À l’heure qu’il est, tout, ou à peu près, a été dit au sujet des #PanamaPapers et à mesure qu’ils sont remplacés dans l’actualité par des #PoitouCharentesPapers plus riches en rebondissement.
On ne compte plus les articles plus ou moins enflammés d’une presse largement acquise aux objectifs étatiques de la lutte contre l’évasion fiscale, et il est fort difficile de trouver quelques rappels essentiels, depuis le fait qu’une bonne partie de ces placements ne sont pas illégaux en passant par celui que nos parangons journalistiques se pignolent gentiment sur des documents volés, jusqu’au rappel, essentiel, que l’impôt, dans un monde normal, est consenti et non extorqué comme il l’est actuellement.
Plus rares sont les analyses qui permettent de replacer ces révélations dans leur contexte mondial, et notamment dans la lutte acharnée que les États-Unis mènent depuis de nombreuses années pour, d’une part, conserver l’hégémonie de leur monnaie, d’autre part, s’assurer de rentrées fiscales conséquentes, et enfin, de rapatrier, par la force s’il le faut, le maximum de capitaux chez eux.
À ce titre, je ne peux que signaler cet article paru sur l’AGEFI qui fait un historique clair des dernières manœuvres américaines et qui, paru avant l’affaire des #PanamaPapers, prend une saveur particulière en expliquant assez bien, en creux, l’absence assez visible de ressortissant américain dans les révélations qui furent faites récemment : dès lors, ces révélations – qui semblent être tombées sans beaucoup d’efforts sur les genoux de nos frétillants journalistes – s’inscrivent assez bien dans la tendance globale d’un resserrement de l’étau américain.
Une fois les analyses techniques et les enjeux géopolitiques passés en revue, une fois écartés les cris outrés des thuriféraires étatiques et des soumis obséquieux de la ponction fiscale, il reste l’évidence que, pour l’homme de la rue, ces révélations n’en sont pas.
De tous temps semble-t-il, l’État ou ce qui en tenait lieu s’est arrogé le droit de prendre une partie des richesses obtenues par le travail des uns pour, dans le meilleur des cas, construire et entretenir des biens communs et abonder à un intérêt collectif aux définitions diablement fuyantes, ou, dans le pire des cas, agrandir la fortune d’autres peu nombreux mais bien placés. Et de tout temps (vraiment de tous temps), l’homme de la rue s’est donc efforcé de payer ce qu’il estime juste pour cette part d’intérêt collectif, ou supportable pour la fortune de ceux qui, en échange, prétendent lui assurer une certaine sécurité. Mais à l’exception des idiots utiles et de ceux qui se sont laissés intoxiquer par les notions fumeuses et collectivistes de l’extorqueur, personne n’est réellement dupe de ce qui se passe.
Mieux : tout le monde pratique, à sa manière et à chaque fois qu’il le peut, toutes les formes possibles d’évasion fiscale et de réduction raisonnée de cette pression de l’État sur sa richesse, aussi infime soit-elle.
D’ailleurs, c’est exactement le sens d’un récent sondage Odaxa que rapporte Le Point : s’ils avaient « beaucoup d’argent », 19% des Français chercheraient à faire de l’évasion fiscale pure et simple. Et en se contentant d’une « situation financière aisée », le nombre grimpe à 78% dans le cas d’une optimisation fiscale, montrant d’ailleurs au passage que chacun comprend bien la différence entre les opérations effectivement illégales pour cacher ses possessions, et celles qui ne relèvent que de la légalité bien comprise.
Le Point et les analystes qui se sont penchés sur le sondage notent ensuite avidement que 83% des sondés estiment la fraude grave et, pour 88% d’entre eux, nuisible à l’économie, mais de façon encore plus intéressante, remarquent qu’un Français sur cinq accorderait son vote à un élu pourtant malhonnête, jugeant son efficacité plus importante que sa probité (au passage, le paysage politique français actuel tend à prouver que le sondage sous-estime très largement cette proportion). Pour Odaxa, cette capacité des Français à accepter ainsi quelqu’un de malhonnête s’expliquerait par certaines habitudes prises au quotidien.
Autrement dit, malgré des années de propagande pro-étatique grossière, d’incitations plus ou moins violentes à rentrer dans le rang fiscal, de campagnes de délation, malgré les discours dégoulinants de moraline d’un Camp du Bien si délicieusement pro-impôts tous azimuts, les révélations de ces #PanamaPapers sont bien loin de déclencher l’unanimité du peuple contre la fraude et sont aussi loin d’obtenir un support franc, massif et indiscutable dans la lutte contre celle-ci.
Peut-être chaque Français sent-il, confusément, que cette traque fiscale au maillage de plus en plus fin ne présage rien de bon pour sa propre liberté ? Peut-être s’estompe petit à petit l’effet du gros bobard maintes fois entendu selon lequel une traque fiscale efficace permettrait des rentrées abondantes et donc un impôt plus faible ?
Il faut dire que la traque en question est tout sauf efficace, et ce d’autant plus que les politiciens sont les premiers à y échapper, notamment lorsqu’ils s’évertuent à construire des édifices légaux taillés sur mesure pour leurs petits besoins personnels.
Comment payer moins d’impôts:
1- Panama
2- Créez votre propre paradis fiscal interne, pour votre caste pic.twitter.com/XkHghuFfAy— V. Benard ^ (@vbenard) 5 avril 2016
Il faut dire qu’en parallèle, même lorsque cette traque s’intensifie, et même lorsque Bercy nous pipeaute des résultats phénoménaux, les impôts continuent de grimper toujours plus haut, toujours plus fort. Autrement dit, tout indique qu’une traque efficace permet plutôt d’augmenter les impôts que les diminuer ; les naïfs qui imaginent encore qu’avec zéro fraude fiscale, le poids de la ponction serait rikiki en seront pour leurs frais : c’est exactement le contraire qui se passe en réalité.
En pratique, là où les riches font des pieds et des mains pour échapper au fisc en utilisant des montages complexes tels que ceux décrits dans les PanamaPapers, les pauvres font finalement eux aussi des pieds et des mains pour échapper à la même ponction. En fait, le Panama des pauvres, c’est le travail au noir ou les opérations hors TVA non déclarées aux administrations.
Et lorsqu’on a compris qu’en définitive, la tentative d’échapper au fisc occupe tout le monde, et ce, de plus en plus à mesure que ce dernier se montre toujours plus vorace, on ne peut s’empêcher de poser plusieurs questions :
Combien coûte, en temps, en trésor d’ingéniosité et en tracas divers l’utilisation raisonnée de ces opérations et de ce travail au noir ? Toute cette énergie dépensée pour échapper à une ponction devenue trop grande ne serait-elle pas mieux employée à produire, directement, de la richesse ?
Et que peut-on dire d’un système fiscal où, du plus riche au plus pauvre, tous s’emploient à essayer d’y échapper ? Si tant d’individus, des plus riches au plus pauvres, tentent tous d’éviter le cadre légal, le problème vient-il encore de ces individus ? Ne vient-il pas plutôt du cadre légal lui-même ?
Or, qui échappe subtilement, de façon décontractée, et tout à fait légale à ce cadre légal, si ce n’est ceux qui, justement, le définissent ?
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