Cela n’a pas tardé. On n’aura pas attendu que le nouveau président soit officiellement installé à l’Élysée. On n’aura pas attendu qu’il se soit rendu à Berlin le soir même et que l’on apprenne quelles concessions réciproques auront été faites. On n’aura pas attendu même que soit dévoilé le nom du Premier ministre. On n’aura pas attendu que le gouvernement soit formé. On n’aura pas attendu, naturellement non plus, que l’Assemblée nationale soit élue : on a préempté sa composition, on n’écoutera même pas ses débats, on ne s’attardera pas sur son vote.
On commence déjà à habituer les Français à l’augmentation des prélèvements obligatoires.
Bien entendu, ça commence, ça commence toujours, ça a déjà commencé, par frapper une toute petite minorité, celle des bizarres, des impopulaires : les riches, les très riches, les super-riches, les trop riches.
On se souvient que l’annonce d’une taxation à plus de 75 % des gains les plus astronomiques avait relancé la campagne du favori des sondages à un moment où ils s’affaissaient légèrement. Sortie d’une pochette-surprise, la révélation en avait été faite, plus d’un mois après le discours inaugural du 22 janvier au Bourget et la publication du programme en 60 points du 26 janvier. Exactement, cette invention intervint sur le plateau de l’émission “Parole de candidat” sur TF1, le 27 février.
Aucun impôt, aucune taxe, aucun prélèvement ne “rapporte” rien à aucune nation. Le transfert fiscal ne produit rien. Il coûte seulement ses frais de recouvrement.
Personne ne daignera plaindre, bien entendu, ces titulaires de revenus supérieurs à je ne sais combien. Ils représentent en tout quelque 400 foyers fiscaux. Par définition, on les suppose, en tant que classe sociale, les plus détestés de l’opinion. On les sait les plus enviés. On aime à citer ainsi ceux qui se trouvent diriger une entreprise du CAC 40, qui par définition ne se comptent pourtant pas plus du dixième, parmi lesquels trois ou quatre présidents de grandes banques. Parmi les cibles on confond donc tout : les champions professionnels du sport spectacle, les artistes et auteurs à succès, et quelques personnes mal conseillées fiscalement, etc., gens dont les Français apprécient en général les prestations. N’importe : leur cause est entendue.
Cette proposition a fait passer au second rang l’idée plus modeste de taxer à 45 % la tranche supérieure à 150 000 euros par an, un peu plus nombreuse. S’il s’agissait d’un agrume qu’on presse d’une main vigoureuse, on pourrait la dire un peu plus “juteuse”.
À remarquer, une fois de plus, cette façon de présenter la fiscalité, toujours du seul point de vue de l’administration du Trésor et de ce que cela “rapporte”.
On doit pourtant le rappeler avec force. En réalité aucun impôt, aucune taxe, aucun prélèvement ne “rapporte” rien à aucune nation. Le transfert fiscal ne produit rien. Il coûte seulement ses frais de recouvrement.
À noter que ces deux “mesures” ne concernent que l’impôt sur le revenu. Petit affluent des recettes budgétaires, il se révèle toujours sensible aux deux grandes fractions de l’opinion :
- La moitié des Français qui ne le payent pas le trouve toujours très juste dans son principe et trop léger dans son barème.
- L’autre moitié, qui le supporte, considère en général le contraire.
Arrive maintenant la troisième bonne nouvelle.
À la Une des Échos, le 11 mai, on pouvait lire qu’en don de joyeux avènement, le nouveau chef de l’État, proprio motu sans doute “va relever l’ISF dès cet été”.
En pages intérieures l’article, quoique plus filandreux, explique comment il s’y prendra pour l’alourdir dès cette année.
Les privilégiés doivent trembler, cependant que les plus démunis d’entre nous ont le devoir d’applaudir. Que roulent donc les guillotines molles d’un fisc impitoyable destinées à les appauvrir.
Qu’importe la pensée des classiques, des fondateurs, des vieilles barbes, qu’importent les faits, puisque désormais on rase gratis ainsi que l’a décidé le peuple.
Spectacle grotesque d’une gauchisation virtuelle et symbolique, ce triptyque n’allégera les souffrances d’aucun miséreux.
Plus crucial encore, pour les mois à venir : la plus grave des dettes, celle du Trésor Public, n’en sera même pas soulagée. Les mécomptes sur les anticipations de recettes du budget 2012 et sur celles des comptes sociaux seront probablement 3 ou 4 fois plus élevés que les produits escomptés de ces renchérissements d’impôts de l’ordre de 6 ou 7 milliards, environ 3 % des 180 ou 200 milliards d’euros besoins financiers pour l’année 2012, ou à peine 2 % de la dépense publique de l’État central que l’on se refuse à restreindre.
Par exemple si les services fiscaux évaluent à 2,3 milliards le surcroît de recettes engendrées par le relèvement de l’ISF des particuliers, on apprenait le même jour que l’État devra rembourser 4 milliards indûment prélevés sur certains fonds de placements.
Il paraît cependant que les annonces fiscalistes rassurent encore certains opérateurs de marché. Ceux-ci ignorent probablement les beaux tableaux de pourcentages, inutilement édités par l’OCDE, qui tendent à démontrer que l’augmentation des prélèvements obligatoires ne peut plus désormais constituer une solution pour la France. Qu’importe aux technocrates de la haute finance, qu’importe au groupe de Bilderberg. On dira bientôt, comme le FMI strauss-kahnien en 2010 le disait du gouvernement Papandréou, et nous le laissait croire, que le pouvoir en place, une fois de plus, “a fait un travail extraordinaire”. Sur le papier on nous convaincra que “ça marche”.
La Théorie économique a démontré depuis longtemps que cela ne peut pas marcher. Les faits le confirment partout. Mais qu’importe la pensée des classiques, des fondateurs, des vieilles barbes, qu’importent les faits, puisque désormais on rase gratis ainsi que l’a décidé le peuple.
Cet article a été publié en partenariat avec L’Insolent.
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