Par Thibault Doidy de Kerguelen*
Magie de la communication et des communicants ! Le 24 novembre dernier, dans une conférence de presse, Valérie Pécresse, tel le chevalier blanc, réaffirma les principes intangibles de la France en matière de lutte contre la fraude fiscale. Et tous nos journaux de la grande presse – tenue par MM. Dassault (combien de comptes offshore pour pouvoir négocier les contrats internationaux ?), Bouygues (idem), Rothschild(idem), Lagardère (idem), Arnault (idem)… – embrayèrent et nous servirent un chorus plus beau et plus parfait qu’un monologue de Tartuffe.
La Posture :
Non, la France ne signera pas les accords Rubik, comme l’ont déjà fait l’Allemagne et la Grande Bretagne et comme le négocient actuellement la Grèce et l’Italie. Pourtant, ces accords prévoient que les banques suisses s’engagent à verser aux Etats signataires un impôt de régularisation (entre 19 et 34%) et un impôt libératoire de 23% sur les revenus générés par les comptes détenus en leurs établissements par des ressortissants des pays signataires. Une disposition qui permettrait à l’Etat français d’engranger entre 800 millions et un milliard d’euros quasi-instantanément. En contrepartie de cette manne, les Etats signataires s’engagent à respecter l’anonymat des détenteurs de compte. La régularisation fiscale contre la liberté. Mais le gouvernement français ne transige pas avec la liberté. Le totalitarisme étatique qui règne en France n’a que faire des principes de liberté ni du pragmatisme fiscal qui ferait entrer des millions d’euros dans les caisses, pourtant bien vides, de la Nation. Non, ce qu’il faut à nos pourfendeurs de la justice fiscale, plus bouffons que Saint-Just, ce sont des noms ! Des noms ! Au bûcher, à la guillotine, au pilori, les “mauvais Français” qui ouvrent des comptes à l’étranger ! Il faut les écraser, les spolier, les dépouiller, les désigner à la vindicte populaire. Tous ? Non, bien sûr. Car si, avec Rubik, tous les comptes détenus seraient prélevés, la posture “de principe” de l’Etat français permet à l’administration…. de choisir ses cibles ! (Au fait, la concubine de notre ministre des Finances, qui ne s’était rendue compte de sa domiciliation fiscale à Las Vegas qu’après la nomination de son “ami”, a-t-elle fait l’objet d’un contrôle et d’un redressement ?)
Puisque la France choisit l’idéologie au pragmatisme, il est normal que l’Etat totalitaire renforce l’arsenal répressif. Que nous annonce “Super Valie » ?
Désormais, le simple soupçon de fraude fiscale portant sur vous autorisera la mise en place d’écoutes téléphoniques policières. Après le terrorisme, le “grand banditisme”, le téléchargement illégal… la fraude fiscale. Petit à petit, le pouvoir dictatorial met en place une législation autorisant les pratiques d’écoute, de surveillance et d’intrusion dans la vie privée de l’ensemble de la population dans la plus belle tradition de la Stasi.
Vous, dont la sécurité quotidienne est de moins en moins bien assurée, qui ne pouvez même plus porter plainte suite à la commission de délits administrativement qualifiés de “mineurs” qui pourrissent votre vie, vous qui vivez chaque jour un petit peu plus dans la double crainte de l’agression et de la condamnation si vous avez le malheur de vous défendre ou de défendre vos proches, soyez rassurés: de nouveaux postes de policiers seront très prochainement créés… dans la DGFiP, la brigade chargée de chasser les rebelles au fisc.
Les beaux esprits de notre gauche caviar s’emballent à la simple idée de la mise en place de comités de surveillance qui signaleraient aux forces de police toute activité suspecte dans un quartier ? Nos députés PS ont, de concert avec leurs frères de l’UMP, voté à l’unanimité quelques 23 dispositions toutes plus liberticides les unes que les autres. Citons par exemple celle qui (la novlangue n’est-elle pas merveilleuse ?) s’appelle “droit de communication” et qui, en fait, oblige les banques à signaler… tout virement sur un compte étranger. Et oui, depuis quelques temps déjà, les banques sont tenues de signaler tous les mouvements d’espèces sur vos comptes. Désormais, sachez que lorsque vous opérerez un virement ou recevrez un virement d’un compte étranger, cela sera aussi signalé. A quoi vont servir ces informations ? A alimenter un nouveau fichier policier (totalement incontrôlé par quelque autorité que ce soit), EVAFISC, acronyme pour fichier des évadés fiscaux. C’est à la fois pitoyable et hilarant. Oui, il est bien possible de parler d’“évadés” pour ceux qui décident de quitter cette prison fiscale qu’est aujourd’hui la France. Non, il n’est pas admissible que des policiers, sous le prétexte que vous avez opéré un ou plusieurs virements avec des comptes étrangers, aient le droit de vous inscrire sur un fichier de délinquants sans qu’aucune information, aucun accès ou recours n’existe. C’est la quintessence de la dictature policière, le retour du fichage de la population, chère à nos amis communistes.
Un autre exemple de la surveillance policière et discriminatoire que viennent de mettre en place nos “chers” députés ? Les achats opérés en France avec des cartes de crédits étrangères en 2007 et 2008 ont été “épluchés”. L’objectif officiel et prétexte à ce fichage et flicage géant est, comme il se doit, la recherche de comptes situés hors de nos frontières et sur lesquels des Français tirerait par l’intermédiaire de leur carte. Tous les déplacements, achats, consommations sont “épluchés” par les services de police ! Dzerjinski l’a rêvé, Sarkozy l’a fait ! Tous les moyens sont bons pour combattre l’asocial, le hooligan ennemi du peuple !
Il y a deux façons de combattre “l’évasion fiscale”. La première consiste à créer un contexte qui rende cette délocalisation sans objet ou quasiment sans objet. J’entends déjà les cris d’orfraie ! Non, il ne s’agit pas de transformer la France en paradis fiscal, mais simplement de revenir à des normes acceptables d’imposition. La France est le pays le plus fiscalisé du monde. Bien sûr, cela s’applique à tous les Français et la majorité d’entre eux plie sous le joug en silence et se transforment en cochons payants. Mais combien d’entre ceux qui aujourd’hui paient sans rien dire seraient prêts, si l’occasion se présentait, à, eux aussi, ouvrir un compte à l’étranger pour échapper au fisc ? Allez, petite confidence, un “conseiller” de ma connaissance, spécialisé depuis des décennies dans ce genre de montages me disait, pas plus tard qu’avant hier, qu’il n’avait jamais ouvert autant de comptes qu’en ce moment et à des gens dont les revenus ne sont pas “exceptionnels”. Les catégories de Français qui s’adonnent à l’évasion fiscale sont de plus en plus larges. Certains peuvent même avoir tout juste intérêt à le faire. En effet, créer un société aux Caraïbes, payer un trustee qui assure officiellement le portage de la société, ouvrir un compte dans un pays de l’Est européen, recevoir son courrier et sa carte de crédit chez le trustee et aller les récupérer, tout cela a un coût ! C’est souvent, pour les nouvelles catégories d’évadés, “limite rentable”. En tous les cas, au regard des risques pris, cela semble motivé par autre chose que le simple intérêt pécuniaire. C’est une manière, non de voter avec ses pieds comme ont pu le faire certains réfugiés du communisme à une certaine époque, non de se réfugier économiquement comme le font un certain nombre d’Africains actuellement, mais de se réfugier fiscalement. Exigeons du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés qu’il crée enfin le statut de “réfugié fiscal” !
Quand à ceux, parmi vous, qui, malgré tout, auraient ce penchant totalitaire qui les amèneraient à considérer qu’il est “normal” que l’Etat connaisse tout ce que vous possédez, partout, vous les militants de l’asservissement (au sens de “serf”) de l’individu au Grand Moloch, les réfractaires au secret bancaire, je propose une réflexion historique : qu’en eût-il été des avoirs des juifs allemands déposés dans les banques suisses entre 1933 et 1945 si l’anonymat des comptes n’avaient pas existé ?
Refuser de signer les accords Rubik relève de la posture idéologique, pas du pragmatisme de gestion.
Bon, en attendant, je sauvegarde mon article sur une clef USB (taxe sur les supports mobiles + TVA), je bois un soda (taxe…+ TVA) et m’en grille une (méga taxes + TVA) avant de rejoindre (mega taxes sur les carburants) mon domicile (taxe d’habitation + taxe foncière). Qui osera dire après ça que je suis un mauvais citoyen ?
*Cet article est produit par maviemonargent pour Nouvelles de France.