La technique est toujours la même. Au motif qui y aurait un contentieux à apurer dans le rapport de la France à son passé, en réalité inventé par nos ennemis, M. Macron nomme une commission d’experts chargée de rédiger un rapport sur la question. Cette commission est présidée et largement composée de gens hostiles aux thèses profrançaises et favorables aux thèses antifrançaises de la partie adverse. Elle rend son rapport qui est, on pouvait s’en douter, non une tentative d’apaisement, mais nouvelle salissure sur la mémoire de la France, et doit être l’occasion de nouveaux actes de repentance, s’ajoutant à d’autres, humiliants pour notre pays.
Algérie
Avec l’Algérie, on pouvait tout à fait laisser les plaies se cicatriser avec le temps – plaies ouvertes, non par le souvenir d’une guerre vieille de soixante ans, que très peu d’Algériens ont gardé, mais par la propagande antifrançaise insensée du FLN au pouvoir depuis 1962, un parti qui ne représente plus du tout les combattants de l’indépendance, presque tous morts, qui a échoué sur tout et est rejeté par le peuple algérien. Mais M. Macron a cru bon de confier à Benjamin Stora la présidence d’une commission soi-disant paritaire mais dont le président, universitaire d’extrême gauche, épouse entièrement les thèses du FLN, en occultant notamment le souvenir des harkis (dont le massacre, en violation des accords d’Evian qui prévoyaient l’amnistie des deux côtés, est de la responsabilité de l’Etat algérien) ou d’autres massacres. En face, un rappel insistant des bavures incessamment reprochées à l’armée française depuis deux générations. Le résultat, par l’exaspération que ce rapport suscite : non point l’apaisement mais un renouveau d’hostilité à l’égard des Algériens dans une partie de l’opinion. Quant au gouvernement algérien, loin d’être apaisé, il redouble de ressentiment à l’égard de la France. M. Macron est bien le seul qui ignore que les repentances à répétition suscitent le mépris et un surcroît de haine de la partie adverse. A moins que, plus malin qu’on pense, il ne le sache que trop bien.
Rwanda
Avec le Rwanda, le président a procédé de la même manière : il a installé une commission d’historiens ou prétendus tels, confiée à Vincent Duclert qui a remis, le 26 mars 2021, un rapport sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda en avril-mai 1994. Sans aller jusqu’à accuser l’armée française de complicité de génocide, du moins par écrit, ce rapport pointe des “responsabilités accablantes” pour la France. Quelles responsabilités ? Quand le Rwanda a été attaqué en 1990 par une milice sans légitimité venue de l’étranger, la France, par sa coopération militaire avec le gouvernement en place, ni meilleur ni pire que les autres en Afrique, quoi qu’on ait dit, a permis à celui-ci de se défendre. La France avait dès les années soixante-dix formé les forces armées rwandaises, notamment la gendarmerie, dans le cadre d’une coopération militaire normale. Nous ne leur avons pas appris le maniement de la machette, principal instrument du massacre. Cette coopération a cessé avec les accords d’Arusha (août 1993), qui devaient mettre fin à toute aide étrangère, accord respecté par la France et le gouvernement en place mais violé ouvertement par les envahisseurs et leurs parrains, principalement anglo-saxons. Il s’en est suivi des massacres croisés entre les deux ethnies, tutsi et hutu, qui ont fait 5 millions de victimes dans lesquels Paul Kagame, le chef des envahisseurs, grand ami de Macron, porte une responsabilité accablante. Cette responsabilité a été mise en valeur par des journalistes respectés et indépendants comme Pierre Péan et, plus récemment la canadienne Judy Rever, ou des universitaires comme le belge Filip Reyntjens ou le franco-camerounais Charles Onana, qui n’y avaient aucun intérêt, alors que les experts de l’autre bord ont souvent un lien avec le régime de Kagame. Il y a eu, entre 1994 et 1999, si l’on en croit des rapports de l’ONU peu divulgués entre cinq et dix fois plus de morts hutu que tutsi mais l’influence des alliés de Kagame chef des envahisseurs tutsi et président du Rwanda à partir de 1994 a permis que l’opinion internationale ne soit sensible qu’au massacre des tutsi . En aucun cas l’armée française engagée pour s’interposer entre juillet et août 1994 n’a, contrairement à ce qu’allègue Kagame, participé à un quelconque génocide ; elle a au contraire sauvé des centaines de milliers de vies au cours d’une mission pacifique qui avait l’aval du Conseil de sécurité. Or Macron , entièrement acquis à la thèse des Anglo-saxons qui a déjà multiplié les faveurs pour le régime de Kagame, toujours en place 27 ans après, projette un nouveau voyage au Rwanda où il faut s’attendre à une nouvelle couche de repentance pour des griefs inexistants.
Rappelons que l’égyptien Boutros-Ghali, qui était alors secrétaire général des Nations unies et donc bien placé pour savoir ce qui se passait, avait dit que la responsabilité de la tragédie rwandaise revenait entièrement aux Etats-Unis – qui ne s’en sont, eux, jamais repentis. En fait, notre pays fut le seul à tenter de faire quelque chose pour arrêter les massacres. La France est, on le sait, le seul membre du conseil de sécurité à pratiquer la repentance !
Le résultat de ces excuses à répétition : non point l’apaisement, mais la haine, l’humiliation de la France et de l‘armée française (qu’aucun président depuis 2007 n’a défendue), le ravivage des plaies, la diffusion de mensonges et de points de vue unilatéraux.
Pourquoi, mais pourquoi ?
On pourrait mettre cet acharnement de Macron à salir son pays sur le compte du souci électoral : une partie de l’électorat d’origine algérienne pourrait être conduite à revoter Macron par le gouvernement d’Alger, souvent prescripteur. Mais était-ce bien nécessaire ? Et si cela vaut pour l’Algérie, pourquoi le Rwanda, dont les Français ne savent rien et dont le gouvernement ne pèse nullement dans la politique française ? Et d’ailleurs, quelle famille de militaires votera encore pour un président qui ne cesse d’humilier l’armée française ?
On pourrait dire aussi que le président n’est pas très intelligent. Accepter une thèse unilatérale, celle des partisans de Kagame, malgré les nombreux démentis opposés à cette thèse, sans jamais s’interroger sur sa véracité, est le signe d’un aveuglement qui confine à la bêtise.
Un aveuglement qui n’a d’explication que l’idéologie : imprégné à Sciences Po (version Richard Descoings) par l’idéologie décoloniale venue des campus américains, Macron est sincèrement convaincu que la colonisation ne fut qu’une série de crimes, alors que la plupart des anciennes populations coloniales, hors d’Algérie, ne le pensent pas. Lors de sa dernière sortie antifrançaise en Côte d’Ivoire, Benalla lui-même rappela les bienfaits de la colonisation au Maroc. Mais, mois après mois, Macron s ‘obstine.
Comme il ne faut rien exclure, l’inintelligence de cette posture semble avoir un côté pathologique : comme si le jeune et fringant président se voulait l’interprète d’un masochisme national. “Nous devons déconstruire notre propre histoire” a-t-il avoué à la chaîne américaine CBS. Rien que ça ! Déconstruire, en français, c’est démolir.
Mais dans cette obstination où il a tout à perdre sur le plan électoral, comment ne pas se demander s’il ne serait pas investi d’un agenda d‘abaissement systématique de la France, lequel revêt d’autres aspects comme le démantèlement de nos industries stratégiques ? Un agenda dicté par ceux qui pensent que la mondialisation ne pourra atteindre pleinement ses objectifs que par une disparition du sentiment national, spécialement chez « la grande nation », plus que d’autres à même , par son histoire singulière, de résister à ce processus. « La France, nous la punirons » disait Condoleezza Rice après le refus de Chirac de participer à la désastreuse guerre d’Irak. Apparemment la punition continue.
Roland Hureaux, essayiste et haut fonctionnaire
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