Du très léger chaos que nous connaissons aujourd’hui naîtra-t-il un nouvel ordre, et si oui, lequel ? Une alternative au système financier actuel était prête. Les Etats-Unis l’ont bloquée. Seront-ils contraints de s’y soumettre ? Et si oui, celle qui semble être leur “femme de paille” à la tête du FMI deviendra-t-elle, par un hasard de l’Histoire, la fossoyeuse du dollar-roi ?
La note Aaa des Etats-Unis est tombée. La spirale commence. Techniquement, cela n’a rien de surprenant, c’est la victoire de Wall Street. Comme l’explique l’analyste polémique Max Keiser, la négociation de titres dégradés rapporte beaucoup plus d’argent aux opérateurs que celle de titre Aaa.
De ce crash programmé que j’évoquais dans un article précédent, et dont nous ne voyons que les prémices, un “nouvel ordre” mondial peut renaître. Ce n’est même pas “peut”, c’est “va”, car toujours “Ordo ab Chaos”. Laissons un instant aux tacticiens et aux ralliés de la dernière heure le plaisir des supputations ératiques, et essayons de voir comment se dessine la future organisation monétaire mondiale.
Tout d’abord, une monnaie dont le support principal n’est pas considéré comme parfaitement fiable peut elle servir d’unité de référence ? Autrement dit, est-il raisonnable d’envisager un statu quo ?
On voit de tout dans la domaine de l’économie et de la finance et, en théorie, cela est possible. Néanmoins, deux des plus grosses économies mondiales, comme par hasard les moins endettées, la Chine et la Russie accentuent leur pression pour que cela cesse. Il est fort probable que nous vivions les derniers instants du roi dollar. Qui ou quoi pour le remplacer ?
Nous étions un certain nombre, beaucoup moins nombreux ces temps-ci, à croire, penser, espérer que l’euro, assis sur ce qui apparaissait alors comme la première puissance économique mondiale (l’Europe) pouvait, au moment crucial, prendre le relai. Une hypothèse difficilement imaginable aujourd’hui, au vu de ce que les politiques irresponsables ont fait de cette monnaie à laquelle ils s’étaient pourtant engagés à de ne pas toucher.
Alors ? Pas d’alternative ?
Il faut que je vous conte quelques événements et faits qui, mis bout à bout, offrent un éclairage particulier de certains évènements récents. Sans reprendre un historique lourd qui remonte à l’immédiat après-guerre, revenons au mois de mars 2009. MaVieMonArgent vous annonçait alors (dépêche du 24/03/2009 que vous retrouverez sur l’ancien site) que “la banque centrale de Chine a appelé (…) à l’adoption d’une nouvelle monnaie de réserve internationale pour remplacer le dollar, dans un système placé sous les auspices du Fonds monétaire international”. Nous concluions en ces termes : “La réforme de l’architecture financière devrait être au menu des discussions du G20, qui réunit les dirigeants des pays industrialisés et des économies émergentes le 2 avril à Londres”. En fait, rien ne transpira lors des communiqués et des déclarations qui suivirent ce sommet. Pourtant, malgré les tentatives de sabotage et les manœuvres politiques et d’intimidation des Américains, les participants convinrent de missionner DSK et le FMI sur l’étude de faisabilité d’une monnaie d’échange, les Etats-Unis acceptant finalement un triplement des ressources du FMI et l’émission par le FMI de Droits de tirages spéciaux (DTS) d’une valeur de 250 milliards de dollars. Ils acceptèrent aussi le principe d’un Conseil de stabilité financière auxquels seraient associés les grands États émergents.
Au sommet du G8 à L’Aquila (Italie), le 8 juillet 2009, les Russes relancèrent le sujet. Selon la bonne vieille méthode russe de négociation (réclamer plus pour obtenir ce qu’on veut), ils proposèrent de ne pas se contenter d’une monnaie virtuelle, mais de l’éditer. Le président Medvedev avait fait frapper des prototypes de cette monnaie et les distribua aux participants sous forme de pièces comportant les portraits des chefs d’Etat présents. Sous les pressions conjointes des Russes et des Chinois, et avec l’assentiment d’un DSK que la perspective de jouer les accoucheurs de la monnaie mondiale rendait presque aussi heureux qu’une (biiiiip !), le projet connut une nouvelle impulsion. DSK s’y consacra pleinement. Devenir le grand argentier du monde, supplanter le dollar, l’euro, quel rêve de puissance !
Oui, mais voilà. Les Américains n’avaient pas du tout lâché le morceau et ne faisaient que gagner du temps, histoire de torpiller le projet. Il n’était pas question que l’Empire perde sa suprématie financière sur le monde. Il n’était pas question que la dette abyssale des Etats-Unis puisse être évaluée en une quelconque autre devise que le dollar, si facilement dépréciable.
Rappelons, pour la petite histoire et le plaisir de nos lecteurs complotistes, que les USA envahirent l’Irak soumis à embargo depuis des années, seulement 6 mois après que Saddam Hussein ait annoncé qu’il ne vendrait plus son pétrole en dollars, mais en euros. Un gros mensonge et de fausses preuves brandies à l’ONU ne leur ont pas fait peur pour justifier leur agression.
Mais reprenons le fil de notre récit et venons-en à 2010. L’an passé, le projet est soumis aux experts de la Division des Affaires économiques et sociales de l’ONU. Leur rapport est étudié le 25 avril 2010 lors d’une réunion conjointe du FMI et de la Banque mondiale. Le dossier semble bouclé et DSK croit la partie gagnée. Dans le même temps, Kadhafi, après avoir fait croire à Sarkosy qu’il rejoindrait le Franc CFA et apporterait à la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC) une partie des actifs de son fonds souverain (un des plus riches du monde…), décide de faire cavalier seul et crée… le “Dinar Or” gagé sur les 144 tonnes d’or qu’il possède et… les DTS du FMI ! Cet impudent va même jusqu’à appeler les autres Etats arabes producteurs de pétrole à se rallier à son projet, à transformer sa banque centrale en banque centrale inter-arabe indépendante du système bancaire mondial et faire du dinar-or la devise du commerce pétrolier. DSK, malgré les avertissements de son bras droit (américain), M. Lipsky (à droite sur la photo supra), fonce tête baissée dans le projet. Il tient son test “grandeur nature”. Les “lecteurs avertis” ne manqueront pas de rétorquer que les objectifs de l’un et de l’autre sont radicalement différents :
– Kadhafi, blousé par Goldman Sachs dans la gestion des avoirs libyens qui avaient été confiés à la banque américaine ne rêve que de créer une entité bancaire africaine qui permette aux pays du continent de se détacher de la finance mondiale et d’organiser et de financer de manière autonome, à l’exemple de la Libye, leur propre développement. A l’instar de la Russie et de la Chine populaire, anciennes puissances communistes devenues puissances économiques, la Libye, ancien pays terroriste, avait pour ambition de devenir une plate forme financière pour l’Afrique. La Banque africaine d’investissement dont le siège était à Tripoli disposant de 90 Mds$ de fonds de dotation, la Banque centrale africaine, siège à Abuja (Nigeria) et le Fond monétaire africain, siège à Yaoundé (Cameroun) avec son capital de 40 Mds$, tous gagés sur les avoirs en or et les DTS du FMI, avaient pour buts d’éliminer du continent noir les banques d’investissement et les multinationales américaines et européennes.
– DSK, grand mondialiste, voyait dans la situation actuelle, le soutien des Russes, des Chinois, et, indirectement de l’Afrique et de certains producteurs de pétrole, une convergence historique lui permettant d’imposer le projet keynésien de monnaie mondiale. Accessoirement, de figurer dans l’Histoire comme l’artisan de cette monnaie.
Des objectifs radicalement différents, donc, mais une convergence d’intérêts…. et de destins.
La date du lancement officiel de la monnaie mondiale était fixée au 26 mai 2011, à l’occasion du G8 de Deauville. C’était une véritable révolution qui se préparait. Le dollar aurait cessé d’être la monnaie de référence et Washington se serait retrouvée contrainte de renoncer au recours permanent à la dette pour se consacrer à sa restructuration interne. Les USA se voyant dicter leur politique par… DSK, crédible ?
Hélas, deux “accidents” de l’Histoire nous empêcheront de le savoir.
Le 19 mars 2011, Nicolas Sarkozy venant d’obtenir un feu presque vert de l’ONU, engage l’armée française dans une guerre contre Kadhafi. Cette décision avait été précédée le 3 mars… du gel de tous les avoirs libyens, tant en Europe, qu’aux USA et dans le reste du monde.
Ce même 19 mars, les “révolutionnaires” soi-disant civils, déguenillés et sous équipés annoncent la “désignation de la Banque Centrale de Benghazi comme autorité compétente en matière de politique monétaire en Libye” et nomment un gouverneur à la Banque Centrale de Libye avec un Q G temporaire à Benghazi. Ce qui fait écrire à un journaliste américain :
“Je n’ai jamais entendu parler auparavant d’une banque centrale créée juste après quelques semaines d’un soulèvement populaire. Ceci veut dire que nous avons à faire à autre chose qu’un groupe de rebelles déguenillés courant partout et qu’il y a derrière des influences plutôt subtiles.”
Dès le mois d’avril, des cadres de HSBC, la banque qui détient le plus d’avoirs lybiens en Europe, sont à Benghazi pour apporter aux rebelles tous les concours techniques nécessaires à leur nouvelle banque centrale. Exit donc le dinar-or, le projet de monnaie africaine soutenu par plusieurs pays, le test “grandeur nature” de DSK.
Le 14 mai, DSK est arrêté à New York au moment où il prend l’avion pour l’Europe. Il avait rendez vous avec Angela Merkel. Le 16 mai Il est accusé de viol et… mis au secret et incarcéré.
Le 17 mai, son adjoint Lipsky fait une déclaration pour le moins discourtoise disant que le FMI est paralysé car dans l’impossibilité d’entrer en contact avec son Directeur Général.
Le 18 mai DSK démissionne du FMI.
Le 20 mai, DSK n’est plus au secret, plus en prison, mais… plus DG du FMI !
Le 26 mai, à Deauville, le FMI est représenté par… M. Lipsky qui déclara, concernant le projet de monnaie basée sur les DTS et l’or, qu’il convenait d’attendre la nomination du nouveau Directeur Général avant de se lancer dans quoi que ce soit.
Par le plus bête fait du hasard, les deux défenseurs, les deux artisans (animés par des motifs différents l’un et l’autre mais alliés objectifs sur ce projet) se trouvaient hors jeu à la date fatidique du lancement.
L’histoire s’arrête-t-elle là et le projet est-il définitivement enterré ?
Pas si sûr. En effet, la nomination de Christine Lagarde, une incapable notoire habituée à “mettre en forme” ce que plus compétent qu’elle décide, a pu paraître comme une victoire de Washington. Lipsky devenait le “vrai” patron du FMI, laissant le titre à une Européenne, histoire de préserver les susceptibilités. Mais la manière dont Obama a roulé dans la farine les Républicains dans la dernière négociation et obtenu l’augmentation considérable de la dette US sans (ou quasiment sans) contrepartie budgétaire a énervé beaucoup de monde et “du lourd” !
Le 3 Août dernier, l’agence de notation chinoise Dagong, liée au gouvernement chinois, abaisse la note des USA.
Le 5 Août, Poutine déclare devant les caméras de télévision que les USA “parasitent” le système économique mondial et qu’il va falloir les arrêter.
Le 8 Août l’agence Chine Nouvelle déclare que les USA doivent s’attaquer à leur dette et vivre selon leurs moyens.
Le 9 Aout, c’est le Premier ministre chinois lui même qui monte au créneau dans un discours très violent à l’égard des Etats-Unis. Il appelle l’ensemble des pays du G20 et le FMI à agir de concert pour stabiliser les marchés financiers et protéger la croissance. Il avertit que la Banque centrale chinoise continuera à diversifier ses investissements en devises étrangères face aux menaces qui pèsent sur le dollar.
Les USA pourront-ils tenir face à la coalition de ces mastodontes ? Comment les Etats-Unis et leurs soutiens espèrent-ils passer le cap de 2013 et du refinancement des dettes comme je l’exposais dans un article précédent ? Comment l’Oncle Sam espère-t-il passer la crise qui se profile sur le marché de l’or lorsque la bulle de “l’or-papier” va exploser ?
Le projet de monnaie de change FMI étant bien avancé et semblant aujourd’hui la seule alternative crédible au chaos absolu, il n’est pas impossible d’imaginer que Christine Lagarde se retrouve dans la situation de devoir mettre en place le projet DSK, quitte négocier avec les Etats-Unis une dévaluation du montant de leur dette contre l’abandon du dollar-roi.
Nos lecteurs pragmatiques trouveront cela cocace, nos lecteurs complotistes s’écriront “une guerre et l’honneur d’un homme pour rien !”, dans tous les cas, l’Histoire inexorablement avance…
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