Un impôt s’éteint, une surtaxe s’éveille

Grâce aux petits bras musclés du Président jupitérien, on a enfin supprimé (ou on est en train de supprimer) la taxe d’habitation. Youpi, joie dans les foyers et poulet-frites le dimanche : le racket fiscal serait en train de diminuer ! Youpi !

Tout cela est bel et bon, mais voilà, une question brûle les lèvres des fiscalistes, des journalistes et des élus de ces communes directement impactées par le tarissement d’une source d’Argent Gratuit Des Autres : comment compenser le Manque À Gagner™ ?

Bien évidemment, ici, avant de demander comment compenser ce manque affreux, personne dans les rédactions, les communes et à Bercy ne semble vouloir se poser la question de savoir pourquoi il faudrait compenser quoi que ce soit.

Oh, bien évidemment, il se trouvera toujours quelqu’un pour baratiner niaiseusement sur la nécessité de financer ces communes qui, sans cet apport financier, ne seront évidemment pas capables d’assurer l’absence de maintenance des routes et leur saupoudrage régulier de ralentisseurs hors normes et illégaux ; la disparition de la taxe d’habitation, c’est aussi moins d’argent pour les jolies petites écoles républicaines où l’on apprend à lire de travers, à écrire de façon inclusive et à compter sur les autres ; la baisse des rentrées fiscales, c’est évidemment le synonyme d’une diminution insupportable des équipes municipales, véritable vivier d’emplois et réserve statistique indispensable pour éviter de faire rougir les chiffres de Pôle Emploi…

Et comme personne ne cherchera donc à savoir si on pouvait se passer de ces financements parce que les dépenses attachées étaient parfaitement dispensables, il ne surnagera de ce cloaque que cette seule demande, pressante, de savoir où diable trouverons-nous tous ces beaux milliards qui manqueront inévitablement.

Heureusement, la Macronie sait fort bien gérer ce problème en appliquant les solutions de la Hollandie et de la Sarkozie avant elle : de nouvelles taxes seront rapidement appelées en renfort. Oh, pardon, c’est vrai, j’oubliais que les nouvelles taxes sont interdites par doxa ! Emmanuel l’a bien rappelé, à de nombreuses reprises : il n’y aura pas de nouveaux impôts ni de nouvelles taxes.

Nous nous reporterons donc sur de nouvelles surtaxes : celles-ci porteront sur des taxes déjà existantes qu’on va simplement grossir. Tout ceci passera comme une lettre à la poste en tarif normal 20g (c’est-à-dire distribuée en retard, pliée en deux, dans la mauvaise boîte).

Je résume donc.

Dans un élan d’une générosité calculée, notre Président À Toutezétousses a décidé qu’il fallait supprimer la taxe d’habitation. Et de la même façon que la dette d’Air France qui ne sera pas prise en charge par le contribuable, non non et non, c’est Bruno qui le dit, de la même façon que la dette de la SNCF ne sera finalement pas répercutée dans les comptes de la nation, non non et non, de la même façon que tant d’autres dettes, trous, déficits et abimes fiscales ne seront pas comblées par le contribuable, non, non et non il n’y aura pas de nouvel impôt ni de nouvelles taxes sur l’immobilier pour compenser la disparition de la taxe d’habitation.

Dans un de ces magnifiques tours de magie qui font mal aux orifices, nos élites actuelles envisagent donc une surtaxe foncière.

Malins, les élus se sont cependant demandés comment faire pour tabasser le contribuable (exercice auquel ils sont habitués) mais sans que cela ne compromette leur réélection. Or, la taxe foncière, pilotée localement, devient vite une variable d’ajustement en cas d’année électorale. Une solution a rapidement été trouvée : faire porter le tabassage sur les résidences secondaires. Ainsi, c’est le maire de la commune dans laquelle le contribuable ne vote pas qui sera responsable de la vilaine augmentation.

Bien joué.

En attendant, certains (les plus naïfs sans doute) attendent encore et toujours une baisse éventuelle des dépenses publiques, depuis les communes jusqu’au niveau de l’État national. Têtus, certains députés, ne reculant devant aucun bobard éhonté, relaient la belle légende d’une recherche d’économies dans les dépenses publiques.

 

Las : les chiffres sont au moins aussi têtus que nos élus. En Europe, le pays champion toutes catégories des dépenses publiques reste indubitablement la France.

Las, quoi que pipeautent les dirigeants, les députés ou les élus de toutes sortes, quand bien même 8 Français sur 10 réclament une baisse de ces dépenses publiques, ces dernières continuent d’augmenter.

Las, le seul motif de satisfaction du gouvernement, c’est de rendre compte d’une petite diminution dans son rythme d’augmentation : le taux moyen de croissance en volume de la dépense publique serait de 0,25% entre 2019 et 2022, contre une précédente prévision de 0,325% d’après le rapporteur du budget à l’Assemblée.

Notez au passage qu’il ne s’agit que d’une prévision, largement sujette à correction (défavorable) dans les mois qui viennent. Notez aussi que c’est bien d’une diminution de l’augmentation des dépenses, pas d’une diminution des dépenses : fouyaya, toute cette puissante diminution de second ordre me donne le tournis !

Bref, il n’y a pas plus de diminution des dépenses publiques que de beurre en broche, ce qui permet à Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie jamais en retard pour débiter une ânerie, de se positionner gagnant dans la course à l’échalote de celui qui trouvera le plus d’économies virtuelles dans la fiscalité publique. Pour lui, c’est même, je cite :

« la première solution, celle à laquelle on ne pense jamais spontanément, et pourtant, sans doute, la plus efficace. »

Et il est vrai que fermer enfin un ou deux sprinklers à pognon ne vient vraiment pas spontanément à l’esprit de nos technocrates et de nos élus qui n’ont jamais vécu que par et pour la dépense publique.

Rassurez-vous cependant : comme en témoigne l’absence totale de proposition concrète d’une diminution réelle de ces dépenses, pas plus que la moindre désignation d’un de ces sprinklers si largement ouverts, tout ceci n’en est pour le moment qu’au stade du vœu pieu : certains impôt disparaissent, la fiscalité augmente, les dépenses ne diminuent pas.

Tout va bien.

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