Les Français avaient cru élire un président, enfin s’étaient plutôt résignés à « choisir » celui que les médias leur désignaient. Et ils ont un homme de théâtre à l’Elysée qui leur a offert ce Lundi de Pâques un « One Man Show », comme il en raffole. Spectacle de qualité, même si l’on peut regretter le cabotinage du ton déploratif et compatissant, avec des ralentissements et des baisses de volume savamment calculés pour donner l’illusion de la proximité et de l’empathie. Big Brother parlait à ses petits frères dans l’affliction dont il promet de prendre le soin le plus attentif. Sarkozy disait : « j’ai changé parce que les épreuves de la vie m’ont changé ». L’aveu était direct et personnel. Macron avec sa préciosité coutumière dans le choix des mots, et plus subtilement, parle de « se réinventer », mais il emploie le nous, et il glisse, l’air de rien, sa contrition dans une rédemption collective. L’arrogant se fait humble, le président des riches plus soucieux des personnes fragiles et vulnérables, le mondialiste plus déterminé à rétablir notre indépendance économique, le premier de cordée plus préoccupé des inégalités accrues. La transfiguration est telle, le monarque se place tellement au sein de ses sujets qu’il constate, comme eux des « ratés », des « failles », comme s’il n’y était pour rien alors qu’il est associé au pouvoir puis détenteur de celui-ci depuis 2012 ! L’humilité et la lucidité du « chef » laissent alors place à la fierté qu’il ressent devant le comportement de ses troupes, la première ligne des soignants, la seconde des activités essentielles et la troisième des confinés, le dévouement des uns, le courage des autres et la discipline des derniers. « Je suis fier de vous », voilà qui fait plaisir à chacun, et permet de braquer le projecteur sur l’avenir, histoire de laisser dans l’ombre les erreurs et manquements d’un passé très récent. Les Gaulois réfractaires sont redevenus une nation qui fait face, se tient debout et solidaire. Le peuple en marche vers la terre promise se voit même proposer une date où il va l’atteindre : le 11 Mai, l’Eden sera retrouvé, où les tests et les masques, les respirateurs et les lits d’hôpitaux seront en abondance, les crèches et les écoles réouvertes, lorsque les jours meilleurs poindront à l’horizon.
Tous les soignants auront des masques, les Français pourront en disposer selon leurs besoins, les personnes présentant des symptômes pourront subir un test. Les Français auront retrouvé le goût du temps long et ils attendront quelques mois pour bénéficier d’un vaccin qui reste à trouver. L’avenir radieux se dessine comme une renaissance dans une société plus solidaire et généreuse, plus sobre, et plus forte à la fois. Le paradis du monde d’avant sera comme Notre-Dame encore plus beau repeint aux couleurs du monde d’après.
Il faut imaginer Macron heureux dans ces jours sombres où il joue le rôle de sa vie. Il lui permet de donner la pleine mesure de son talent, de faire oublier ses erreurs, et plus encore la nullité de la plupart de ceux qui l’entourent, de son ministre de l’intérieur qui réquisitionne et verbalise à tour de bras, de son garde des sceaux qui libère des détenus à la pelle, de son porte-parole qui multiplie les bourdes. Mais, cette autocratie médiatique n’affaiblit-elle pas notre démocratie avant même que le traçage ne morde sur nos libertés ? Dans une vraie démocratie, les Français n’auraient pas subi pour la troisième fois la parole univoque du président, ils auraient eu droit à un échange public entre celui-ci et de vrais journalistes qui lui auraient posé de vraies questions sur les ombres du discours. Le virus était imprévisible, et la France, surprise comme tous les pays du monde a fait face mieux que d’autres, en innovant ? Ses gouvernants se sont mobilisés pour acquérir le matériel nécessaire, pour résoudre les problèmes une fois identifiés ? Comment se fait-il alors que Mme Buzyn dit avoir prévenu le Président le 11 Janvier, et que rien n’ait été entrepris avant la mi-mars, c’est-à-dire au lendemain des élections municipales ? Pourquoi parler d’une disponibilité des masques pour les soignants et pour certains Français le 11 mai, comme d’une victoire, alors que leur absence actuelle est la cause principale du confinement ? Pourquoi présenter la possibilité de tester les personnes présentant des symptômes le 11 mai comme un succès alors que c’est déjà largement le cas en Allemagne, qui en est au déconfinement ? Le confinement est la conséquence de la pénurie. Pourquoi celle-ci est-elle plus importante que chez plusieurs de nos voisins ? Pourquoi avoir comptabilisé à part, et récemment, les décès dans les Ehpad, et ne pas tenir compte des morts à domicile, qui représentent en moyenne le quart des décès ? Pourquoi ne pas être plus précis sur les traitements comme si la stratégie du Professeur Raoult n’avait pas fait ses preuves ? Pourquoi faire miroiter le vaccin alors que le dépistage, l’isolement des malades et les soins sont la voie la plus rapide ? Le calendrier de sortie de crise ne sera pas identique pour tous les pays. Beaucoup auront vraiment écarté la maladie et retrouvé l’activité quand la France qui connaît un plateau de l’épidémie, et non un recul, sera confrontée à un effondrement du tourisme et des loisirs, essentiels pour elle. Vous promettez des aides. Comment allez-vous les financer, alors que la dette de la France atteint les 100% du PIB et va mécaniquement exploser ?
M. Macron a parlé de transparence. Rien de plus opaque qu’un écran occupé par un homme seul !
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