Misant sur notre ingénuité, de bons esprits voudraient nous convaincre que le parti socialiste ne représente plus la gauche. Les salles de rédaction, les professionnels de la communication, les arrières boutiques du pouvoir médiatique, bref tous les revendeurs du prêt-à-penser parlent et écrivent comme si la libéralisation économique de la France était en marche, et comme si nos budgets déficitaires relevaient de la rigueur ou de l’austérité.
Le seul débat permis sur ce point consiste d’ailleurs à disserter sur la différence entre deux concepts que personne, pourtant, n’a jamais définis de manière vraiment convaincante. Quand peut-on parler de “rigueur” ? Quand doit-on parler “d’austérité” ? On sait ne plus vraiment. Mais la seule chose que l’on peut dire avec certitude est qu’aucun de ces deux mots ne s’applique à ce que font les gouvernements de l’Hexagone qui en savent que multiplier les faux droits et additionner les taxations.
Nous ignorons donc, en fait, à deux ans du scrutin présidentiel, son résultat.
Mais tout le monde fait semblant de le tenir pour acquis s’agissant de l’élimination de la gauche : certains pensent même que son candidat ne figurerait pas au second tour, comme en 2002.
Ceci explique peut-être la frénésie avec laquelle ses ministres s’emploient à légiférer dans un sens que “les républicains” auront beaucoup de mal à rectifier. Autre calcul en effet, la droite, ou ce qui en tient lieu reste très mal à l’aise pour revenir sur les mesures prises par la gauche, notamment parce que parmi ses dirigeants nombreux sont ceux qui partagent, craignent de contredire ou tout simplement approuvent les “avancées” de cette gauche que l’on peut considérer comme systématiquement “transgressive”. (1)
Première salve : dans la nuit du 12 au 13 mars, l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture, une proposition de loi destinée à aggraver encore la déconstruction de notre société, par 436 voix contre 34.
Ceci donne la mesure du rapport des forces, entre le parti de la vie et le parti de la mort au sein de notre classe politique. À noter en revanche que le 9 mars, cinq responsables religieux – les représentants du christianisme, Mgr Philippe Barbarin, cardinal-archevêque de Lyon, le pasteur François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, Mgr Emmanuel Adamakis, président de l’assemblée des évêques orthodoxes de France, du judaïsme Haïm Korsia grand rabbin de France et le président de l’Union des mosquées de France Mohammed Moussaoui ‑ avaient lancé un appel commun contre “la tentation de donner la mort, sans l’avouer, en abusant de la sédation” en rappelant que “l’interdit de tuer doit être préservé”.
Deux lois d’origine gouvernementale sont passées, sinon inaperçues en mars et avril – car elles ont reçu un large écho médiatique – mais finalement de façon presque consensuelle. Les mobilisations et protestations se sont sans doute exprimées au sein de l’assemblée nationale. mais ni celle-ci ni encore moins dans un second temps le sénat n’ont laissé, ne laissent, ni ne laisseront, autre chose transcription symbolique des opinions courageuses, mais minoritaires d’une poignée de représentants de la “minorité judéo-chrétienne”. Citons notamment MM. Xavier Breton, Nicolas Dhuicq, Hervé Mariton, Yannick Moreau et Jean-Frédéric Poisson.
Saluons aussi l’observation d’un praticien, le Dr Bertrand Galichon, urgentiste à l’hôpital Lariboisière, qui craint que “l’on passe d’une logique d’accompagnement de fin de vie – celle de la loi de 2005 – à une logique de gestion de la mort. C’est une rupture.” une de plus.Remarquons aussi les courageuses réserves exprimées par Luc Ferry.
La législation sur la fin de vie se rapproche de plus en plus de l’euthanasie. Le mot n’est plus prononcé mais la chose entre dans les esprits, plus efficacement encore de façon hypocrite, en étouffant les voix dérangeantes.
Le 18 février 2012, le candidat Hollande donnait le ton : il n’est pas favorable, assure-t-il, à l’euthanasie, mais au “droit de mourir dans la dignité”. (2)
À noter une fois de plus que le catholicisme a été gommé des comités d’éthique. Le point à retenir est que le “droit de mourir” a été transformé en “droit de liquider”. On en est même arrivé à parler de légiférer en faveur d’un “droit au suicide”, médicalement assisté bien sûr et remboursé par la sécurité sociale sans doute.
Mais c’est encore plus le fourre-tout indécent de la loi “Touraine” qui devrait donner à réfléchir.
Cet amas bureaucratique de mesures, isolément chacune lourdes de sens, n’est guère combattu, là aussi, que par des parlementaires isolés, par une poignée d’intellectuels et par des intérêts sectoriels.
Il est salué par Le Monde qui en liste les avancées avec gourmandise.
Le tiers payant généralisé était promis par le candidat Hollande “les Français ne paieront plus chez le médecin.” Cela heurte encore, certes, les derniers représentants de la médecine libérale. Mais il s’agit bien d’un projet global de transgression, dont les salles dites “de shoot” ne représentent qu’une face émergée de l’iceberg. Il faut voir en regard l’intransigeance et l’intolérance des pourfendeurs du tabac.
Mars : loi sur la fin de vie. Avril : loi sur la santé.
Que nous réserve le joli mois de mai, qu’on appelait autrefois le mois de Marie ?
> Jean-Gilles Malliarakis anime un blog.
Apostilles :
1. J’adopte ici sans hésiter cet heureux emprunt langagier au vocabulaire de la géologie opéré par M. Charles Hægen, chroniqueur de l’excellent hebdomadaire catholique alsacien “L’Ami du peuple”
12 Comments
Comments are closed.