSB, en bon héritier du KGB, tenait Trump par les c……., en détenant une vidéo à caractère sexuel sur les ébats du futur Président dans un grand hôtel de Moscou. Son allégeance moscovite sentait le sexe et le fric. « Pas étonnant chez ce personnage », ont exulté toutes les têtes bien-pensantes qui nous désinforment au quotidien. Le 11 Janvier, toutes les chaînes d’information bruissaient de la rumeur fondée sur un article de « Buzzfeed », lui-même alimenté par la divulgation d’un mince dossier de 35 pages, dont l’auteur, Christopher Steele, est un ancien des services secrets britanniques, le MI6, qu’il a quitté il y a 10 ans. Commandé par Jeb Bush, à l’aube d’une campagne où il était l’un des favoris pour l’investiture, ce « rapport » n’a pas été utilisé, puisqu’il ne présentait plus d’intérêt pour le candidat rapidement éjecté. C’est donc le camp démocrate qui en a hérité. Un média de gauche, « Mother Jones », le mettait sous le coude le 31 Octobre, sans doute en raison d’une fiabilité tellement douteuse qu’elle risquait de nuire davantage à ses utilisateurs qu’à sa cible. Maintenant que l’élection a désigné Donald Trump, la sortie tardive de cette « bombe » est étrange. La lancer sans certitude contre le Président élu ne peut avoir que des conséquences néfastes pour le pays lui-même. L’image du Chef de l’Etat se confond avec celle du pays. La capacité d’agir de la Maison Blanche ne peut qu’être handicapée par une perte de légitimité, et davantage encore en cas de procédure d’ »empeachment ». Un homme incapable de contrôler une sexualité salace ou perverse n’est guère fréquentable, et ne peut représenter dignement un pays. Ce qui a été vrai dans la France peu pudibonde avec DSK le serait bien davantage dans l’Amérique assez hypocritement puritaine. Mais si ce comportement fait de cet homme un agent d’une puissance rivale, la cause est entendue : il ne peut pas être Président.
Alors, pourquoi maintenant ? De la calomnie, il reste toujours quelque chose. Dans ce cas, il s’agit d’affaiblir le Président qui prêtera serment le 20 Janvier. C’est le but d’un groupe de pression et d’un parti. Le premier comprend d’éminents élus républicains comme John McCain qui a bondi sur le sujet. Il appartient à ce clan qui continue à percevoir la Russie comme l’ennemi principal, veut l’accabler de sanctions, et considère l’utilisation des islamistes contre elle et ses alliés comme bénéfique. L’aveuglement et la paralysie intellectuels le conduisent à penser, malgré le désastre irakien, que la croisade morale pour la démocratie doit s’opposer radicalement au réalisme politique de Vladimir Poutine, et qu’il est logique de poursuivre des alliances avec des régimes ou des groupes salafistes qui ont été si utiles contre les soviétiques en Afghanistan. La contradiction entre les deux postures et la possibilité d’une ouverture vers la paix par une entente avec Moscou semblent échapper totalement au Sénateur de l’Arizona. Il s’agit d’empêcher Donald Trump d’emprunter cette voie. On peut s’interroger sur les raisons de ce déni du réel chez des élus républicains. Pour les démocrates, les intentions sont plus claires. Il faut que constamment les Américains regrettent l’icône Obama et rejettent leur Président illégitime. Dans deux ans, ils reprennent la majorité au Congrès et dans quatre la Maison Blanche. La publication du « rapport » entre soirée d’adieux d’Obama et conférence de presse de Trump était idéale. Le premier qui aura pendant huit ans illusionné une bonne partie de l’Amérique et du monde, en faisant passer ses talents d’homme de spectacle pour ceux d’un homme politique fait sa tournée d’adieux comme les stars du show-bizz qui n’hésitent jamais à les prolonger. Tout y est : en premier, l’émotion, la reine de la communication, aujourd’hui. Il y a eu la petite larme. Il y en aura une autre au coin de l’oeil du Vice-Président, peu de temps après, lors d’une remise de décoration. Les hommes d’Etat sont des femmes comme les autres : qu’on se le dise ! C’est d’ailleurs le second point, essentiel pour la « peopolisation » des vedettes. Leur vie intime doit être visitée, leur famille exhibée, leur couple moderne exalté. Michelle et ses filles ont joué pleinement leur rôle. Enfin, la profession du spectacle est venue dire tout le bien qu’elle pensait du confrère. Quant au Président élu, qui intervenait le lendemain, il dut remplacer ses annonces par des dénégations à propos du sujet scabreux et embarrassant. Entre les deux images, le contraste était saisissant. Obama fera encore une conférence de presse. Jusqu’au dernier moment, il aura savonné les planches de son successeur, sans le moindre souci pour l’intérêt national.
En politique internationale, le maintien des sanctions injustifiées contre la Russie, l’expulsion de diplomates russes sur fond d’intrusion de Moscou dans l’élection de Trump, l’abandon du soutien à Israël au Conseil de Sécurité, ont pour but de gêner les premiers pas de l’administration républicaine sur la scène mondiale. Les mesures décidées in extremis pour « défendre l’environnement », comme la sanctuarisation de certaines zones et l’interdiction de forages auront surtout pour effet de perturber la nouvelle politique économique très favorable à l’industrie. Enfin, les pardons présidentiels ont favorisé les réductions de peines et relâché 1176 délinquants dans la nature. Voilà qui va compliquer la politique sécuritaire annoncée. Ce combat d’arrière-garde et sans merci est une nouveauté. C’est certes le coup de pied de l’âne démocrate, dépité d’avoir perdu une élection qu’il était sûr de gagner, mais c’est aussi aux Etats-Unis comme en France, la tendance du microcosme anti-populiste, à révéler sa profonde hostilité à la démocratie. Il croit posséder la vérité, ne supporte pas l’opinion contraire et considère une défaite électorale comme une anomalie dénuée de légitimité.
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