Tribune libre de Jacques Garello*
Après le Salon de l’Auto, qui fermait ses portes dimanche, quel sera l’évènement le plus important de l’actualité française ?
Le vote de la règle d’or ? Mais je ne crois pas à la règle d’or, puisqu’elle suppose une discipline qu’aucun État membre de l’Union européenne n’a respectée à ce jour. Quant au vote du Parlement français il aura été ubuesque, les opposants d’hier devenant les partisans d’aujourd’hui, et les partisans d’hier apportant leurs suffrages aux opposants de naguère. Les uns crient à l’abandon de souveraineté, les autres proclament que l’indépendance de la France n’est pas menacée.
Le budget 2013 et la loi de financement de la Sécurité Sociale pour l’année à venir ? On en connaît déjà toutes les subtilités. Jean-Yves Naudet rappelle que le gouvernement a fait le choix de la hausse des impôts parce qu’elle serait moins « récessive » (loi de Moscovici) que la baisse des dépenses. Assez stupidement je demeure persuadé que trop d’impôts tue l’impôt, et que la seule politique à pratiquer pour réduire déficits et dettes est de diminuer la sphère publique et de libérer l’initiative privée.
La lutte contre le terrorisme islamique ? Voici que certains de nos socialistes deviennent « sécuritaires » (ce qu’ils ont toujours reproché à leurs prédécesseurs, pourtant inconscients et inefficaces), tandis que d’autres prennent la défense des « communautés » au nom des droits de l’homme et de l’anti-racisme. Débat génial, relayé par les médias : y a-t-il assez d’imams dans les prisons ?
Le mariage homosexuel ? C’est en effet une affaire qui dépasse de loin toutes les autres, parce qu’elle atteint la famille, l’enfant, et les bases mêmes de la société. Elle mérite bien qu’on se mobilise pour lutter contre une innovation contraire à la vie et à la dignité. Pour ma part je garde toujours en mémoire le slogan de Jean-Paul II : « liberté des actes, dignité des personnes ». Comme la plupart des libéraux je professe que la liberté n’est pas une valeur absolue en soi, parce qu’elle doit s’ordonner à la nature de l’être humain, pour lui donner le choix et l’occasion de son épanouissement, de son achèvement.
Je serais donc enclin à oublier tout le reste, car les facéties sur les finances publiques, sur le communautarisme, sur les prisons, n’auront qu’un temps, alors que les réformes « sociétales » peuvent laisser des traces dramatiques et durables.
Il y a cependant un évènement sur lequel je ne peux faire l’impasse : c’est la rentrée parisienne des libéraux.
Elle a été annoncée et préparée fin août par notre Université d’été à Aix-en-Provence. Le succès de notre trente troisième édition a été un encouragement pour tous ceux qui font profession de libéralisme en France. J’avais volontairement choisi une formule dépouillée et économique (rigueur oblige), qui a permis de dégager beaucoup de temps pour les échanges et pour les projets. Et nous en sommes tous partis la joie au cœur et la fleur au fusil.
Reste maintenant à répéter et amplifier ce premier mouvement. Reste à conquérir Paris, ville splendide sans doute, qui impressionne toujours le provincial que je suis, mais qui est et demeure le symbole et le siège du jacobinisme.
A nous deux, Paris ! Le 25 octobre au soir, les libéraux de toutes provinces et de tous quartiers afflueront à la Maison de la Chimie, au cœur d’un triangle significatif de stations de métro puisque la station Assemblée nationale se situe entre la station Solferino, siège du Parti socialiste, et les Invalides, station dévolue à une droite paralysée par les luttes intestines.
Cette réunion sera – je le souhaite – une démonstration, un test et un espoir.
Démonstration des solutions qu’une politique libérale peut immédiatement proposer pour vaincre les énormes difficultés que traverse notre pays. En organisant un colloque sur l’emploi en Europe, nous rappellerons que le chômage est un fléau qui n’a pour origine que le dirigisme économique, et qu’il peut disparaître en moins de deux ans. Cela s’explique très simplement : la création d’emploi est le fait d’entrepreneurs qui retrouvent confiance et intérêt à innover, à investir et à embaucher. Libérer l’entreprise des incertitudes et des pesanteurs : cela s’est fait en Europe, de sorte que de nombreux pays ont un taux de chômage inférieur à 5 % alors que nous allons vers les 11 %, dans une perspective de récession. « Le chômage ; un scandale public » a été le titre d’un colloque tenu jadis à Paris avec une double signification. D’une part, c’est l’hypertrophie et l’arbitraire du secteur public qui créent le chômage, d’autre part, il est scandaleux que l’on n’utilise pas contre le chômage des armes éprouvées alors que les dégâts économiques, sociaux et humains sont si élevés. Nous pouvons persuader les Français que la solution est libérale – il suffit d’avoir la volonté politique de l’appliquer.
Le test, c’est précisément celui qui concernera la crédibilité de l’opposition actuelle. Nous avons invité plusieurs élus à nous rejoindre, pour qu’avec eux nous puissions mesurer ce qu’ils peuvent faire, ou en tout cas ce qu’ils sont décidés à programmer. Ont-ils des projets, vont-ils trouver les moyens de rompre avec le « traitement social », avec les réformettes, alors qu’il faut faire preuve d’un réformisme radical ? Le politicien libéral a disparu de la scène politique depuis 2002. Une nouvelle génération peut-elle éclore ?
L’espoir sera de nous retrouver en famille, entre militants et prosélytes du libéralisme, bien décidés à stimuler la société civile. Il nous faudra d’abord mobiliser quelques bonnes volontés pour assurer la diffusion des idées libérales. Il nous faudra ensuite toucher l’immense foule des Français de toutes conditions, qui ont perdu toute confiance dans la classe politique mais ne se voient jamais proposer une véritable alternative. Face à l’effondrement économique et moral de notre pays, nous parviendrons sans doute à leur faire partager notre projet : instaurer le règne de la liberté. C’est notre espoir, à nous de le faire partager.
*Jacques Garello est un économiste libéral français, professeur émérite à l’Université Paul Cézanne Aix-Marseille III. Il est fondateur du groupe des Nouveaux Economistes en 1978 et président de l’Association pour la liberté économique et le progrès social (ALEPS) depuis 1982. Il est également membre du Conseil d’administration de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales (IREF).
> Cet article est publié en partenariat avec l’ALEPS.